Domino
5.8
Domino

Album de Déportivo (2013)

Pas mort et bien vivant, Deportivo survit à son éviction de chez Barclay et revient avec un nouvel album dopé à l’orgue de Romain Turzi

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En caricaturant, on pourrait dire que Deportivo a été signé par Barclay juste après le drame de Vilnius qui stoppait net la carrière de Noir Désir. Et 10 ans plus tard, le trio a été finalement lâché par ce même label, au moment même où Bertrand Cantat revenait aux affaires avec son projet Détroit. C’est sans doute un peu dur mais connaissant les maisons de disque, non exemptes d’un cynisme certain et pensant à leur catalogue en termes de case à remplir, on ne doit pas être si loin du compte. Un peu comme Eiffel ou Luke, Deportivo aurait donc servi de bouche-trous ? La chose n’est évidemment pas si simple et le groupe ne s’est jamais vu ainsi, sortant d’ailleurs avec Ivres et Débutants un disque loin de l’univers de Noir Désir, plus brit-pop que rock français.

Avec Domino, Deportivo entame donc une nouvelle carrière sur le label qu’ils ont eux-mêmes créé (Titanic records…tout un programme) mais le disque est le prolongement du précédent. Néanmoins, il affiche une nouveauté de taille : Romain Turzi, quatrième homme de l’album, amène un orgue GEM dans les compositions du groupe. Plus que jamais, Deportivo sonne anglo-saxon ; plus que jamais, il sonne vintage (de The Animals à The Corals). Plus encore que les Doors, souvent cités comme groupe chéri des Français, il faudra chercher du côté des Stranglers et du claviériste Dave Greenfield, le nouveau son de Deportivo. Il faut dire qu’en termes d’écriture, nos Frenchies se rapprochent plus des Anglais que des Américains. Accrocheur et teigneux, Toutes les Choses pourrait être leur No More heroes à eux. Le côté vintage devient encore plus prégnant avec une basse sixties et des vibrato de guitare : Dans Ta chambre affiche fièrement un côté BO de Tarantino. Cette orgue est finalement très important et l’on s’en aperçoit justement dès qu’il disparait : Deportivo apparait immédiatement – mécaniquement ? – plus direct et plus rock, plus conforme à ce que l’on connaissait à l’origine du groupe (Imbéciles).

Avec tout ça, il serait faux de croire que les Franciliens aient abandonné tout esprit français. Un leg qui va bien au-delà de la seule francophonie des textes : il y a la voix de Jérôme Coudanne, râpeuse plus que rageuse, qui garde ce lien viscéral avec Bertrand Cantat, quand elle ne rappelle pas le phrasé de Nikola Sirkis (sur le seul titre anglophone de Domino, Both on the same boat). Chanté par un anglais, Impossible, un des morceaux-étendards du disque, aurait sonné totalement différent. Mais de manière plus amusante, on ressent l’origine française de Deportivo dans les titres les plus métissés de l’album. Fort d’une expérience vécue en Amérique du Sud par Jérôme, En ville prend des airs Manu Chao derrière la pop attitude. Et puis, Pourquoi devrais-je ? pourrait être la version rockisée d’un air à la Georges Moustaki. Des influences migratoires qui ont fait la chanson française et dont se nourrit aussi le trio. Au final, Deportivo, bien vivant, vient de sortir un bon album qui lui ressemble. On les suit avec conviction et sérieux.
denizor
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le 26 nov. 2013

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