Il y a vingt ans, The Sopthware Slump, quatrième album de Grandaddy, déployait toute la schizophrénie et les paradoxes de son univers, fruit d’une ère nouvelle et exégèse d’une fin de siècle tourmentée, non loin de la vision dystopique du OK Computer de Radiohead.


The Sophtware Slump ….. on a wooden piano apparaît alors aujourd'hui comme une dimension supplémentaire apportée à la beauté de l'œuvre monde créée par Jason Lytle. Enregistré seul pendant le confinement, il semble ainsi nous dévoiler de nouveaux secrets, pourtant glissés dans nos oreilles il y a deux décennies, mais intelligibles seulement aujourd’hui, sous cette forme. Et puis il y a cette voix, si touchante qui parvient encore à nous émouvoir au plus haut point et dont la troublante ressemblance avec le timbre de celle d’Elliott Smith se fait plus que jamais sentir. Elle est de celle qui caresse dans la fracture et n’a de douleurs que l’émotion qu’elle transmet. Ainsi la souffrance se mute en un doux chant plaintif et métaphorique, du plus bel apparat


Quelques arrangements, discrets et souvent plus atmosphériques que concrets, viennent soutenir la voix et le piano de Jason Lytle. Un dépouillement qui fait ressortir la force des paroles ainsi que les modulations et fluctuations tonales et harmoniques des compositions du groupe. Il est édifiant de constater à quel point chaque chanson sied à merveille à ce nouveau traitement, de la labyrinthique ouverture He’s Simple, He’s Dumb, He’s the Pilot à sa conclusion So You’ll Aim Toward the Sky en passant par E. Knievel Interlude, réinvention instrumentale d’un thème pourtant très électronique. L’ensemble atteint parfois des tensions dramatiques inattendues, par des chemins de traverses ou de véritables audaces formelles.


Si la dimension piano-voix connait quelques exceptions (comme sur Chartsengrafs, où la mélancolie synthétique et même quelques accords grattés à la guitare folk viennent pallier la furie de l’originale), c’est pour mieux s’y retrouver et affirmer l’intention de réécrire sa propre histoire, son propre monde, vingt ans après. Rien, ou presque n’a changé : même sans ses guitares électriques et ses synthétiseurs lo-fi, le monde de The Sophtware Slump apparaît comme plus pertinent et actuel que jamais, comme si le temps avait donné à cet utopique tentative musicale faite de bric et de broc ses lettres de noblesse.


la critique complète, en parallèle avec le disque de Idiot Prayer - Alone in Alexandra Palace de Nick Cave

Kamille_Tardieu
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le 6 déc. 2020

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