Jazz is love

Tout commence dans une atmosphère embrumée : trompette tamisée, batterie étouffée, contrebasse et piano qui se répondent pour tisser un rythme entêtant, flûtes qui filent... Et puis, d'un seul coup, un passage plus électro, auquel succèdent de nouvelles flûtes entortillées de nappes de violons... et à nouveau le rythme change, les guitares se distordent, la trompette crapote, et une voix féminine désabusée et sexy entre en scène... tressant ainsi des compositions visuelles qui emportent tantôt dans un imaginaire de polar des années 40, tantôt dans une fête 70's, tantôt dans une modernité qui n'envoûte jamais tant que quand elle se fait kaléidoscope.

Et tout l'album sera du même tenant, de ce jazz progressif qui ravit les oreilles, quand il se métisse de cithare, de rythmes funkys, de flûtes aux sonorités très Lalo Schiffrin, de piano atonal, puis de synthé distordu, de clarinette malicieuse, de sons électro qui le réinventent, de clins d'oeil orientaux... Les sons explorent des textures différentes au fil des morceaux : on pourrait avoir l'impression d'écouter, parfois, une espère de composition en forme de patchwork sans motif, alors qu'il y a, au contraire, une cohérence sonore dans cette recherche (à part, peut-être, la dernière piste, qui sonne comme un grand clin d'oeil ironique). Les pistes y tressent des histoires qui se répondent, par motifs, et constituent une bande originale d'un film absent, qui hante l'imagination.

Alors, bien sûr, amoureuse que je suis de la voix de Tankian, j'aurais souhaité l'entendre plus, d'autant que les pistes où elle est présente sont absolument superbes : "Distant Thing" provoque une profonde mélancolie, qui nappe le coeur de manière durable, "Song of Sands" est porteuse d'images brûlantes et d'une tension vocale prenante (et puis cette trompette, bon sang !), et "Garuna" est une plainte arménienne bouleversante.

Mais impossible d'avoir de véritables regrets, tant les pépites que sont Honeycharmed, Arpeggio Bust, Waitomo Caves ou Balcony Chats... me ravissent les oreilles.

Un album coup de coeur.