"Hello, this is Ricardo Montalbán."

Une affaire particulièrement stupide secoua l'industrie musicale en 1991. Alors que des fans de U2 attendaient avec impatience l'arrivée d'un nouvel album (qui s'avèrera être Achtung Baby), un disque est mis en vente présentant une pochette assez hideuse avec un "U2" géant dessus, et en plus petit, "Negativland". (1)
Les deux morceaux du disque portaient le nom du tube de U2 : "I Still Haven't Found what I'm Looking For", sorti quelques années auparavant. Les versions présentes sur le disque étaient déformées et mélangées à des extraits d'émissions de radio.
Le label de U2, voyant l'arrivée du disque, fit immédiatement un procès au groupe californien qui allait tirer sa popularité de cet évènement.

Et c'est six ans plus tard qu'allait sortir leur plus fameux disque : "Dispepsi".
Le titre de l'album et sa pochette annoncent déjà la couleur. Son concept ? Faire un collage sonore composé d'extraits de publicités pour Pepsi, de documentaires, de Michael Jackson, de journaux télévisés, de films. Entre autres.
Mais le terme dyspepsie désigne des troubles de l'estomac. L'album est donc une dénonciation du marketing des grandes compagnies agroalimentaires et de leur matraquage médiatique.
Mais pour éviter que Negativland ne se reprenne un procès à la suite, ils ne mettent jamais le véritable titre de l'album sur sa couverture, uniquement de anagrammes. Le seul moyen de l'avoir était d'appeler un numéro fourni avec le disque, qui donnait le véritable nom.

Pour rendre une boisson attractive il faut évidemment que sa publicité le soit. Et les moyens sont variés pour y arriver. On peut faire un partenariat avec une célébrité, composer une chanson qui restera dans les têtes, ou simplement présenter des gens qui semblent avoir trouvé le bonheur ultime dans un verre de Pepsi.
Negativland va donc prendre ces techniques et les appliquer au domaine musical, pour mieux les dénoncer.
Le meilleur exemple en est le morceau "The Greatest Taste Around", un morceau pop à la Beach Boys aux paroles absurdes ("I got fired by my boss, PEPSI ! I nailed Jesus to the cross, PEPSI !), mélangée à des extraits radio vantant la marque. (2)

Ca peut paraître étrange mais pourtant c'est le morceau le plus "normal" de l'album. Le reste est bien plus expérimental, tout en gardant toujours une certaine structure rythmique face au déluge de samples. Etant donné sa nature d'œuvre d'art purement conceptuelle, Dispepsi n'est pas le genre d'album qu'on va écouter tous les jours. Mais Negativland est un ensemble ayant du talent, et les collages sonores sont admirablement bien réalisés. Qu'ils soient drôles ou parfois anxiogènes à cause du déluge de mots publicitaires, les morceaux de Dispepsi surprennent toujours dans la variété des nombreux extraits sonores utilisés.

Et c'est tellement bien fait que la marque Pepsi elle-même trouva l'album drôle, et ne fit pas de procès au groupe. En conséquence le disque eu un certain retentissement, mais son caractère expérimental ne fit pas sortir Negativland du milieu underground, où il continuera à produire des disques conceptuels aimés seulement d'une poignée de personnes. Ce qui est plutôt dommage car Negativland est un groupe fascinant sur de nombreux points. Et Dispepsi est la porte d'entrée idéale dans leur monde, un objet musical curieux et original.



(1) http://i3.photobucket.com/albums/y71/GothBrooks/negu2a.jpg
(2) http://www.youtube.com/watch?v=xWxW-7vTo2Y