Abyss
7.4
Abyss

Album de Chelsea Wolfe (2015)

Sea song (and distorsion back)


Odyssée



Soudainement, une être difforme, mi-sirène mi-démone, se présente. Un, puis deux accords nous plongent, la tête la première, dans un océan de dissonances, d’entêtement, et de paradoxes.


À ces sonorités abrasives, Chelsea Wolfe oppose une voix suave, douce et envoutante, surnageant entre ces feedbacks. Tranchante, aux travers des voiles humides, elle est, paradoxalement, l’unique bouée à laquelle on pourra se rattacher. Quoi de plus ironique que d’éviter la noyade en se laissant porter par ce chant de sirène.


Un jeu grave/aigu se met alors en place, les harmonies n’en sont que plus rudes à assimiler, tandis que grondent les guitares heavy, les bourdons et les basses. On déchire, le larsen se distord, on ne veut plus d’une mer calme, mais déchirée et houleuse, les vaisseaux sombrent et on s’enfonce petit à petit dans cette sombre abyme, ou "Abyss".


(c'est en quelque sorte une mise en abîme)



De Charybde en Scylla



La descente se veut minutieuse, marquée par une batterie implacable, martiale, on convoque les éléments naturels : l’orage, la pluie, le tonnerre sont samplés, trafiqués, corrompus pour satisfaire à la musique.


La voix, elle-même, fini par nous mentir : une fois enregistrée, elle se déforme à volonté pour obtenir un tissu humide, nouvelle base où Wolfe chavire, à coup de paroles mêlant onirisme et dépression.



How many years have I been sleeping ?



Nobody ever said I was alive.



Why does everything feel so unnamed ?



The poison inside helps me along.



Mais le naufrage s’opère vraiment en deux temps.


D’abord sur le terrible dyptique Grey Days/After The Fall qui concentre le meilleur de l’album, en y rajoutant cordes et explosions typées Post Rock pour la première, en offrant une bulle d’air presque sereine pour la seconde, grâce à quelques éléments lorgnant du côté du Trip Hop, et des chœurs simplement beaux, avant de violemment la crever en retournant d’un côté plus animal, plus féral.


Enfin on s’échoue sur la conclusive The Abyss et sa lugubre boucle de piano que n’aurait pas reniée Swans, achevée sans voix, simplement par un violon des plus sinistres.


On n’aurait pas pu rêver mieux comme enterrement à la mer, quoi qu’en dise MONO.

Rainure
7
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le 27 août 2015

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Rainure

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