Tout simplement une question : pourquoi les grands musiciens afro-américains et tout particulièrement les bluesmen qui ont enfantés les Yardbirds, les Animals, nourris la passion d’un Clapton, d’un Beck, d’un Keith Richards et de tant d’autres, permis l’existence du RoCk des Who, du Hard Blues de Led Zep…Pourquoi John Lee Hooker, Muddy Waters, Willie Dixon, Albert King, B.B. King, Sonny Boy Williamson, Big Bill Broonzy sont-ils absents des grands festivaux de l’époque et spécialement Woodstock ?
– Euh, scuse moi, scuse moi je te rappelle que Big Bill est mort en 1958 et Woodstock c’est en 69, et puis on dit pas des festivaux mais des festivals...t’es con ou quoi ?...
Certains ont du avoir un arrière goût, une petite amertume au fond de la gorge, la sensation d’être passé à côté de quelque chose de grand mais surtout d’une reconnaissance qu’on peut trouver insuffisamment assumée et accessoirement d’un tremplin pour une carrière lucrative.
C’est comme ça, pas assez à la mode, la faute à pas d’chance, d’autres occupations, des engagements différents, pas assez drogués, pas assez psychédéliques, pas assez engagés politiquement…Tout un tas de raisons qui font qu’à part Jimi Hendrix « Dieu vivant » de la six cordes saturée au LSD, Sly and the Family Stone ou Richie Havens qui ouvrira les festivités avec sa guitare en open tuning de Ré sur une improvisation magique de Freedom/Sometimes I feel like a Motherless Child (célèbre negro spirituals), les grands Bluesmen…No, y sont pas là !


Les Beatles et les nombreux emprunts de leurs débuts, les Rolling Stones, Canned Heat - qui travaillera avec John Lee Hooker concrétisant ainsi le rêve d’Alan Wilson guitaro-harmoniciste membre overdosé du club des 27 - ils ont tous tapé dans la soupière du Black Blues mais aussi du Black Rock à la Chuck Berry ou Little Richard à tel point que Led Zeppelin perdra un procès pour plagiat contre Willie Dixon pour son ultra tube « Whole Lotta Love ». Cela dit, ce n’est pas un problème les types qui ont puisé dans ce puits magique ne l’ont pas fait pour piller les musiciens mais tout simplement par amour de la musique et parce qu’ils étaient secoués par le pouvoir des 12 mesures. Le pouvoir d’un blues construit sur la misère et la détresse de l’esclavage.
D’après Sartre « L’enfer c’est les autres » donc en envisageant cette citation au premier degré les autres sont des salauds qui me veulent du mal. Ils me spolieront, me traineront dans la boue et m’enchaineront si je les laisse manœuvrer. Pourtant en réfléchissant un tout petit peu plus il faut comprendre que j’existe parce qu’il n’y a pas que moi, je vis parce qu’avant moi d’autres ont permis que je sois quelque chose, que je devienne quelqu’un. Le monde est mon huitre et je peux m’y centrer parce qu’autour de moi il y a les autres qui m’aident à me construire, me définir. On ne peut donc pas envisager un combat avec les autres qu’ils soient noirs ou blancs malgré les malheurs passés ou à venir, je suis l’autre ou j’aurai pu l’être et il est moi ou aurait pu l’être. C’est peut être une condition qui nous sauve du néant !
Quelle belle illustration que cet album pour mettre en exergue ce raisonnement à peine ébauché et que d'aucuns pourront trouver fallacieux.
Nous sommes en 1965 et SBW a environ 65 ans il est né dans une plantation, triste héritage d’une Amérique esclavagiste, raciste, suffisante et cruelle. Une Amérique où le WASP power règne encore. Le Mississipi aura été son berceau ainsi que le berceau du blues. Il sera très vite repéré par son jeu dynamique, déployant toutes les possibilités de l’harmonica, le plaçant au cœur de la musique. Ce génie rural au swing moderne fait rêver avec juste un pauvre petit harmonica en bouche et sa voix, magie de l’âme humaine déployée.
Eric Clapton et les membres du Yardbirds ont entre 20 et 22 ans ils se cherchent certainement comme on peut se chercher à 20 ans émerveillé par le pouvoir de la musique mais vont relever le défi de cette réunion magique. Jeunes, vieux, noirs, blancs plus rien ne compte que les 12 mesures ressassées et ressassées encore mais dont on ne se lasse jamais.
L’album est une réussite en la matière, il transpire le Roots Blues, le mystère d'une musique qui naquit dans la douleur, catharsis de toutes les peines pour oublier, vibrer et tripper sans substances. Emmenés par le maître les jeunots qui ont déjà un sacré niveau donnent la réplique, se mettent au service et interviennent de manière brillante…alors oui l’enfer c’est les autres !


Attention il existe une version incontournable de 1980 de cet album. Les morceaux supplémentaires y sont excellents et bonifient grandement les 9 titres originaux.

SombreLune
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le 1 févr. 2021

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