Mystification
7.7
Mystification

Album de Manilla Road (1987)

[Avant de commencer la lecture de cette critique, je vous conseille de lire le Masque de la Mort Rouge d'Edgar Poe (disponible en pdf) si ce n'est pas déjà fait, afin de comprendre ce dont il sera question plus tard, et de vous immerger dans l'atmosphère, vous inquiétez pas, cette nouvelle fait que quatre pages.]


L'un des plus sympathiques aspects d'Internet est cette possibilité qu'il offre de découvrir des groupes méconnus mais pas mauvais pour deux sous.
Et les ricains de Manilla Road en font partie, en ce qu'ils constituent l'une des plus fameuses références du bon gros Heavy Metal des années 80, avec leurs quatre légendaires albums.


Le premier, Crystal Logic (1983), donne la couleur : ambiances faisant la part belle à l'épique et au sinistre, mettant en scène des histoires de Sword & Sorcery, mais également des légendes arthuriennes et de la mythologie nordique. C'est d'ailleurs l'un des albums de Metal favoris de ce cher Maxwell.


Ils continuent avec Open the Gates (1985, et d'ailleurs l'album avec lequel je les ai découverts) et The Deluge (1986), dotés tous les deux d'une meilleure production, d'un son plus Heavy et au ton versant dans le cas du premier davantage dans l'épique, et également dans celui de la destruction grandiose, cataclysmique, pure et simple dans celui du second.


Mais leur meilleure came reste pour moi Mystification (1987), qui allie la fureur aveugle de The Deluge à une ambiance plus sinistre et macabre, et sort comme ses deux prédécesseurs sous l'égide du label Black Dragon Records (yep, le label qui a sorti Epicus Doomicus Metallicus, un chef-d'oeuvre du Doom Metal), qui connaissait d'ailleurs à l'époque des difficultés financières.


Les influences littéraires dont il est question et auxquelles la plupart des morceaux rendent ici hommage sont celles d'Edgar Allan Poe (vraiment, les gars de Manilla Road l'adorent, regardez cette photo stylée par exemple), en témoigne cette splendide pochette qui met le Masque de la Mort Rouge à l'honneur, et il s'agira ici pour Manilla Road de créer une ambiance baroque, gothique, évoquant la maison Usher en train de tomber, au coeur de la brume, ou le squelette sortant lentement la main de son cercueil, à la lueur des bougies impies.


Les chapitres de ce livre sonore long de 48 minutes et écrit à l'encre de sang seront en premier lieu faits de la magnifique voix très nasale du chanteur-guitariste, qui est sans doute la première chose qui nous vient à l'esprit quand on parle de Manilla Road, tant elle est particulière, ensuite viennent les fameux riffs extrêmement nerveux, aussi effrénés qu'un cheval en flammes au galop, portés par un tempo ultra rapide et une précision d'exécution pratiquement irréprochable faisant lorgner l'album du côté du Thrash Metal. Puis une alternance entre des morceaux complètement frappés et bien trop rapides pour venir du monde des vivants, comme Up From the Crypt, un premier morceau court et d'une efficacité redoutable, ou Death by the Hammer, et d'autres plus lents et mélodiques, comme Mystified ou Dragon Star, donnant ainsi plus de relief à l'ensemble, des changements de tempo et de mélodies peuvent carrément être observés au sein d'un seul et même morceau.


La raison d'une telle qualité dans les compositions complexes et éclectiques, ainsi que la technique et la cohérence de l'ensemble, tient sans doute au fait que les membres du groupe se connaissent depuis le lycée (mis à part l'excellent batteur Randy Foxe, au jeu particulièrement technique, et qui était arrivé à partir de Crystal Logic), en conséquence de quoi on sent une vraie alchimie, que les membres savent vraiment comment composer ensemble.


Je vais être franc avec vous, j'ai rarement vu une atmosphère aussi réussie dans un album métallique, qui rende aussi bien hommage à une oeuvre littéraire (au début du morceau Masque of the Red Death, par exemple, on entend le fameux pendule de la nouvelle sonnant Minuit).
C'est un skeud...hanté, du début à la fin, qui explose la mince frontière séparant le réel de l'irréel, la réalité réconfortante de l'onirisme torturé, la raison de la folie.


Il fut malheureusement assez décrié à sa sortie, la faute à une production assez pauvre ironiquement causée par l'équipement moderne grâce auquel le groupe pensait améliorer leur son, problème heureusement corrigé avec sa ressortie de 2000 sur le label Sentinel Steel Records, forte d'une production de bien meilleure qualité mettant chaque musicien en valeur, et incluant de plus un morceau supplémentaire : The Asylum.


Un excellent groupe de Heavy touche-à-tout, qui mérite davantage de notoriété en dehors des cercles de connoissseurs, et que je vous recommande chaudement et brûlamment, et puis, même Max YME le progeux (l'élite de l'élite du Metal !) les valide.


Repose en paix, Mark Sheldon, puisse-tu riffer comme un guedin dans l'au-delà (1957-2018).

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le 27 févr. 2020

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