Mon Dieu quel boucan !! Dès les premières mesures on est littéralement assailli, assommé par des trombes de bruit. Si bien qu'on en perd son latin : tout cela semble assez nouveau, clairement extrême, alors même qu'on distingue assez bien les velléités mélodiques du trio new-yorkais.


Bien sûr on pense à My Bloody Valentine, mais on se dit que ces gars là ont peut être trouvé un espace supplémentaire, situé entre le noise pur, la cold pop la plus évidente et le hardcore. Soyons honnêtes, à l'écoute des premiers morceaux, tout amateur de bruit trouvera son compte. Mais c'est quand l'oreille se fait plus attentive qu'on en vient à réviser son premier jugement, et franchement à la baisse.


C'est d'ailleurs au niveau de la production que se dirigent les premières critiques : car les petits trucs qui séduisent immédiatement sont finalement des trompe-l'oeil un peu grossiers. Et que je te gonfle au maximum tous les effets (batterie ultra saturée, distorsions exagérément... distordues, réverbérations abyssales). On dit bien que tout ce qui est excessif est insignifiant ; et ça s'adresse d'autant plus à A Place To Bury Strangers qu'il n'y a aucune nuance d'un morceau à l'autre. C'est tout à fond en permanence !


Ce qui passe donc au départ pour une expérience nouvelle se révèle vite roboratif du fait que tout semble désespérément... égal. Ce n'est ainsi pas le côté extrême qui dévalorise l'oeuvre (ambitieuse) des américains, mais bien son traitement, qui manque de finesse.
Trois éléments de comparaison très simples et qui viennent à l'esprit : la batterie, martiale, évoque immédiatement celle des beaux jours de Ministry, métallique et primaire. Mais quand chez ces derniers elle enrichit un ensemble industriel, tranchant, ici elle se noie tristement dans cet océan de bruit uniforme.
Pour ce qui est de l'aspect noise ultime sans pause, on connaissait déjà les écossais de Part Chimp. Mais il se dégage chez eux une énergie qu'on ne retrouve jamais ici, la faute à un son qui dégueule, enseveli qu'il est par les réverbérations, et les distos façon perceuse Prisunic.


Enfin, ce qu'il faudrait peut être aussi à A Place To Bury Strangers, c'est un vrai chanteur. Il suffit d'écouter un autre groupe bruyant comme Six By Seven pour se rendre compte de l'importance d'une voix possédée pour faire décoller un rock basique, brut et direct, comme le délivrent parfois le trio ricain. Le chant léthargique d'Ackermann contribue bien sûr à l'aspect ambient des compositions mais est lui aussi partie intégrante de ce bruit continu, et ne s'en détache jamais.


Il ne faut pas se méprendre : ce premier album éponyme n'est pas désagréable, il n'est pas irritant non plus. Mais prêter d'ores et déjà un statut culte à un groupe qui croule sous les influences et pâtit de si mauvais partis pris de production semble très hâtif. En revanche il doit être intéressant de voir comment A Place To Bury Strangers se débrouille en live : débarrassé de tous ces à côtés studios un peu évidents, l'aspect physique en plus, ce peut être une belle expérience.


Mais en tout cas, version album, c'est sitôt écouté, sitôt oublié.

Francois-Corda
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le 27 août 2018

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François Corda

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