On le sait déjà, Coldplay n'est plus le même. C'est un fait, depuis qu'ils ont découvert la couleur, les graffiti et après avoir revu quelques concerts donnés à Woodstock : psychédélisme, frénésie de couleurs, mains levées et danses transcendantales.


C'est à dire que Coldplay, par son image, donne l'impression de transcender les codes de la musique pop par la juxtaposition de différents motifs qui ne sont que purement visuels et qui paraissent aux yeux de jeunes naïfs comme trop chouettes et révolutionnaires : les éclaboussures de peinture à dominante de violet et de rose (A Head Full of Dreams) sont autant des explosions de joie que Chris Martin n'a pas beaucoup ressenties à cette période, une sorte de thérapie pop qui lui sert de médium d'oublie de soi-même pour tenter une nouvelle approche et retrouver le sourire après sa rupture. Elle a eu au moins le mérite de donner naissance à Ghost Stories, qui sonne encore aujourd'hui comme leur album le plus abouti depuis Viva la Vida.


Le budget lasers et confetti est à présent la marque de fabrique du groupe, très calée, et qui lorgne de plus en plus vers des sets en pilotage automatique : qui sur cette Terre, achetant sa place pour, disons, Coldplay au Stade de France, n'attend pas le moment divin, le salue suprême, quand Chris Martin s'apprête à sprinter sur le devant de la scène et tenter un jump double flip au moment des premières envolées de batterie d'un titre comme Fix You? Coldplay le sait, n'importe quel fan paierait très cher pour vivre ça. Son moment intime qu'il partage maintenant avec 80 000 autres dans un moment de transe inouïe où les premières larmes vont couler.


Or, Coldplay prépare déjà sa future set-list post-moderne avec Kaleidoscope EP. Déjà, quelque chose ne va pas : EP. De qui se fout-on? Coldplay récidive son Prospekt's March qui était déjà ridicule en son temps (malgré le chouette Glass of Water) et avait bien fait marrer la critique indé en saluant avec beaucoup d'ironie les petits ajouts sur Lovers in Japan (qui se suffisait bien à lui-même, c'est à dire un des cinq meilleurs morceaux jamais composés par le groupe) ou le featuring de Jay-Z venu faire coucou et prendre au passage son petit biffe.


Extended Play, donc, pour cinq morceaux qui reprennent le dogmatisme Enoien visant à produire un son différent par morceau. On aura droit à un Hit FM lourd en basse, à une ballade enchanteresse et vaporeuse (Hypnotised, de belle facture), un morceau politique (qui ne vaut pas c'est certain le Politik avec un k du deuxième album), un live écœurant d'autosuffisance et de mégalomanie (le morceau est repris tout le long par le public japonais, sous vos applaudissements) d'un bon morceau tout de même mais qu'on croirait jumelé à Hymn for the Weekend du précédent.


Coldplay a su imprimer avec Kaleidoscope une vraie ligne musicale qui se réinvente constamment, en principe sur la richesse et la juxtaposition des différentes couches sonores qui parsèment ce petit skeud de rien du tout et parfaitement inoffensif. Mais c'est bien là le problème, à vouloir se perdre dans des tessitures musicales qui n'ont plus rien à voir avec des motifs de pop-rock classiques, où beat dance, électro à tout va, ambient et paroles qui font sens prennent le dessus sur le classique combo voix-guitare-basse-batterie pour un résultat globalement indigeste : on se rend compte, au bout du troisième morceau (on touche déjà à la fin, donc), qu'on n'a toujours pas entendu Jon Buckland et que la batterie semble être sortie d'une boîte à rythme.


C'en est désolant. Heureusement que le groupe et la voix au doux charme nasal de Chris Martin -là aussi noyée sous un tas d'effets- font des ravages en live et qu'il n'y a pas de petits moyens pour faire prendre aux spectateur un pied de fou furieux. Car pour ce qui est posé sur acétate depuis Mylo Xyloto (en dépit de la belle parenthèse Ghost Stories) fait peur et peine à entendre.

XavierChan
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le 15 juil. 2017

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