The Room
8
The Room

Album de Harold Budd (2000)

Heureusement que 2020 c’est fini (quoique...).
Sérieux, j’en pouvais plus. Allez, va mourir 2020, va jouer dans le mixeur, oui.
C’est presque cyniquement que j’avais envie de changer le titre de la chanson « Everybody hurts » de R.E.M ces derniers mois par « Everybody dies » à ce stade c’est vous dire.


Harold Budd est mort. A 84 ans, là en décembre 2020.
Harold Budd est mort et ça me touche bien plus que prévu, bordel.
Harold Budd est mort et que nous reste t-il dans le monde musical, notamment de l’ambiant et de l’atmosphérique où il était un géant (discret certes, mais un géant quand même) ? Tim Hecker, oui. William Basinski, sûrement. Brian Eno, bien évidemment. Steve Roach, of course (enfin c'est même un continent à part lui). Jon Hassell (qui n’est plus tout jeune non plus d’ailleurs)… Quoique je reste partagé mais Hassell ne m’a jamais convaincu vraiment pleinement personnellement, désolé (1).


Alors que Eno par exemple, oui, presqu’à 100% du temps.
Brian Eno donc.
Avec qui le regretté Harold a pleinement collaboré d’ailleurs sur deux albums cultes et non des moindres, « Ambiant II » (aka « The plateaux of mirror») en 1980 et « The Pearl » en 1984.


Deux disques où je suppose que comme dans un couple moderne, le partage des tâches est équitablement réparti même si je me doute que c’est Budd qui fait toute la vaisselle, euh le piano tandis que Eno se prélasse sur le canapé, pardon, tricote toute la production sonore, ma foi fort bien tricotée, il est vrai, il faut le reconnaître. Surtout qu’Eno a prouvé qu’il pouvait faire de jolies choses avec des machines si on les lui prêtait gentiment donc bon. Comme on dit de pas mal de relations de couple sauf que là on veut faire la part des choses musicalement : « c’est compliqué », sauf que musicalement ces deux-là étaient faits pour s’entendre et la preuve, ça marcha du tonnerre.


Deux albums de mélodies minimalistes au clavier où les amoureux d’Erik Satie et ceux qui aiment à contempler les paysages sous la pluie, la neige, un coucher de soleil se retrouvent pleinement avec ce passage du temps ressenti lentement quand la composition ambiante est plus que réussie. J’aurais pu vous parler de ces deux disques plus connu que celui que je vais aborder, j’aurais prêt gagné des points comme au Scrabble ou des vues/likes/abonné (ABONNE TOI A MA CHAÎNE ET MET UN POUCE BLEU, WESH), mais non je m’en fous et comme à chacune de mes chroniques je marche au coeur, pas à l’actualité immédiate culturelle, de celle qui fait qu’on veut faire consciemment ou inconsciemment le buzz (2).


Mais bon 2020 m’a tellement énervé que j’ai même pas vraiment envie de faire une chronique normale à ce stade, ce sera plus une sorte de digression sur le bonhomme et sa carrière, on lui doit bien ça, en finissant sur le disque qui nous concerne.


Budd faisait un peu à chaque fois le même disque, c’est un fait. Mais pour qui aime l’ambiant on y retrouvait à chaque fois ses petits.


Sur le culte « The pavillon of dreams » (1978) sous bannière d’Eno, qui n’est d’ailleurs pas son premier disque mais le second, il ne navigue pas encore purement sur des mers atmosphériques mais dans un univers qui sort du jazz (sa première grande passion, c’est un pianiste à la base) et oscille sur des mondes indéfinis entre avant-garde, classique contemporain, ambiant et fragments jazz. On y croise 4 titres dont deux, fleuves de 13 et 18 minutes. « Bismillahi ´Rrahmani ´Rrahim » qui ouvre l’album fut même écrite pour le saxophoniste Marion Brown. On peut du coup entendre la version de Brown en 75 sur l’album « Vista » qui sort sur le label Impulse, un label connu plus pour le free-jazz alors que Brown a déjà franchi le monde du jazz-spirituel et que ça s’en ressent. Pour le coup, c’est la version de Budd qui sonne au final étonnamment «free » dans l'idée, c’est dire. Un album étonnant ce pavillon de rêves, une musique libre et rêveuse qui énonce de nombreuses directions que notre artiste n’empruntera pas forcément.


