Mise à Feu
7.5
Mise à Feu

Album de 6Rano (2018)

Avec sa promo digne d'une compilation instrumentale du Klub des Loosers, fallait être vif pour pas louper le premier projet de 6rano. Sa seule apparition notable a été une (solide) prestation sur la (moins solide) dernière mixtape de Weedim, et ce dernier, toujours à l’affût de nouvelles têtes, a dû flairer le potentiel puisqu'il a choisi de passer derrière les machines pour produire ce Mise à feu. Un projet qui, comme son nom l'indique, a sûrement été pensé comme une carte de visite pour le rappeur, sauf que la carte de visite est donc passée jusqu'ici inaperçue (en même temps, avec une sortie en juillet et pas un seul son clippé...) sauf que, plot twist : c'est de la lourde frappe.


Ce qui marque direct, c'est la démarche déjà presque totalement décomplexée qu'adopte notre rookie vis-à-vis de sa musique. Et on ne parle pas ici de quelque chose de décomplexé à la manière du Patapouf Gang et autres zouaves de l'écurie Boulangerie Française adeptes du « toujours plus gras », non, on est plutôt sur un truc emprunt d'une véritable virtuosité. Allez, le mot est lâché, mais que dire d'autre ? Dès les premières pistes, c'est frappant : le mec enchaîne les flows, chante à plein poumon sans une pointe d'autotune, puis revient au rap, repart sur un petit fredonnement, et ainsi de suite jusqu'à ce que les pistes voix finissent par se superposer avec un sens de l'harmonie impeccable.


En plus de cette facilité folle, l'autre aspect le plus décomplexé est certainement l'humour du gars qui lâche littéralement une blague toutes les quatre mesures. Enfin, le mot « blague » est pas forcément le plus adapté, la vérité c'est que c'est plutôt à des « blagounettes » qu'on a affaire, mais attention, la blagounette au sens noble du terme hein, on parle ici de la vraie blague à la con Ericjudoresque qui te fait souffler du nez contre ta volonté (d'ailleurs je pense qu'une photo du Maître en train de chanter du gospel dans Platane aurait été la meilleure pochette possible pour ce projet, mais c'est un autre débat), un peu comme ce pote qui a même pas besoin d'être le plus drôle de la bande tellement son rire est communicatif.


Les principaux thèmes de 6rano (la rue, la hess, le deal, et surtout les meufs, donc rien de très original) sont carrément sublimés par cette espèce de bonne humeur dans le hustle, car à la manière d'un John Woo ou d'un Kaaris, tout passe par l'intermédiaire de l'humour, ce qui finit par rendre la violence marrante : plus c'est abusé, plus c'est drôle (« Coup de schlass dans la jambe, tu r'pars en boitant comme un danseur de kisamba »). Même chose quand il parle de la dernière meuf qu'il est sur le point de pécho, et que tu sens qu'il préférerait encore ruiner son coup plutôt que de garder pour lui la vanne pétée à laquelle il vient de penser (« J'aime quand on fait du sale, quand elle dit des trucs malpolis / J'lui passe les menottes, j'aime ironiser sur la police »). A partir de là, comment tu veux pas adhérer au personnage ? Le type est tellement cool, sans jamais se prendre au sérieux, qu'il pourrait même arracher un sourire à un fan d'Hugo TSR.


Ce Mise à feu est donc un concentré d'amusement qui fait du bien à écouter. C'est court, y'a aucun gros déchet, et c'est bien rythmé avec une pause de deux morceaux un poil plus personnels au milieu (et même là il garde ce côté bon gamin histoire de pas tomber dans le pathos, ce qui est loin d'être gagné quand tu fais une chanson sur ta maman, cf. le fameux « Je l'jure sur ta tête, même si t'es d'jà morte »). Donc allez au moins checker les quatre sons qui ouvrent le projet pour vous faire un avis, déjà parce que ce premier quart d'heure est un putain de festival, et surtout parce que ça serait vraiment dommage de passer à côté. Qu'est ce que vous direz à vos potes quand il sera devenu une superstar (en partant du principe qu'un jour il trouvera les thunes pour faire des clips), hein ? Que vous aviez entendu parler mais que vous aviez pas creuser plus que ça ? Allez, à d'autres...


Audrey Pulvar aurait pu l'voir, saaaaans lunettes.

Yanga
8
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le 3 sept. 2018

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