Tom Tom Club par Strangeman57
1981 : Le groupe Talking Heads, après un début de carrière quasi-irréprochable et prolifique d'un album par an depuis 1977, dont "Remain in Light" est sans doute l'apogée, met quelques temps leur carrière de côté pour se consacrer à d'autres projets. David Byrne collabore avec le producteur de ses plus belles précédentes réussites, Brian Eno, avec qui il ne s'est jamais senti aussi proche artistiquement pour sortir "My Life in the Bush of Ghosts", souvent cité comme album pionnier dans la musique Ambient. Jerry Harrison, lui, sort son premier album solo "Things Fall Apart" (qui méritera une écoute ultérieure, je note...) dans la lignée du style talkingien. Et enfin, nos concernés ; le couplet Tina Weymouth et Chris Frantz forment "Tom Tom Club". Histoire de ne pas être seuls dans leur délire, ils enregistrent au Compass Point Studio pour ainsi s'entourer des nombreux résidents qui s'y trouvent. "Tom Tom Club" tire ses origines du nom d'une boîte se trouvant à côté du studio, situé aux Bahamas.
Tom Tom Club, qu'est-ce que c'est ? C'est ce premier album tout d'abord, que l'on peut d'emblée considérée comme leur meilleur. C'est sur cet album où leur style sera le plus reconnaissable , avant qu'il perde de sa folie par la suite. Ce style, il ne m'étonnerait qu'un groupe Foster The People s'en est inspiré de nos jours. Mais c'est surtout avec Junior Senior que la comparaison est évidente ; cette envie de rendre le hip-hop plus gay avec ses synthés joyeux, ses riffs dansant et ces cris enjoués. Damon Albarn, quant à lui, ne cache pas son admiration pour le groupe puisque la chanteuse Tina Weymouth sera de nombreuses fois la voix de Noodle pour Gorillaz ; encore un projet qui s'amuse avec le rap et les genres.
Car le côté "hip-hop" sur cet album concerne surtout un titre, leur plus connu et à raison ; ce "Genius of Love" samplé et encore samplé jusqu'à pu soif... j'en irais même jusqu'à dire qu'il a influéncé Dr Dre pour paufiner sa propre patte. Il a suffi pourtant de quelques notes ridicules d'un synthé kitch accompagné d'un petit air à la guitare wah en boucle pour créer ce tube et cet engouement. Le reste semble se moquer du genre avec ces voix ridicules, imitant quelques mimiques de début du rap 80's. Mais outre cela, les choeurs font le boulot et ce morceau, entraînant et jouissif dès qu'il débute, est clairement une réussite. Le défaut principal, est, comme il sera souvent le cas avec Tom Tom Club, la répétition et la longueur du morceau. Plus c'est long, plus c'est bon ? Ça ne sera malheureusement pas tout le temps le cas dans la suite de leur carrière.
On retrouve sur ce premier opus un autre tube planétaire, le dansant "Wordy Rappinghood" et sa fameuse incantation "Ram samsam a ram samsam Houdi qouri houdi qouri ram samsam Haykayay yipi yaykayé Ahou ahou a hikichi". Alors oui, c'est n'importe quoi, ça ne veut rien dire, mais le groupe s'amuse et avouez qu'après ces six minutes de bass moog, de synthés délirant, de percus tribales, d'effets de voix... vous avez aussi pris votre pied. Ils se permettent tout sur ces huit pistes ; chanter en français sera une récurrente chez eux, comme sur ce "L'éléphant" qui sent bon l'enfance, Chantal Goya, que l'on chanterait en colonie de vacances, avec la même joie de vivre qu'Elli et Jacno dans le style.
La deuxième partie de l'album est moins bonne mais n'est pas à jeter pour autant. La production est résolument moderne et ne ferait pas tâche au milieu de nos sorties actuelles qui s'inspirent constamment de cette période musicale riche en découvertes. "As Above, So Below" ne m'étonnerait pas si j'apprenais qu'elle a été aussi samplée, "On, on, on, on ..." est une pépite kitsch accompagné de petits gimmicks de guitares électriques, "Lorelei" et ce nom scandé tout au long de la chanson est plus mystérieuse, atmosphérique et ressemble à ce que produira le groupe vers sa fin de carrière. Enfin, l'expérimental et répétitif "Booming and Zooming", avec ses voix radiophoniques, semble se foutre de la gueule du side-projet de Byrne et Eno.
Tom Tom Club est donc d'une fraîcheur et d'une candeur que le groupe peinera à retrouver par la suite. Mais que cela ne vous empêche pas d'écouter le reste de la discographie si cet album éponyme vous a plus. Il y aura un peu partout des petites perles synthpop qui n'attendent que votre écoute, des reprises souvent de mauvais goûts ainsi que des délires que seuls eux pouvaient produire. Une belle petite curiosité un peu oubliée en ces fastes années 80.