On évoque souvent « The White arcades » en 1988 comme le chef d’oeuvre de Budd. Sa quintessence, j’aurais plus envie de dire même si c’est ce que le bonhomme fit de plus doux et de plus subtil dans toute son oeuvre. « Music for three pianos » en 1992 le voit s’associer aux compositeurs Ruben Garcia et Daniel Lentz issus du minimalisme et de la musique électronique. C’est un disque magnifique pour les adorateurs de piano bien sûr, qu’il soit joué à 2,4 ou 6 mains dans un dépouillement magique digne là aussi de la musique d’un Satie.


Vers la fin de sa carrière, le bonhomme est redécouvert à juste titre et on le voit collaborer avec Robin Guthrie (des Cocteau Twins, autres fabuleux artisans d’une musique éthérée, bien que plus « pop » au fond si on voulait apposer une étiquette) régulièrement mais aussi le cinéaste Gregg Araki pour lequel, associé à Guthrie, il délivre les superbes bandes originales de « Mysterious Skin » et « White Bird » (White Bird in a blizzard). A ce stade, il faut dire que l’ambiant de Budd va comme un gant dans le fond planant musical que Araki en adorateur du shoegaze aime à parsemer régulièrement ses films.


Et puis on a ce « The room » sorti en 2000.
Un album beau et étrange où chacune des 13 compositions qu’il contient évoquent une « chambre » mystérieuse et secrète tant dans le titre même (3) que dans le résultat fourni musicalement. Budd passe tour à tour avec une inventivité constante au piano, au Synthé, au piano avec de petites clochettes ou un Synthé doux mais où un passe un son de basse inquiétant… On ne s’ennuie pas, chaque titre est différent et ne laisse jamais vraiment l’auditeur s’endormir ou se reposer mollement quitte à passer de la douceur à quelque chose de volontairement un brin inconfortable dans l’idée.


Après évidemment il faut aimer l’ambiant et/ou le piano, c’est tout le bien que je vous souhaite pour ce disque comme une discographie assez large.
Au passage pendant qu’on y est, bonne année à tous ! ^^


======


(1) Dans les dernières sorties d’hassell tiens, j’étais enthousiasmé par son album de 2018. En 2020, il renouvelle l’essai : moins de surprises et un retour en une zone de confort où l’on retrouve la petite trompette années 70’s de Jon qui me fait souvent penser à des sons déjà entendus mille et une fois. Dommage du coup, c’était pourtant bien parti ce renouveau…


(2) Sinon comme tous les gens qui ont Fliflix ou presque j’ai vu le dernier Fincher et c’est bien. Bisous.


(3) Si ce n’est pas clair disons qu’on a « room » à chacun des titres de l’album, soit en ouverture soit en fin de phrase jusqu’à la piste finale, modestement appelée… « the room ». Of course.

Nio_Lynes
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 1 janv. 2021

Critique lue 134 fois

3 j'aime

Nio_Lynes

Écrit par

Critique lue 134 fois

3

Du même critique

Un grand voyage vers la nuit
Nio_Lynes
5

Demi voyage nocturne

C'est toujours frustrant de voir un film avec de grandes possibilités gâchées par plein de petites choses. Et en l'état, même s'il est rare que je me livre à l'exercice de la chronique négative, je...

le 20 févr. 2019

23 j'aime

6

Üdü Wüdü
Nio_Lynes
9

Cri barbare

Üdü Wüdü comme les deux albums qui suivent sont de nouvelles directions pour Magma qui cesse momentanément ses trilogies en cours. Le premier volet de Theusz Hamtaahk est par exemple fini dans son...

le 25 avr. 2017

21 j'aime

2

If I Could Only Remember My Name
Nio_Lynes
10

Musique au crépuscule

« Quelques jours après le début des répétitions, je passai par Novato pour rendre visite à David et Christine. Ils habitaient une grande maison de campagne avec Debbie Donovan et un certain...

le 28 août 2018

16 j'aime

24