The Livelong Day
7.7
The Livelong Day

Album de Lankum (2019)

Je n'avais pas encore écouté une seule note de The Livelong Day que je savais déjà qu'il me plairait. Je ne le pressentais rien qu'à la vue de la pochette magnifique que ce disque était fait pour moi. Ces rochers ocres, paysage presque entièrement minéral, ont quelque chose d'immédiatement hypnotique. Et puis ce nom, Lankum , dont je n'ai aucune idée de la signification, mais qui sonne à mes oreilles comme une promesse de voyage, de dépaysement assuré. Et en même temps, comme un retour à quelque chose d'intime, enfoui en moi. J'ai toujours eu une attirance certaine pour ce que l'on pourrait appeler la musique traditionnelle, ou folklorique. Mais j'aime particulièrement quand cette musique est modifiée, malaxée, étirée, mélangée à autre chose. J'aime aussi qu'une part d'obscurité et de mystère y soit ajoutée, qu'elle se fasse sombre et authentique. Sur le papier, Lankum réunit tous ces éléments. Mais je ne pouvais imaginer qu'il me plairait autant. The Livelong Day est un véritable chef d'œuvre, et je pèse particulièrement mes mots en écrivant cela.


Le gargantuesque "The Wild Rover", qui ouvre The Livelong Day donne le ton. Il s'agit bien entendu de la très célèbre ballade irlandaise, reprise par la plupart des musiciens de l'île, et au-delà. Mais ici la chanson à boire se trouve ralentie, étirée sur plus de dix minutes, et traversée d'une pénombre légèrement angoissante, mais bizarrement rassurante tout de même. On y perd toute notion du temps, seulement guidé par les voix entremêlées, et on se laisse couler dans cette atmosphère enivrante. On ne sort de cette torpeur qu'au moment de la montée finale, où la tension accumulée tout au long du morceau se décharge dans un orage magnifique.


La musique traditionnelle est percutée de plein fouet par la fougue et le talent des quatre musiciens. "Katie Cruel" devient une terrible complainte crépusculaire, violon sur nappes de drones, avec toujours ces voix plaintives et mystérieuses qui attrapent l'auditeur pour ne plus le relâcher. "The Young People" parait elle bien sage au premier abord. Mais ce morceau est un véritable grower, le type de morceau qui se dévoile au fur et à mesure des écoutes, pour ne plus vous lâcher.


Chez Lankum, le son est toujours d'une qualité irréprochable. Mais sur The Livelong Day, on atteint ici un niveau ahurissant. Chaque instrument sonne parfaitement, les voix se superposent à merveille, même les silences sont magnifiques. Sur "Bear Creek", on entend le claquement de chaque note, les respirations, les craquements, les imperfections des instruments qui sont intégrés dans la musique comme des éléments indispensables. Les cordes sur "The Young people" me font un effet dingue à chaque fois que la voix s'efface. Et que dire de l'ambiance, sombre et envoutante. Comme je l'ai déjà dit, l'album est parcouru d'une noirceur belle à se pâmer. "The Pride Of Petravore" et sa flute assourdissante, ou l'onirique "Ode To Lullaby" sont les parfaits exemple de ce son si particulier. Et pourtant, The Livelong Day est aussi un disque chaleureux, on s'y sent bien, on se prend à espérer le moment où l'on retrouvera les frères Ian et Daragh Lynch, Cormac MacDiarmada et Radie Peat.


Lankum joue de la musique traditionnelle comme je l'ai toujours fantasmé. Mais réduire le groupe dublinois à un simple groupe folklorique serait extrêmement réducteur. Leur musique est bien plus que cela, grâce à toutes les influences qu'ils y mêlent, et bien sûr à leur talent dingue. Il s'agit surement du groupe le plus passionnant de ces dernières années, et The Livelong Day est leur plus belle œuvre, tout simplement.


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le 10 avr. 2021

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