Ineffable Mysteries From Shpongleland par Benoit Baylé

Il aura fallu plus d’une décennie et quatre tentatives pour atteindre ce que tant attendaient d’eux : la parfaite union entre une world music avilissante voire ringarde et une musique électronique en plein essor. 2009 sera une année faste pour Shpongle, entre une tournée harassante autour du monde et un album imprévu mais inévitable. Quatre ans auparavant, à la sortie de Nothing Last…, il était question pour le duo de se séparer pour laisser l’entité Shpongle aux mains des nostalgiques. Après tout, cette envie de divorce n’était pas absurde, loin de là : décevante, la production de 2005 laissait entrevoir quelques faiblesses dans l’escarcelle déjantée de Simon Posford.

Pourtant, quand en 2009 est annoncée une quatrième fournée, la planète psybient rougit d’émoi et d’excitation. Les projets annexes de Raja Ram, confus et bien moins réussis que son petit bébé Shpongle, battent sauvagement de l’aile. Il lui faut se replonger dans l’imaginaire du masque aux yeux multiples. Les amis multi-générationnels composent au cours de la tournée et testent leurs morceaux sur un public déjà acquis à leur cause. Il faut dire que Shpongle est l’axiome des milieux trance/world/downtempo. Paru en novembre 2009, Ineffable Mysteries From Shpongleland confirme cette assise incontestée sur le genre tout en effaçant tous les défauts des précédentes œuvres.

Oubliées sont les mélodies inefficaces d’Are You Shpongled. Effacées sont les douloureuses réminiscences de Nothing Lasts… But Nothing Is Lost. C’est bien simple : Ineffable Mysteries From Shpongleland est à ce jour le meilleur Shpongle et par conséquent un des meilleurs témoignages downtempo/psybient. Ici, toutes les mélodies, tous les effets, toutes les ambiances s’accordent autour d’une homogénéité salvatrice, illustration d’un monde électro-exotique arrivé à maturité. Si la folie inhérente des précédentes tentatives a grandement régressé, le travail de composition se voit quant à lui renforcé, consolidé à travers des morceaux oscillant presque tous vers les dix minutes. Plus longues, les huit accroches de l’album gagnent en profondeur. Chacune d’entre elles possède une différenciation reconnaissable dès le premier abord. Il y a la glorieuse introduction « Electroplasm », parfaite mise en condition ; l’hindoue et passionnante « Ineffable Mysteries » ; l’énergique « I Am You » ; l’asiatique « Invisible Man In A Fluorescent Suit »… Autant de scènes d’un acte que l’on aimerait voir durer longtemps, tant le plaisir pris devant ce théâtre de dépaysement n’est pas feint.

Dans ce fatras organisé, quelques séquences surnagent, comme « No Turn Un-Stoned ». Sur une harpe inquiétante se substitue un chant féminin presque pop, chant aux délices presques sexuels, chant par la suite trafiqué au gré des délires Shpongleliens, rythmé par la flûte envoûtante de Raja Ram. « No Turn Un-Stoned » ravira n’importe quel amateur de musiques électroniques, quelque soit sa sous-famille. Il en va de même pour « Nothing is Something Worth Doing », le véritable bijou de ces ineffables mystères. Joué par Manu Delago, l’instrumental met en scène un Hang, cet objet insolite au son directement reconnaissable, légèrement mélancolique… Le rendu est extraordinaire et dépasse toutes les attentes : c’est probablement là où l’on ne les attend pas que Raja Ram et Simon Posford sont les plus efficaces. Et Dieu sait que personne ne les attendait dans la ballade mélancolico-exotique… Plus généralement, après Nothing Lasts… but Nothing Is Lost, il ne fallait plus attendre grand-chose du duo coloré. Finalement, avec Ineffable Mysteries From Shpongleland, Shpongle écrase toute concurrence et fait oublier toute erreur passée.
BenoitBayl
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le 5 déc. 2013

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