J'étais sur la route, roulant prudemment, au volant de ma voiture électrique. J'écoutais le dernier Sabbath (increvables tout de même les gars !), bien calé dans mon siège ergonomique, tirant sur ma e-cigarette et me laissant guider nonchalamment par le GPS intégré au tableau bord. La vie semblait belle, Ozzy ne me faisait plus peur, Iommi ferraillait dur, il ne manquait que Bill Ward aux fûts (mais bon c'est une autre histoire !). Le son était nickel, précis, moderne. Un travail d'orfèvre. Pépère, que je me disais, le vingt-et-unième siècle !


Et puis soudain, une audace de jeunesse, du siècle dernier, m'est retournée en pleine figure. La route s'est mise à briller, à se gondoler, les arbres à me lancer des fleurs. Ma Tesla toute neuve a commencé à régresser progressivement, se repassant à l'envers près de trente ans de progrès industriel pour ne me laisser entre les mains qu'une bonne vieille Peugeot 104. Pas de doute possible, j'étais belle et bien victime d'un retour d'acide ! Je me suis donc garé gentiment sur le bord de la route en attendant que tout ceci se calme. Une vieille cassette, BASF, posé sur le siège passager s'est aussitôt mise à me parler : "Vas-y, glisse moi dans le radio cassette" ! Une règle d'or dans ce genre de situation : ne jamais contrarier les objets parlants.


Un retour d'acide, ça se gère sans chercher les complications. J'ai donc mis la cassette et je me suis détendu tout en tirant quelques bouffées dans la bonne vieille Gauloise sans filtre qui me jaunissait les doigts. J'ai fermé les yeux, le voyage pouvait commencer, les rôdeurs et les pervers envahirent les rues de Londres. J'étais rassuré : tout ça s'était que pour de faux !


Et me voici donc plongé dans l'écoute du quatrième album des Britanniques d’Uncle Acid And The Deadbeats, album concept écrit et composé par le guitariste chanteur, Kevin Starrs.


"Waiting for Blood" ouvre l'album avec un son brut et rugueux, une rythmique lourde et hypnotique ainsi qu'un chant volontairement plat et monotone. Des constantes qui font l'identité du groupe et que l'on va retrouver sur l'ensemble des titres. "Waiting for Blood" introduit l'histoire d'un sans domicile fixe, soupçonné d'être un tueur en série qui erre dans les rues et se cache pour échapper à la traque de la police et à la vindicte populaire. Est-il le vrai et/ou le seul coupable ? N'est-il qu'un leurre destiné à couvrir les agissements de policiers haut gradés ? C'est sur cette intrigue que Kevin Starrs, grand amateur de série B et de pulp, déroule les différentes ambiances, toujours sombres, qui jalonnent The Night Creeper. Waiting for Blood se termine avec un solo assez facétieux et on enchaine avec Murder Night. Le rythme est lent. Le morceau est construit autour d'une très belle mélodie et d’un mur de guitare. La fin est assez épique et nous rappelle le Wishbone Ash de la grande époque. Downton le troisième morceau est sans doute le plus sabbathien. On notera au passage un vrai talent pour les lignes mélodiques (Melody Lane est une belle réussite). La première partie de l'album se termine avec Yellow Moon, un instrumental sans relief et fade qui annonce une seconde partie beaucoup moins prenante si l'on excepte The Night Creeper. L'ambiance étant désormais bien posée, le reste de l'album se poursuit sans grande surprise.


On peut jouer à chercher les nombreuses références (parler d'influences serait, je crois, passer à côté du caractère volontaire et assumé de la démarche) qui se sont glissés ici et là : Sabbath bien entendu, Wishbone Ash de toute évidence, Led Zeppelin plus rarement. Le groupe travaille beaucoup sur les ambiances, avec une certaine réussite mais manque de folie au niveau de la rythmique (l'absence de Bill Ward (!) se fait sentir). La production reste approximative avec un son brouillon, mais le groupe assume également le côte DIY et underground. Pourquoi pas, cela concorde bien avec la logique de créer une ambiance seventies qui va du son à la superbe pochette de l'album.


Avec de cet album, les Uncle Acid, nous propose une reconstitution esthétisante d'une période musicale qui continue à marquer la culture populaire. On pourra néanmoins s'interroger sur les limites de l'exercice surtout si on met cet opus en perspective dans la discographie du groupe. Les albums précédents étaient dans la même veine mais possédaient une fraicheur dont The Night Creeper ne peut plus se targuer. La marge de progression entre chaque sortie est de plus en plus minces et, l'effet de surprise passé, on finit par se dire que la seule prise de risque du groupe est ce choix délibéré de sonner "Sabbath". Uncle Acid nous joue le coup de billard à deux bandes avec son pari de la non originalité. Gageons qu'ils n'en perdront pas l'inspiration en chemin.


Allez, c'est pas tout mais je dois reprendre la route et il n'est pas dit que je me laisse encore abuser par un autre retour d'acide .... citrique !

Réplicant
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le 18 nov. 2016

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