L'exercice de style visant à composer la B.O. d'un long métrage imaginaire est devenu relativement courant ces dernières années. Il y a quelques mois, John Carpenter sortait Lost Themes sur le même ordre d'idée mais découlant nécessairement d'une plus grande logique de carrière et d'une empreinte musicale très différente. En 2013, la Confection de Sébastien Tellier, lui aussi un habitué des bandes originales (Narco, Steak), s'attelait elle à réunir quelques morceaux (et probablement en ajouter d'autres) de ce qui aurait dû être la bande originale du film Confession d'un enfant du siècle mais dont le résultat n'a finalement pas été utilisé. La propension du français pour les ritournelles et les inspirations parfois très proches du sujet de cette critique (les deux dernières dont je parle dans le paragraphe suivant) peuvent d'ailleurs quelque part rapprocher les deux œuvres, même si la forme diffère largement.
A peine un mois avant la sortie de Musique de Film Imaginé, on peut également citer le biopic imaginaire de Nikola Tesla composé par le lyonnais Nestor Kéa. Une oeuvre dont je recommande chaudement l'écoute. Et j'imagine être passé à côté d'autres exemples ces cinq dernières années.


Je dois être en tout cas particulièrement sensible à ce type d'arrangement très narratif , ayant aimé toutes les sorties citées dans cette introduction et celle d'Anton Newcombe ne déroge pas à la règle, bien au contraire. La particularité de la proposition du groupe d'origine américaine est cette fois d'avoir décidé de situer le film qu'il prétend mettre en musique dans le cinéma français des années 50 ou 60. Evidemment l'album évoque les compositions et ambiances de la "Nouvelle Vague", façonnées par Antoine Duhamel ou George Delerue par exemple. Mais va aussi plus loin puisqu'on retrouve selon moi surtout, et c'est loin de me déplaire, beaucoup du génial François de Roubaix, voire quelques touches "gainsbouriennes". Avec ces deux dernières références auxquelles je suis toujours particulièrement sensible, je concède que je ne pouvais qu'être emporté dès les premières notes.


Bien sûr The Brian Jonestown Massacre appose sa propre patte à l'ensemble. Ses sonorités, son psychédélisme et ses expérimentations, mais sans jamais dénaturer les décennies hexagonales auxquelles il rend hommage. Souvent sombre, toujours onirique, cette OST quasi entièrement instrumentale, pousse le vice jusqu'à proposer deux titres chantés en français, le premier interprété par Soko, avec qui le groupe avait déjà travaillé, sympathique mais finalement dans la moyenne basse de l'album. Je m'attarderai plutôt sur Le Sacre du Printemps, pour lequel ils ont convoqué la vénéneuse, fascinante et ensorceleuse Asia Argento.
Parce qu'il s'agit bien de ça lorsque l'on écoute Musique de Film Imaginé : être hypnotisé et transporté le temps de 14 morceaux loin de tout le reste, pour finalement faire le chemin inverse de ses créateurs en y superposant ses propres images.

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le 19 août 2015

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