Ouvert sur l’a capella de Ghana Blues, le troisième opus de la maison No Format ! annonce en douce tendresse ses chaudes couleurs africaines dans les voix envolées des trois convives : Richard Bona, sénégalais, Lokua Kanza, congolais, et Gerald Toto, antillais parisien. La suite s’instrumentalise avec grâce pour accompagner le trio et l’auditeur en



un voyage au soleil contenu,



jamais brûlant, chaud simplement, et pur.


Kwalelo d’abord, où les rives légères du fleuve Congo charrient la douceur ensoleillée de vivre au rythme fluvial d’un avenir certes incertain mais ancré loin dans les traditions qui n’existent que pour être questionnées, réinventées.



Pourquoi ? Porque ?



Charrient les voix jusqu’au ciel pur d’une mélodie d’espérance confiante. Trois couleurs au bleu intense, dégradées et mêlées dans un chant d’ajournement éternel avant de céder de sa douceur dans Lamuka, les cordes sèches et expressives de l’Afrique tribale, une envolée comme une pure prière divine, profonde, une litanie aérienne du chœur au corps. L’Endormie murmurent alors une berceuse blues aux racines ancestrales et laisse résonner



l’impressionnant carillon vocal d’un trio aux clartés de cuivres et de cloches



qui tintinnabule sous la narration grave, presque parlée, lamentation profonde d’un blues classique porté par le piaillement lointain mais mélodique des oiseaux dans l’évanouissement frêle des harmoniques, jusqu’au réveil du chant du coq. Le souffle soudain de Flutes assied l’élan presque rythm’n’blues dans la base rythmique acidulée, bonbon rose fifties et une pensée pour le travail de Faada Freddy dans la profondeur sereine et sûre du couplet avant l’envolée façon Mika d’un pont lumineux, étincelant, les flutes comme des filtres d’une préfiguration inattendue, la mélodie envoûtante en un cercle d’échos, la vibration qui recentre avant l’arrêt brusque, inattendu, qui laisse le vide en suspens un court instant.
Repart avec le be-bop scat de The Front.
Na Ye, percussions de soutien sous la clarté du chœur féminin et



le griot créole rejoue les mélodies occidentales d’un blues tribal teinté d’exode



et de cette quête identitaire profonde, gravée dans l’adn de chants qui remontent aux sources de poussière des rives sèches du fleuve africain aux douceurs circonvolutives, l’heure d’un départ de quelques jours, l’amour comme la force, la sérénité positive d’un clan derrière le voyage solitaire pour le collectif.
Help Me retrouve de nouveau le ton entraînant de Faada Freddy – paradoxe de l’influence à revers des écoutes personnelles – accords susurrés, cordes caressées et voix claire, prend des élans de Prince langoureux en un slow funk qui dit les méandres des eaux lourdes du fleuve qui descend sans heurt ses confluents dans la langueur.



Help Me Yeah !



Piano grave, introduction lugubre pour Stesuff, jazz brumeux où la sombre lueur des touches guide les pas perdus dans la nuit jusqu’au babil insouciant d’un enfant. Where I Came et la balance calme sous la caresse féminine et limpide des envolées de gospel léger là où le masculin joue la complainte du doute contre l’espoir, du doute contre le positivisme et la confiance, dans les onomatopées éparpillées là avant le chœur dense, habité et vibrant.


Seven Beats s’emballe avant le final dans un magma frais de semblant d’electro sur des cordes sautées d’écho en un reverb lointain pour lancer le trio de voix comme une chorale. Vibration dense et intense,



mariage en relief d’un cœur de couleurs harmoniques



sur le dénuement des percussions qui ne s’enrobent que de cette chair épaisse. Lisanga enfin, pour clore l’opus dans un élan d’appels au loin, à la lune pour les louves, au feu pour le griot fatigué, las d’une histoire séculaire à condenser, complainte en litanie qui s’enveloppe sur le delta lourd des débris et des fantômes d’une histoire qu’on vient juste de rêver, d’un transport au long cours, charriés presque sans eau en d’aériennes descentes de voix au-dessus du tumulte. Envolés.
L’horizon leur appartient.


Jusqu’à l’improvisation cachée sous l’arbre patient du clan :



C’est la fin du bal.


Légères cordes enjouées pour un ultime interlude



en country bal tribal.


Matthieu_Marsan-Bach
8

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le 21 févr. 2017

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