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Berri Txarrak est un groupe espagnol, dont le nom signifie, en basque, « mauvaises nouvelles ». Actif depuis plus de 20 ans, il connaît un vif succès de l’autre côté des Pyrénées notamment. Un succès garanti par deux éléments de l’identité du groupe : d’un côté son engagement politique fort et radical en faveur du pays basque et du peuple basque (N’ayant pu trouver de traducteur pour les textes à temps, et n’étant même pas hispanophone, je n’épiloguerai pas cette dimension de l’œuvre de BTX dans cette chronique.). Et d’un autre côté un éclectisme musical assez surprenant, de la part d’un groupe engagé : la véritable prouesse de Berri Txarrak aura été, tout au long de sa longue carrière, d’allier des positions politiques appuyées, fermes, courageuses, à une inventivité musicale perpétuelle, là où la plupart des groupes revendiquant leur attachement à un territoire se cantonnent à un style traditionnel (Negura Bunget, Stille Volk…). Le premier album par exemple, éponyme, synthétise la plupart des influences du groupe : thrash, hardcore, punk, nu-metal, il y en a pour tous les goûts, même si en soi l’album est relativement maladroit.


Et ce n’est pas Denbora Da Poligrafo Bakarra, dernier opus du groupe, sorti en 2014, qui me fera mentir. Gorka Urbizu, guitariste chanteur, Aitor Goikoetxea, batteur, et David Gonzalez (présent dans la formation depuis 2008), ont décidé pour fêter les vingts ans du groupe, de sortir un triple album. Ou plutôt, trois albums à la fois. On pourrait s’effaroucher d’avance en repensant à l’une des dernières expériences du genre, désastreuse, qui date de 2013, avec The Living Infinite, de Soilwork. Seulement Berri Txarrak sait s’entourer, et c’est trois producteurs qui vont donc se succéder pour orchestrer cet opus anniversaire. La combinaison du travail de ces trois producteurs permet d’offrir un nouveau visage à l’éclectisme musical de BTX : Ross Robinson cultive sur le premier disque le côté metal et hardcore du trio navarrois, fort de ses expériences avec Slipknot et Korn, pour ne citer qu’eux. Ricky Falkner est lui un producteur reconnu au sein de la scène alternative espagnole. Il a par exemple travaillé avec Love of Lesbian, groupe de pop alternatif espagnol, ou Raül de Maya, figure de l’indie folk madrilène. Il apporte au disque 2 de DDPB un aspect très mélodique, avec ce qui sera sûrement la seule véritable innovation sur ce triple album. Un tryptique qui se conclue sur six chansons punk, hardcore, produites cette fois-ci par Bill Stevenson (Rise Against, A Wilhelm Scream). Un opus qui musicalement s’annonce donc éclectique, mais aussi relativement monolithique.


Chapitre 1 donc. Sutxakurrak. La première facette du tryptique DDPB s’inscrit dans la continuité de ce qu’a livré Berri Txarrak au début de sa carrière : se côtoient sans aucun complexes influences stoner, sludge, punk, rock, voire thrash crossover. Et le résultat est plutôt bon. Les navarrois ont réussi à canaliser leur énergie, incommensurable, dans des compositions calibrées, certes, pas aussi folles, il faut bien le dire, que sur les premières galettes du groupe, mais toujours solides et incisives. Sur Sutxakurrak, Ross Robinson réussit le pari de mettre en exergue, de façon remarquable, le Berri Txarrak « metal », le Berri Txarrak agressif et testostéroné.


Le Chapitre 2 présente une toute autre dimension de l’univers du groupe. Ricky Falkner tente, sur Helduleku Guztiak, de mettre en exergue le côté indé de Berri Txarrak. Les guitares sont majoritairement clean, et les compos sont clairement étiquetées rock folk indé. Et bien que les racines ibériques de Berri Txarrak soient prégnantes dans leur état d’esprit, retrouver cette chaleur de folk indé madrilène dans leurs compos a quelque chose de surprenant. Au final, Helduleku Gutziak désincarne un peu Berri Txarrak, en prenant la bande à Gorka Urbizu à contre-pied de ses influences habituelles.


Troisième et dernier chapitre. Xake Make Kultural Bat. Je ne vais pas m’étendre trop longtemps sur cette partie de l’album. Elle est en effet, la moins intéressante de DDPB, au vu de ce dont est capable Berri Txarrak. Au stoner/punk alternatif et à l’indie folk succède un condensé, très court, de punk rock générique, calibré, sans aucune prise de risques ni pas de côté. Certes Bill Stevenson a bien réussi à capter tout le côté punk de Berri Txarrak, toutefois il cantonne l’énergie du groupe dans un punk rock qu’on sait depuis longtemps être la recette du succès de groupes comme A Wilhelm Scream ou Rise Against.


Alors que dire de Denbora Da Poligrafo Bakarra ? Que nous apprend-il sur Berri Txarrak ? Tout d’abord, il est une chose qu’on ne peut enlever à cette (ces ?) production(s). Robinson, Falkner, et Stevenson ont su, chacun à leur façon, cristalliser une dimension de l’entité artistique multi-facettes et ultra-éclectique de Berri Txarrak. Ils ont chacun su mettre en exergue des aspects de la personnalité du groupe, liés à ses appartenances, qu’elles soient artistiques ou géographiques. Seulement, à force de vouloir décortiquer, approfondir, la musique de Berri Txarrak s’en trouve littéralement découpée en morceaux, qui perdent de leur valeur intrinsèque sitôt qu’ils ne tiennent plus ensemble. Un bel hommage, donc, à tout ce qui a construit Berri Txarrak, mais pas à ce qu’a construit Berri Txarrak. Et c’est bien dommage.

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le 29 juin 2015

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