Dead Cross
6.7
Dead Cross

Album de Dead Cross (2017)

Quelques lives:
2016 (sans Patton): https://www.youtube.com/watch?v=oWHMjFWEEY8
2017 (Patton) : https://www.youtube.com/watch?v=Jacboireh4c&app=desktop


Dead Cross est né de l’initiative de Dave Lombardo (batteur de Slayer, Suicidal Tendencies, etc) et les membres de Retox. 24 heures après la fermeture de son autre groupe (Philm), le batteur 'from hell" remet le couvert. En studio avec Ross Robinson (responsable de pas mal d’albums cultes de Sepultura, Deftones, entre autres), Lombardo va rapidement faire naître un concept : créer la musique la plus extrême possible tout en allant à contre-courant des productions actuelles qu'il juge ennuyeuses et toutes tristement similaires. Alors pour arriver à un résultat satisfaisant, il faut bien choisir ses compagnons. Michael Crain ( Retox principalement) à la guitare et Justin Pearson à la basse (Retox et Locust). Ils se trouvaient au bon endroit au bon moment car Ross Robinson a invité Lombardo afin de filer un coup de main en studio où se trouvait le duo infernal de Retox… Qui, avec son dernier album « Beneath California » a envoyé la balle hors du stade. Si vous ne connaissez pas, foncez. Michael et Justin ensemble, c’est l’assurance de morceaux à tiroirs de deux minutes environ. Là où certains groupes vous servent des titres de cinq à dix minutes, Retox condensent le maximum d’idées en un minimum de temps. Le temps d'un album, cela donne une musique anxiogène, dépassant rarement les 20 minutes. Cela dit, 20 minutes la tête dans un sac plastique, c'est long. Le temps, c'est relatif.


Donc, quand le groupe de hardcore le plus efficace du monde se retrouve en studio avec le batteur ayant participé aux trois premiers albums culte de Slayer, on est en droit d’espérer une musique dense, rapide et révolutionnaire.
Pour le chant, c’est Gabe Serbian (The Locust, Cattle Decapitation, et Holy Molar) qui s’y colle. Le groupe au complet, il part assommer le public avec leur hardcore brute. Durant ces mini-tournées, le groupe compose et le chanteur pose ses Lyrics. Mais, après l’écriture de cinq titres, il contact Dave : « J’arrête, je veux passer du temps avec ma fille (qui vient de naître) ». Alors, l’entourage de Dave le pousse à contacter Mike Patton. C’est plutôt hésitant et persuadé qu’il déclinera l’offre, vu l’agenda chargé du Crooner que Lombardo contact Patton, qui lui propose alors de signer Dead Cross sur son label « Ipecac ». Ce à quoi il répond « Ok, super, mais il nous faudrait un chanteur pour accoucher d’un album, ça te dirait ? ». 30 secondes plus tard « Moi ? Oui, ça me plairait à fond ». Et la cerise sur le gâteau, il accepte même de partir en tournée. Pour le reste du groupe, c’est une immense opportunité de voir leur création agrémentée de l’originalité dont peut faire preuve Patton.


C'est dans sa cave, et durant trois mois qu'il va enregistrer sa voix (en alternance avec d’autres projets) sur les compositions ultra-speed du crew. Le groupe va alors modifier au fur et à mesure ses morceaux ici et là pour obtenir le rythme adéquate à la voix ultra élastique du Général. Chacun va échanger à distance sur les éventuelles parties à modifier en fonction du résultat VOIX + COMPO. Puis viendra la prod de Ross : un son riche, épais, impactant. On est aussi loin des productions punk/hardcore vieillissantes et caverneuses que des albums gras à la sauce new/néo metal. C'est un savant mélange du son brut de At the Drive In et du gras de Sepultura,... Le producteur a su mettre toute son expérience au sein de Dead Cross et propose ici, un de ses meilleurs travaux.


Courant 2017, les extraits tombent (sachant que pas mal de morceaux étaient joués en live en 2015-2016)… Mais on est encore loin de s’imaginer ce que l’écoute des 27 minutes et 38 secondes vont nous procurer comme sensation. Le morceau le plus court ? 1:59. Le plus long ? 4:21. En moyenne ? 2:30. Finalement, ce n’est pas « si court que ça ». Beaucoup de groupe hardcore atteigne rarement les 1:30 par track. Comme je vous le disais plus haut, Retox dépasse peu de fois les 20 minutes. J’arrête de chercher des prétextes pour éviter le cœur des ténèbres mais quand faut y aller…


L’artwork ? Ce squelette tentaculaire en noir et blanc annonce la couleur d’emblée.


Les 25 premières secondes sont là pour nous couper de la vie que l’on menait avant d’avoir lancer l’album pour mieux rentrer dans l’univers de Dead Cross. 25 secondes pour se préparer, c’est court ! Surtout si The locust et Retox vous sont totalement étrangers. Après cette intro noisy, pas de doute : on reconnaît la batterie du métalleux et la rythmique de folie qui caractérise les deux compères. Quant à la voix de Patton, si ce n’est qu’il semble élargir encore plus sa gamme de chant (6 octaves !), il nous martèle les tympans avec ses cris, ses cœurs et ses refrains si caractéristiques. On retrouve les breaks si efficaces de tous ses projets. S’il n’a pas participé aux compositions dès le début, je parierais bien quelques billets sur pas mal de break sûrement nés de son cerveau (comme ceux de Obedience School). Globalement l’album est très homogène, c’est qu’après plusieurs écoutes que toutes les subtilités des morceaux apparaîtront.


