Koloss
7.4
Koloss

Album de Meshuggah (2012)

Le successeur du terrible « Obzen », précédent méfait du combo suédois internationalement acclamé comme une œuvre maîtresse de leur discographie, était attendu au pied levé par une horde de deathsters déchaînés et de critiques impatients. « Koloss » débarque donc du haut de ses 10 morceaux pour un peu moins d'une heure de musique. Premier constat, Meshuggah nous sort donc un disque plus resserré, dans tous les sens du terme : peu de morceaux dépassent les 6 minutes, et le titre le plus long ne fait même pas exactement 7 minutes. On est loin des normes habituelles du groupe. Peu importe, l'ensemble paraît cohérent et nerveux, et c'est cela qui compte.

Qu'en est-il de ces dix nouveaux morceaux ? On peut d'ores et déjà l'affirmer, « Koloss » ne sera pas le chef d’œuvre escompté pour faire suite à « Obzen ». Faut-il pour autant aller jusqu'à dénigrer la qualité de ce disque tout à fait honorable ? Nous ne le pensons pas. Le problème majeur de ce « Koloss » est qu'il n'apporte guère de nouveauté dans l'univers technique et torturé du groupe scandinave. Tous les ingrédients d'antan sont là : ambiance malsaine sur « I Am Colossus », rapidité dévastatrice sur « Swarm » ou « The Demon's Name Is Surveillance », constructions particulièrement alambiquées de titres comme « The Hurt That Finds You First ». Tout semble réuni, mais il manque l'étincelle d'excitation qu'avait procurée « Obzen » devant le virage pris par le groupe. Ici se virage se confirme et on est parfois en pilote automatique : un petit blast par ci, un rythme asymétrique par là... Défaut plus gênant, l'album semble se répéter par moments, certains morceaux présentant des similarités trop poussées qui confineraient presque à l'ennui si n'était la qualité évidente de composition et d'exécution de l'ensemble. Titre symptomatique, « Behind The Sun » qui, malgré un beau crescendo rythmique, peine à faire oublier la linéarité de son riffing.

Toutefois, si « Koloss » n'est pas la claque que l'on était en droit d'attendre, il n'en reste pas moins un album de très bonne facture : une belle pochette truffée de détails et qui colle bien au sentiment général se dégageant du disque, une production claire, précise et juste ce qu'il faut de clinique pour laisser une part d'organique à la musique du groupe, et surtout une belle cohérence dans la construction de l'album. Ainsi des trois premières pistes, parmi les meilleures du disque : « I Am Colossus » fait office de simili-chanson titre et entame les hostilités sur un tempo inhabituellement lent couplé à des rythmes asymétriques particulièrement malsains. La piste suivante en est un parfait contrepoint, rapide et violent à souhait, tandis que « Do Not Look Down », un des deux singles, installe le rythme de croisière de l'album, plus prog, plus nuancé et plus mid-tempo. De manière générale le groupe excelle, comme toujours, dans les ruptures de tons et les changements de rythme – bref, dans ce qui fait l'aspect prog et torturé du groupe. Les exemples les plus surprenants à ce titre de « Koloss » sont probablement « The Hurt That Finds You First », débauche de violence où le talent des musiciens est mis à profit avec un brio épatant, explorant dans la deuxième partie du morceau des sonorités plus mélodiques et tribales ; ou encore « Marrow » et « Swarm » qui trouvent ponctuellement de quoi satisfaire une soif de nouveauté et d'originalité : c'est une accélération sur le refrain qui devient complètement démente (« Swarm ») ou un solo de guitare complètement déconstruit et un final hargneux (« Marrow »).

Foncièrement, aucun titre n'est à jeter sur ce nouvel album de Meshuggah, et quiconque découvrirait le groupe par « Koloss » risquerait fort de juger le disque proprement hallucinant. Mais pour peu que l'on soit déjà initié le voyage est moins surprenant. Ne boudons pas les qualités intrinsèques de ce disque, globalement plus lent que ses prédécesseurs mais non avare en trouvailles musicales. Meshuggah y impose de nouveau la supériorité technique de sa section rythmique, et finit avec classe sur un bel instrumental d'ambiant, « The Last Vigil ».
Krokodebil
7
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le 13 mai 2013

Critique lue 400 fois

2 j'aime

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