The apple is rot

Après une longue traversée du désert, le hip-hop new yorkais semble enfin retrouver un peu de sa grâce d'antan avec l'émergence de la Beast Coast. Mais malgré tout le talent de Joey Bada$$ ou des Underachievers, ceux-ci ne font rien pour faire vraiment avancer un son east coast encore ancré profondément dans les années 90. Et c'est en celà que Ratking, trio composé des MCs Wiki et Hak et du prodo Sporting Life, apparaît comme un groupe à part dans le microcosme new yorkais.

Dès les première mesures de *, c'est déjà le bordel. Le style de Ratking est rapidement identifiable: des samples hachés combinés à des percussions sycopées sur lequel vient poser la voix éraillée de Wiki. Ce chaos musical ambiant a le mérite de créer une ambiance véritablement unique: de la même manière que Velvet Underground & Nico était le reflet du New York arty sous héroïne des années 60/70 et que 36 chambers et Illmatic possédaient une valeur quasi-documentaire sur les ghettos noirs des années 90, So It Goes est l'album d'un New York résolument moderne et tiraillé par les inégalités, sans pour autant oublier ses racines, comme sur l'excellent Snow Beach où le beat chaotique de Sporting Life évolue vers un son plus boom-bap pour laisser place au spleen de Wiki face à la gentrification progressive de sa ville:

How you supposed to be handsome and harsh?
How you supposed to be standing for New York?
Dismantling New York?
The apple is rot, The grapple is caught

Ainsi, sans pour autant toujours faire dans la dentelle, Ratking (surtout Wiki en fait) parvient à dresser un tableau complexe d'une ville tentaculaire, entre récit d'addiction à l'oxycodine (Eat) et vision cynique des policier new-yorkais (Remove Ya). Le plus gros défaut de l'album réside au final peut être dans ses guests: le flegme de King Krule tranche peut être un peu trop avec le ton de l'album, la participation de Wavy Spice est sympathique mais superflue et le flow de Salomon Faye est tout simplement à la rue. Mais malgré cela et quelques morceaux un peu faiblards dans le dernier tiers de l'album, So It Goes est peut être un des albums les plus intéressants à être sorti de la Big Apple depuis la fin des années 90.