Après 4 titres bien amochés, la piste 5 vient ralentir la cadence, avec la reprise de Bela Lugosi's Dead de Bauhaus. Malgré ce titre au tempo moins infernale, notre chute au fond du puits est juste ralentie par un geste inespéré de s'agripper à une éventuelle pierre qui dépasse. De 9 :36 pour l’original, on passe à 2 :34. Patton chante avec ses burnes, imaginez Barry White croisé avec Marilyn Manson ou comme si le maître d’horreur de Thriller de Michael Jackson s’était mis au metal… Comme j’ai pu le dire régulièrement au cour de ma rétrospective sur Patton, on retrouve à nouveau cette ambiance de maison hantée cher à l’artiste visiblement. Après ce court ralentissement rythmique, on en reprend pour son grade pendant trois titres qui rehaussent l'album sur l'échelle de la puissance. L’apogée de violence étant sûrement atteinte sur Grave Slag (avec un smack de Patton pour clôturer le carnage, démontre la volonté de rajouter de l’humour là où on s’y attend le moins). Sur ces trois titres, les riffs expriment une urgence étouffante et tranchante. Crain rajoute à chaque piste une brutalité dont lui seul à le secret. Gag Reflex et Church Of The Motherfucker (ce titre !) sonnent plus comme du hardcore croisé avec Faith No More et Fantômas. Avec ses 10 chapitres, Dead Cross arrache la croûte, creuse dans la plaie et attaque l'os à la soude.


Dead Cross se veut être une musique évacuatrice et bien le pari est relevé haut la main ! On bouge la tête comme un névrosé tout au long de l’album. C’est incroyablement groovy et inventif. Alors certains s’enrageront de voir la musique édulcoré par l’alchimiste Patton mais étant donné l’intensité quasi inégalée qu’il distille durant tout l’album, on lui pardonnera les quelques lignes de chants clairs. Dead Cross démontre à nouveau que la rage prend encore plus d’ampleur lorsqu’elle explose après le calme.


Quant aux paroles, Patton a mis le paquet. Il suffit de s’intéresser au terme Shillelagh. C’est un bâton de combat, utilisé en temps de guerre et au village pour castagner son voisin en cas de problème . D’origine Irlandaise, les américains surnommeront un de leur missile « Shillelagh », pour l'hommage. La reprise de Bauhaus n’est pas anodine car ce morceau vieux de 40 ans bientôt, marque le début du style gothique/rock. Et en ce qui me concerne, Dead Cross sublime ce titre en lui donnant ses lettres de noblesses et de sang (l’histoire d’un vampire, nous raconte cette chanson). Divine Faith (ce chant !) et Church of the Motherfucker ne cache pas leurs intentions… Si la croix est morte, sa musique d’enterrement est impériale.


Dead Cross ne semble pas réinventer le style ou un des aspects du rock mais parvient à le hisser, à l’amener là où on ne s’y attend pas. Et surtout, leur son sonne comme… Dead Cross. Les définir comme un groupe de Punk ou de Hardcore ne serait pas adapté. Même si leurs compositions ne réinventent pas la poudre, il faut bien avouer que l’on a eu rarement l’occasion de la voir aussi bien exploser. La recette est très efficace, endiablée et calibrée pour tout écraser en live. Finalement Dead Cross sonne comme un mélange de Slayer, Retox, le trio gagnant Patton (Tomahawk, Faith No More et au choix : Bungle/Fantômas/Irony is a dead scene) avec comme toile de fond le Hardcore et tout un paquet de références : Bad Brains, Deep Wound, The Dillinger Escape Plan, Botch,... Vous allez pouvoir caser un cd de Patton entre At The drive In et Cro-Mags. Pour sûr, y’aura des arcades pétées dans la fosse. Surtout si les morceaux composés en plus pour l’occasion seront du même niveau que l’album (Et oui, faudra tenir 45 minutes, au bas mot, selon le contrat de leur tournée) .


Et l’idéologie dans tout ça ? Car le groupe est quand même motivé par des ambitions nées des attentats au Bataclan (entre autre, mais ce triste évènement est le déclencheur de la thématique de l’album) et vise à hurler sa rage à la face des prédateurs usant des moyens les plus lâches pour parvenir à leurs fins. Toujours est-il que Patton ne semble pas y aller avec le dos de la cuillère. Le sachant totalement non-croyant, et combattant de tous les dogmes de pensée à but communiste (voir sa carrière), sans rentrer dans le vif du sujet (je n'ai pas encore déchiffré les lyrics), je pense que l'humour doit y être terriblement corrosif...


Conclusion:
L’intensité, la durée de l’album, la diversité et l’énergie. Tout a été longuement pensé et ça s’entend. Ne serait-ce qu'en analysant le tracklisting parfaitement équilibré (4 titres proches du punk puis une interlude suivie de trois titres très violents pour finir sur du prog/punk hardcore) . Sans pour autant être un projet sonnant comme trop intellectuel, il en n'est pas moins diaboliquement varié et intrusif (comprendre : les rythmes vous martèlent la tête, même pendant le silence qui suit le skeud). Leur son est direct, sans fioriture : ça nous retourne le cerveau sans concession et sans détour. Chaque artiste sur cet opus a donné le meilleur de lui-même et on le ressent chaque seconde. Attention, les artistes se la donne à fond au service de leur art, pas de branlette intellectuelle. Personne ne joue en laissant présager qu'il veut prouver être le meilleur, tout le monde est là pour exprimer sa rage avec le plus d'efficacité possible. Comme quoi, les chefs de guerre ont peut-être raison « C’est grâce à la guerre que l’être humain se surpasse et vit à fond ». Ce serait alors le prix à payer ? Irony is a dead scene ? Pas si sûr…


PS : et si ce Dead Cross pouvait donner naissance à éventuel Fantômas... Je paie ma tournée.

Ratherbealive
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le 5 août 2017

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