Chante, Matoub, chante ! Un poète peut-il mourir ?

Je ne suis pas un adepte des critiques (pourtant j'aimerais tant le faire souvent), mais s'il y a deux albums que j'ai toujours voulus faire une critique c'est bien :
- Folk Singer de Muddy Waters.
- Regard sur l'histoire d'un pays damné de Matoub Lounès.


J'ai toujours voulu écrire une critique sur ces deux bijoux ! Pour le premier album @Pheroe m'a bien devancé avec une critique magistrale..
Je me permets donc de m'occuper de celle de Matoub. Cet album n'existait pas sur la BDD, je me suis permis de l'ajouter (je remercie au passage @Lilange qui contribue énormément avec l'ajout des œuvres algériennes dont ceux de Matoub Lounès).
Pour ceux qui ne le connaissent pas. L. Matoub est un poète-chanteur Algérien qui a vu le jour en Kabylie pendant la guère d'indépendance. Cet homme avait une seule obsession ... Algérie ! Il ne pouvait pas voir un tel pays riche sur tous les plans surtout culturel, réduit à un courant unique, une pensée unique...
Alors, il a décidé via son mandole de chanter les souffrances de son peuple, la joie, le malheur ... L'amour !
Mort assassiné en 1998. Son répertoire (1978-1998) contient au total 218 chansons, réparties en 32 albums. Aujourd'hui, il laisse derrière lui un riche patrimoine avec des générations de plus en plus sous le charme...


Revenons maintenant à album "Regard sur l'histoire d'un pays damné". Cet album est fait sur deux volumes :
Volume 1 (Chanson de 45 minutes) :
Le vol.1 est consacré à l'histoire de l'Algérie depuis l'ère Romain jusqu'aux évènements de 1988, c'est d'ailleurs ces évènements qui ont poussé Matoub a écrire ce chef-d'œuvre. Avec un style Chaâbi sans équivoque, Matoub nous narre l'histoire d'un pays méprisé depuis la nuit des temps, il fait en même temps un double hommage. Le premier à son pays et le deuxième au chant Chaâbi cette musique descendante d'Andalous où la poésie demeure son atout majeur...
La chanson commence par une voix féminine, celle de l'Algérie avec les mots suivants "Pour toi Lounès" et termine avec "Un poète peut-il mourir ?!" ça en dit long...
La voix en question était celle de "Sadia" sa seconde femme. C'est d'ailleurs elle-même qui l'a aidé à surmonter la tentative d'assassinat dont il été victime en 1988... Le texte se concentre sur le passé obscure de cette nation sans état, Matoub implore Sidi Abderhamen (Un saint) en lui demandant de sauver le pays de cette mésaventure millénaire qui dure de l'ère Romain jusqu'à l'indépendance confisquée en 1962...
Vers la fin, il conclut cette balade par deux messages : la fraternité (Ad-yini aǧairi liɣ, d leqrun i di ɣuran) et l'espoir (lwajeb assirem ad yili).


Volume 2 :
Sur le second volume, Matoub nous offre une claque artistique sans précédente dans le monde du Chaâbi, où pas moins de 4 modes sont utilisés. Il nous fait part de ses histoires de cœurs, sa bien-aimée Djamila, il nous chante le malheur qui nous guète, mais aussi la fraternité, l'exile et le remord !.


Izri-w (Mes yeux) :

Matoub fait ici un hommage au cardinal de la chanson Chaâbi "El Anka". Dès son jeune âge Matoub manifestait une grande passion pour le Chaâbi, il avait comme sources d'inspiration : EL Anka, Harachi, El Hasnaoui...
Comme à son habitude Matoub repêche les anciennes chansons du fond de l'oublie qui ensuite revisite sa composition à sa guise avec des nouvelles paroles en Kabyle. La chanson "Izri-w" commence avec un Istikhbar "âraQ" qui vous replongera dans l'époque Andalus, aux palais de Cordoue où résonnait une musique insouciante d'une époque intransigeante. Ces battements des cordes nous font rappeler la déchirure que les maures ont senti lors de leur expulsion de cette terre...


Ahlil Ahlil (Misère pour misère) : Ici Matoub attaque au mode "Djarka" & "Zidane". J'ignore la raison, mais dès que j'écoute cette chanson, je fais directement le lien avec Le Blues ! Peut-être la thématique de la chanson ! Peut-être la façon dont il joue avec son mandole, mais une chose est sûre, je chavire dans une espèce d'inconscience en l'écoutant !

Pour ce qui est du sujet ! Ici, Matoub avec un ton dur, il charge son interlocuteur sur les causes qui l'ont poussé à arriver à une situation aussi funeste ! tel ce passage : "Qu'elle sort attends-tu si tu as semé le malheur partout !"


Tadukli (Fratrie) : Message de fraternité


Abehri n lhif (La brise du malheur) :
Avec cette chanson, on passe à une autre dimension. Une œuvre complète. Elle contient du spirituel et du temporel, du sentimental, de l'espoir, de la résilience,de la résignation, de la lucidité, de la souffrance, de la dignité, de la croyance, de la mort, des regrets, du pardon et des adieux…
"La tempête tourmente ma mer… Las des bercements du malheur…
L'espérance n'a jamais déserté ma cervelle… Je crois que tu reviendras auprès de moi…

Mes yeux, soyez dignes, point de larmes.
À Dieu je demande pardon, avant que mes paupières ne se ferment…

Seigneur Dieu, épargne-moi la peur qu'inspire la tombe…"


Uzu tassa :
Il finit par une histoire de cœur, "Djamila". La première femme de Lounès, cette femme qui en quittant Matoub a déclenché une inspiration profonde chez lui, les plus beaux textes de Matoub sont épuisés de son histoire d'amour.
Ici Matoub interpelle son son amour perdu et lui demande les raisons qui l'ont poussé à le le fuir à l'autre bout du monde. Il revient après pour lui dire qu'il ne sert à rien de revenir même si l'amour demeure toujours présent ! Seul souhait "Souviens-toi de notre amour"

Morte y a plus qu'un an Djamila à rejoint Matoub dans sa demeure éternelle.


Repose en paix Lounès.

Numidis
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Top 10 Albums

Créée

le 25 août 2016

Critique lue 3.8K fois

6 j'aime

2 commentaires

Numidis

Écrit par

Critique lue 3.8K fois

6
2