The Rolling Thunder Revue: The 1975 Live Recordings (Live) par XavierChan

La tournée des troubadours du Rolling Thunder Revue a démontré durant les années 1975-1976 qu'il ne suffit pas d'être l'un des plus grands auteurs compositeurs de l'Histoire pour continuer de convaincre, année après année. Il y a eu un avant et un après Blood On the Tracks, ou un pendant et après divorce, "Bobby" étant comme l'appelle systématiquement Joan Baez, en pleine tension avec son ex-épouse Sarra pendant l'enregistrement de son chef d'oeuvre définitif (Time Out of Mind et Love and Theft étant de très grands albums, mais pas des chefs d'oeuvre en tant que somme artistique).

L'artiste protéiforme change de peau et se camoufle derrière un maquillage et un couvre-chef, fait le tour des petites bourgades et autres villes à taille humaine des Etats-Unis et du Canada pour se produire aux côtés de ses amis saltimbanques, incongrus pour certains (que vient foutre ici Mick Ronson, échappé des Spiders of Mars?), toujours motivés par la teneur des ébats. Le documentaire de Martin Scorsese sorti sur Netflix au même moment le démontre magnifiquement.

Reprenant certains standards folk, chansons récentes réorchestrées ou à venir de l'album "Desire" aux sonorités latines et aux textes romanesques, cette compilation des virées américaines de 1975, très sûrement incomplète (on entend dans le documentaire de Martin Scorsese "Eight Miles High" des Byrds un soir, absent ici) démontre combien Bob Dylan est ici au sommet : l'interprétation des morceaux ou plutôt leur réappropriation confine parfois au sublime rageur. L'énergie gitane distille la transe, la croyance totale aux textes. "Isis" est chaque soir ébouriffant alors qu'il ennuie poliment dans sa version studio, "Romance in Durango" étonne par ses envolées solaires quasi impensables dans les codes de Dylan. Tendez bien l'oreille lors des duos folk avec Joan Baez, on les croirait pétris d'amour -folk. Tendez encore bien l'oreille pour entendre le court refrain de "Blowin in the Wind" entonné en français lorsqu'il se produit au Canada.

Si ce Live Recordings est à conseiller aux fans hardcore de Bob Dylan, chaque double disque hors répétitions et rares performances étant pratiquement similaire d'un soir à un autre, il saura contenter les amateurs de grandes prestations live d'un artiste qui expose son état mental à une audience parfois symbolique. L'originalité d'une compilation pareille réside dans notre capacité à observer Bob Dylan s'aventurer vers des tonalités plus ou moins appuyées selon l'état mental du soir en question : elle est aussi la démonstration d'une voix parfaite, souvent rauque, qu'on ne retrouvera plus. Le juste équilibre, finalement, entre les crissements de la jeunesse et le crooner nasillard d'aujourd'hui.