Fraichement auréolé en 2017, à presque 50 piges d'un Grammy pour le meilleur album de Blues, Fantastic Negrito est un réssucité au parcours de vie digne d'un biopic hollywoodien.


Fantastic Negrito né Xavier Dphrepaulezz en 1968 est un afroricain issu des bas-fonds d'Oakland, Californie dans la baie de San Francisco, issu d'une terre musicale d'où émergea Metallica, Green Day, Tower of Power, Machine Head ou encore Sly Stone.
Dès son plus jeune âge, toutes les formes de musique le titillent. Ils fréquentent pêle-mêle des hardos, des rappers, des punks, des breakdancers et toutes sortes de mélomanes avec qui il partouse musicalement. Xavier n'a qu'une idée en tête : décrocher un contrat pour devenir une star et assouvir sa fringale de succès et de gloire.


En 1995 il quitte Oakland pour Los Angeles avec dans son baluchon une démo qui fera rapidement du gringue à un lieutenant de Prince qui le fait parapher aussitôt en bas d'un contrat à un million de dollar. A peine recruté par Interscope, Xavier débarque en studio sur le champs pour confectionner sa tambouille de soul-rap. Il est persuadé que le monde entier adorera et que même partout dans la rue on parlera de lui, que les filles seront nues, qu'elles se jetteront sur lui... Il balance ses billets verts dans les bagnoles, les gonzesses, les teufs orgiaques, convaincu d'avoir les pieds cimentés sur son piédestal bien que son skeud n'émeuve personne d'autre que lui.
De retour d'une énième beuverie sur les hauteurs d'Hollywood, Xavier, désormais glandeur professionnel, est au volant de son carrosse à se faire des langues avec une Géraldine quand ils se font percuter façon auto-tamponneuses et partent en tonneau comme dans Burnout.


Ecran noir.


Xavier émerge de son coma trois semaines plus tard, barbu, la peau sur les os et étendu sur un lit d'hosto. Il ne se rappelle de rien mais il prend conscience qu'il vient de dégringoler de son château de cartes. Toutefois il assimile son accident à un crash-test du destin et décide de tout reprendre à zéro.


Les poches vides, il fréquente des nightsclubs glauques où il s'essaie à tous les styles de zik. Les temps sont durs mais il s'éclate. Il fonde avec quelques gars un groupe de punk-afro et persiste ainsi pendant quelques années. Mais las de se heurter à des murs, il capitule. La quarantaine bien entamée, il revend tout son matos chez Cash Converter et abandonne sa dernière gratte dans un coin poussiéreux de son appart' en marmonnant qu'il est désormais trop vieux pour ces conneries.


Cinq années se sont écoulées. Xavier est désormais papa et cultivent des plants de marijuana. Il y connaît qu'dalle mais un jour il est happé par une station de radio qui diffuse "Across the Univers". La compo des Beatles berce son fils qui peinait à trouver le sommeil et bouleverse Xavier au point de reprendre sa guitare pour assembler les accords du morceau. Il se plonge alors avec passion dans le catalogue des Fab Four qu'il ignorait jusque là. Cette exploration ravive la flamme de zikos en Xavier et enclenche l'émergence de son avatar Fantastic Negrito.
Xavier Dphrepaulezz accouche de Fantastic Negrito sur le quai des stations de métro d'Oakland où pendant près de trois ans, il confronte covers et compositions personnelles au plus impitoyable des publics, celui qui ignore, qui méprise, qui n'a pas le temps, qui a peur mais qu'il se doit de charmer s'il veut exister.
Peu à peu, à renforts de vidéos partagées sur Youtube par des usagers conquis , Fantastic Negrito acquiert ainsi une renommée qui va gicler jusque sur Chris Cornell, l'une des plus grandes voix du Rock. Le roi Soundgarden lui propose de faire la première partie de sa tournée "Higher Truth" en Europe. Fantastic Negrito apprend beaucoup en observant le Maitre sur sa façon d'aborder un public et d'occuper la scène. Cornell le persuade de son talent bien plus que lui-même. Les relations sont de plus en plus privilégiées entre le parrain et son filleul, Fantastic Negrito le rebaptise Christmas Cornell quand ce dernier le prolonge sur sa tournée nord-américaine et pour être le seul artiste à ouvrir avant les concerts de Temple of the Dog !


"The Last Days of Oakland", premier album de Fantastic Negrito décroche donc en 2017 le Grammy du meilleur album de Blues. Lorsqu'il reçoit sa récompense, Fantastic Negrito s'empresse d'emporter son colis sur le quai de la station Lakeshore Bart, le lieu fétiche où grandit son avatar. C'est ici qu'il déballe puis pose au sol la statuette afin de la célébrer en chantant au milieu de son public envers qui il se sent redevable de le partager là où tout a véritablement (re)commencé pour lui.


"The Last Days of Oakland" est profondément un album de blues dans l'âme ayant pactisé avec les démons ancestraux du genre. Au contraire de moult de ses comparses, il contient peu de longues envolées du manche. Chaque titre jouit d'une fine mélodie et d'arrangements subtils : piano virevoltant ("Scary Woman"), orgue, une nuée de gimmicks de grattes...
Fantastic Negrito dispense son blues rétro de feu-follet d'une voix écorchée au sein d'une sorte de cabaret où l'on y croise les mauvaises manières de Jon Spencer Blues Explosion ou le fantôme de Screaming Jay Hawkins ("About A Bird"). Tous les recoins de l'album sont hantés par les voix d'outre-tombe des esclaves psalmodiant leur peine, au rythme du cliquetis de leurs chaines (lors des interludes, "The Nigga Song", "The Worst"...)
Le bluesman livre sa version de "In The Pines", un classique du folklore U.S. de la fin du 19ème siècle, d'origine inconnue, réinterprété plus d'une centaine de fois et ultra popularisé par Nirvana sous le titre "Where Did You Sleep Last Night ?". Ici, Fantastic Negrito narre l'histoire d'une vagabonde fuyant la police après avoir été témoin du meurtre de son père qui se barre pour se planquer dans une forêt de pins et y dormir dans le froid.
Fantastic Negrito jongle avec sa voix, tantôt posée ou hargneuse comme un reliquat de sa période punk ("Lost In The Crowd"). "Hump Thru The Winter" est une preuve de consanguinité avec "Heartbreaker" de Led Zep'. "Rant Rushmore" est sans doute le chef d'oeuvre du disque : 5 minutes de montagne russe, tour à tour larmoyantes dans ses couplets (les fans de Muse 1.0 apprécieront) et teigneuses lors du refrain ("Biatch, eat my cancer then I know we're really dancing "). "Nothing Without You" referme ce premier chapitre des aventures de Fantastic Negrito par un blues langoureux des plus classiques mais aussi des plus classieux.


"The Last Days of Oakland" est un disque majeur de blues qui offre de quoi se réconcilier avec le genre mais il est aussi indéniablement l'un des disques majeurs de l'année 2016.

Lazein
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le 12 mai 2018

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Laz' eïn

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