À prendre
6.7
À prendre

Album de Miossec (1998)

A prendre ou à laisser ? Aussi longtemps que Christophe Miossec publiera des disques, il y sera question de bière et d'animal. "ça sent Le Chien Mouillé, Les Bières Aujourd'hui S'Ouvrent Manuellement", chante-t-il ainsi sur son troisième album. Avant de reconnaître, l'haleine chargée et "le pantalon perdu sous les souliers" : "Je ne suis pas des plus spirituels" (A Table). Pour notre plus grande joie, le Breton continue donc à déverser sa bile. Avec la crudité qu'on lui connaît et la faconde qu'on lui reconnaît. Dans la tiédeur ambiante, ses mots venimeux déparent toujours autant dans l'Hexagone. Même si le fiel épouse pour la première fois la symphonie d'un quatuor à cordes (Le Chien Mouillé, Le Déménagement). Une combinaison inédite dans un univers musical toujours signé du remarquable Guillaume Jouan mais d'ores et déjà promise au plus bel avenir radiophonique. Sans parler de L'Assistant Parlementaire, qui va certainement faire fureur parmi les rejetons de nos hommes politiques. D'ailleurs, tant que Miossec se sentira comme une "serpillière qu'il faudrait essorer", on sera toujours les premiers à passer l'éponge.


On sait que pour cause d'homonymie avec un film, A vendre, le troisième album de Miossec est devenu A prendre. Un changement non planifié, auquel on ne peut pourtant s'empêcher de donner un sens caché. Comme si, au dernier moment, la paire Christophe Miossec-Guillaume Jouan, titillée par la perspective d'un nécessaire déménagement musical, avait décidé d'annoncer encore plus nettement la couleur. A vendre, disque à débattre, est donc devenu A prendre, CD cédé à tout prix, pour mieux filer à l'anglaise, quitter ses bases. Sauf qu'en enfonçant les derniers clous d'une trilogie amorcée par Boire et Baiser, A prendre résonne autant comme un adieu que comme un faux départ. Miossec semble dans la position du type au bord de la rupture, déjà en partance mais encore retenu, qui engouffre ses affaires dans un sac mais ne peut s'empêcher de jeter deux ou trois coups d'oeil en arrière ­ voir un titre communément rock comme Les Bières aujourd'hui s'ouvrent manuellement, qui remue les braises de Boire sans en ranimer les sèches flambées. Ailleurs, l'odeur du changement parfume l'épiderme des chansons sans en imprégner complètement les chairs : les arrangements évoluent (piano, cordes, programmations) mais l'écriture musicale s'accroche souvent à une simplicité de principe qui peine à se remettre en cause. En choisissant le compromis entre le premier jet et le fignolage prudent, Miossec parfois se fait la belle en douceur (L'Assistant parlementaire, Le Voisin, Retour à l'hôtel), parfois s'enlise dans un tiède entre-deux.Après avoir servi l'apéro (Boire) et les crudités (Baiser), on le sent hésiter entre recettes maison et cuisine nouvelle. Les mots eux-mêmes, toujours giflants, ont beau réussir leurs incursions sur des terrains jamais défrichés (La Maison, L'Assistant parlementaire), ils reviennent aussitôt à leurs vieilles obsessions ­ glissades et gadins sentimentaux. C'est que la rage et l'âpreté ont aussi leurs habitudes, qui sont parfois les plus difficiles à dépasser. On voudrait parfois dire à Miossec et Jouan qu'il est possible de se raffiner en toute sauvagerie. Que, par exemple, les fumets bizarroïdes d'un Dick Annegarn sont mille fois plus dérangeants que les hymnes patates-fayots de Louise Attaque. Qu'il suffit juste parfois de tordre davantage la matière, de maltraiter les cadres. Le cul entre le tabouret malcommode des débuts et le canapé semi-convertible d'aujourd'hui, Miossec semble vaciller entre l'envie d'être plus riche et la trouille de sombrer dans le luxe.Il faut attendre le terminal Au haut du mât pour que cet intelligent un peu brutal joigne vraiment les deux bouts de son identité : avec un morceau joué l'échine moite et le scalpel à la main, un truc aussi réfléchi que froidement craché qui sent la sueur comme le jus de crâne, la préméditation comme l'impulsivité. A prendre s'achève alors comme on aurait voulu qu'il commence. En attendant que l'aventure se joue, sans frein cette fois-ci, au prochain tournant. (Inrocks)
"A Prendre" et surtout à écouter attentivement comme les deux premiers albums du Breton. Car tout d'abord ce qui est extraordinaire chez Miossec, c'est ce phrasé dur, ces paroles crues, ces banales histoires catastrophiques ... C'est aussi entendre des mots qui seraient vulgaires chez n'importe qui d'autre et qui là sont parfaitement placés et prennent tout leur sens, toute leur force. Ainsi à l'aide de petites histoires, Miossec nous conte de nouveau quelques destins de couples que la séparation ("Le chien mouillé"), l'incompréhension ("A table") ou tout simplement la banalité de vivre à deux guette ou bien est déjà tombée dessus. Il s'amuse également à utiliser un thème casse-gueule comme la "dé-bandaison" et il s'en sort encore une fois formidablement... sans problème ! Comme suite à son "On était tellement de gauche" et ses propos désillusionnés sur la politique, on a droit à "L'assistant parlementaire" sorte de cousin pervers de "L'homme pressé" de Noir Désir. Musicalement, petit à petit, le son de Miossec s'étoffe et racle un peu moins ... il faut dire qu'il avait déboulé dans notre salon assez rudement avec son "Boire" !!! Bien sûr la guitare est toujours la grande camarade de la voix mais désormais des claviers font leur apparition, en particuliers sur "Au haut du mât". En bref, cette nouvelle livraison de Miossec va rejoindre tête haute les deux précédents et va tourner en boucle pendant quelques temps sur la platine !(Popnews)
bisca
7
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le 5 avr. 2022

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LioDeBerjeucue
5

Ou pas

C'est probablement le seul album de Miossec qui m'ait laissé dubitative, comme quoi, malgré tout mon amour, je conserve un soupçon d'objectivité. Quelques titres émouvants néanmoins "les bières"...

le 21 déc. 2011

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