Dualism
7.4
Dualism

Album de Textures (2011)

Symbole d’un certain renouveau dans le metal, Textures a été, indépendamment de sa volonté, affilié au courant djent qui fait le buzz ces dernières années. On en oublie presque qu’ils pratiquaient déjà ce style longtemps avant qu’Internet ne popularise l’étiquette. Textures, pour les retardataires, c’est donc des constructions assez élaborées et parfois éprouvantes à l’écoute, avec de nombreuses interventions mélodiques, que l’on devait en grande partie au talentueux Eric Kalsbeek. Hélas ce dernier a quitté le navire, c’est donc avec un mélange enthousiasme/appréhension que l’on accueille Dualism et le nouveau chanteur par la même occasion.

On démarre tout en groove sur “Arms of the Sea”. Si inquiétudes il y avait sur leur talent de composition, elles auront vite fait de s’envoler, ils n’ont pas perdu la main et laissent encore plus de place aux rythmiques efficaces, loin des sonorités étourdissantes de Drawing Circles. Mais la question qui brûle aux lèvres de tous concerne évidemment le monsieur qui tient le micro. Une inquiétude légitime car son prédécesseur (à qui on doit au passage l’artwork) avait assez vite acquis un statut de référence. Trouver un remplaçant à sa hauteur était un gros challenge. Puis survient le choc … Y a t-il vraiment eu renouveau du frontman ? Sitôt qu’il a fait péter le chant clair, on se demande si l’ancien beugleur ne serait pas venu discrètement donner de la voix … mais non, c’est bien un nouveau venu. Petit à petit les nuances commencent à se démarquer, mais il reste une grande similitude entre eux deux. La différence se ressent principalement au niveau des vocaux extrêmes où Daniel de Jongh affiche un growl bien plus profond (plus death si vous préférez) et des hurlements plus bestiaux.

Son arrivée a permis de continuer à pousser un peu plus dans la direction planante/mélodique déjà très présente sur Silhouettes. Et vous n’avez encore rien vu. Un feeling onirique parsème “Reaching Home”. Stef Brooks y joue tout en retenue, sans complètement abandonner ses réflexes de pieuvre, les guitares sont aériennes et de Jongh éblouit au moins autant que l’avait fait Eric Kalsbeek sur des bijoux atmosphériques comme “Messengers” ou “Awake”. Le riff principal de “Sanguine Draws the Oath” fait penser à “Goliath” de Karnivool mais les zicos ont vite fait de nous ramener dans une dimension plus extrême et technique à gros coups de double et de cris écorchés. “Consonant Hemispheres” s’annonce d’abord aussi planant que ”Reaching Home” mais finit en déchaînement de violence polyrythmique. Le duo basse/batterie mène le jeu avec une maîtrise insolente, tandis que les guitares montent en puissance. Entre temps, les moindres doutes quant aux capacités vocales de Daniel de Jongh ont dû être dissipés : clair, agressif-mélodique, hurlé, death abyssal et même les envolées bien perchées il peut TOUT faire. Comme s’ils avaient compris que leur extrême technicité rendait difficile l’écoute intégrale, ils nous ont calé un joli intermède instrumental. On reste dans la même veine qu’avant, soit tout sauf de l’easy-listening, mais ce n’est jamais trop chargé.

“Burning the Midnight Oil” remplit parfaitement son rôle: laisser respirer. Et cette bouffée d’air frais est indispensable car le morceau qui suit est un vrai petit monstre comme ils n’en ont pas pondu depuis le labyrinthique “Stream of Consciousness”. Ses deux dernières minutes sont planantes jusqu’au final explosif. Textures a compris la leçon, des structures toujours aussi alambiquées, mais aussi une double dose d’ambiances éthérées. Ils n’oublient pas de faire parler la poudre sur le furieux “Stoic Resignation”, dont même le refrain chanté ne fait pas baisser la tension. Et pourtant même celui-ci a droit à son break délicat où les vocaux touchent au divin. Ces accalmies, c’est ce qui rend attachant et digeste des titres très math metal dans l’esprit comme “Minor Earth Major Skies”. Là où l’on pouvait logiquement éprouver de la fatigue à mi-parcours sur les 3 précédents efforts, Dualism peut aisément s’écouter d’une traite. L’enchaînement final “Foreclosure/ Sketches from a Motionless Statue” revisite tout simplement tout ce qu’on a pu entendre sur l’album, voir tout ce que Textures a fait de sa carrière. On se sent pousser des ailes sur les passages planants avec ce chant absolument parfait. Et si ça ne suffisait pas pour les autres, les rythmiques en béton armé garantissent de belles séances de headbanging dans les fosses.

On craignait que la perte de leur vocaliste monumental ne leur porte le coup de grâce. Tout au contraire, un nouvel élément de niveau au moins égal est venu s’ajouter à la formation néerlandaise. Un album dans la continuité de Silhouettes, mais encore plus oxygéné. Jamais Textures n’a approché la perfection d’aussi près. Pour quiconque apprécie le metal ambitieux, complexe, sans devoir pour autant traverser la frontière de la musique barrée et affranchie de tous codes, c’est un Must-Have.
JoroAndrianasol
10
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le 18 févr. 2013

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