En 1977, tandis que notre bel hexagone se trémoussait le fion sur le "Big Bisou" du gros Carlos, que les mômes applaudissaient ce brave lapin tirant sur des chasseurs probablement alcoolisés au lieu de tirer directement sur Chantal Goya et que Patrick Juvet se demandait déjà "Où sont les femmes?" en matant d'un oeil torve les petits culs de leurs mecs moulés dans des pantalons pattes d'èph blanc-cassé du plus bel effet.
En 1977, donc, de l'autre côté du Channel, l'époque n'était pas aux roucoulades sirupeuses d'un Frédéric François au noeud pap' trop grand pour ses frêles épaules, oh non.
C'est la vague Punk qui déferle avec fracas sur l'île Bretonne avec des épingles à nourrice plein la tronche, des accoutrements extravagants et des "Fuck" plein la bouche.
Ces épouvantails à bourgeois lâchés en plein coeur de Londres viennent souffler la terreur sous les jupons de Sa Majesté. Les grandes gueules du mouvement sont déjà là. Les Sex Pistols viennent de sortir leur premier album et crachent l'obscénité et la fureur sur les trottoirs de Soho. Les Clash sortent également leur premier 33 tours éponyme, politisent un Punk encore insouciant et lancent le mouvement sur les bons rails.
Les deux fers de lance du mouvement prennent la tête du Punk made in Britain et réveillent une jeunesse qui n'attendait que le coup de sifflet pour descendre dans les garages et brancher les instruments.


Pistols, Clash. Premier arrivé, premier servi. Mais c'est aller un peu vite en besogne que de penser que les deux mastodontes du Punk Anglais trustent les records et les "première fois".
En effet, perdue dans la grande banlieue Londonienne, la ville de Croydon possèdent en son sein quatre gamins qui prennent de plein fouet le vent de fraîcheur Punk parfumé à la binouze bon marché et aux relents de colle à rustines.
C'est Brian James (Guitare) qui après quelques essais infructueux avec différents petits groupes de banlieue - la formation Punk éphémère London SS notamment, avec Mick Jones futur Clash ou The Masters of The Backside avec Chrissie Hynde - et en compagnie de Chris Millar, alias Rat Scabies, trouve avec Ray Burns alias Captain Sensible (Basse) et ce grand corbeau poudré de blanc, ce gothique avant l'heure de Dave Vanian (chant) ce qui deviendra la formation initiale des Damned.
Après les tâtonnements bien légitimes inhérents à la formation d'une line-up solide et efficace , les Damned sont prêts à se jeter dans le grand bain de ce mouvement où tout - ou presque - reste à faire.
Mais ces Punks là ne sont pas fait du même bois que les leaders du genre.
Foin de provocations à outrance, de "Fuck" crachés à la téloche avec un accent Cockney à couper au couteau, de crachats savamment orchestrés sur Queen Liz et son peuple de moutons. Foin de fureur Pistolienne, non !
Pas non plus de politisation du discours Punk, de "stalinisation" des esprits rebelles, pas - trop - de critiques d'une société capitaliste violente broyeuse d'emplois, d'hommes et d'âmes. Point d'engagement révolutionnaire Clashien, non plus.


Les Damned suivent, eux, une troisième voie.
Une voie moins tapageuse, plus artisanale que leurs grands frères. C'est sans le créateur de Hype, ce filou de MacLaren et ses Sex Pistols; sans le génial Bernie Rhodes et son flair de limier avec les Clash, que les Damned vont tracer leur petit chemin dans une fin de seventies électrique. Malgré l'écrasante présence des deux géants du Punk Made in London, nos quatre amis vont tenir le choc et même truster quelques "première fois" non négligeable.
Les Damned seront en effet les premiers, de cette mouvance Punk Anglaise originelle à sortir un album (six mois avant le "Never Mind the Bollocks" des Pistols); ils seront aussi les premiers à sortir un single: Le tonitruant New Rose. Ce sera également le premier groupe Punk a avoir droit à une Peel Session chez le grand John Peel sur la BBC1, et le premier à fouler le sol Américain pour quelques concerts au mythique CBGB de New-York.
Le vilain petit canard du mouvement, la cinquième roue du carrosse Punk s'émancipe en douceur de l'ombre gigantesque des deux patrons du genre et balance un Punk énergique et totalement décomplexé.


Les sessions d'enregistrement débutent en janvier 1977 et se déroulent aux Pathway Studio sous l'oreille avisée de Nick Lowe. Un studio microscopique, glacial, qui verra ce Damned Damned Damned gravé sur le petit huit-pistes poussiéreux en une seule journée et dans les conditions du live. Cette urgence Punk, cet artisanat musical, c'est le pétrole non-raffiné que les Damned foutent dans leur pétrolette à six- cordes.
C'est Neat Neat Neat qui ouvre l'album sur les chapeaux de roues avec sa ligne de basse hargneuse et son intro de gratte pleine de stridences. Un coup de revolver pour donner le départ de 33 minutes de pur Punk estampillé 77.
Une production sommaire, pas ou peu d'overdubs, un mollard Rock craché par quatre gamins, quatre post- adolescents, bien décidés à ne pas se prendre au sérieux. Des morceaux survitaminés jetés tel quels sur le vinyle, sans réfléchir, sans se poser de questions.
I Fall, Born To Kill, le "punkissime" So Messed Up ou le premier single du Punk Rock Britannique le rageur New Rose avec son riff de bûcheron et son énergie dévastatrice; tout l'attirail Punk est en place, l'énergie juvénile et communicative déborde de la galette, les titres s'enchainent, nerveux et secs. La reprise de I Feel Alright des Stooges d'une énergie incroyable vient clore l'album dans un déluge de saturation et de stridences, comme l'hommage naturel de la nouvelle génération au proto-Punk "Iguanesque".
Quelques chansons viennent difficilement calmer cette litanie pleine de fuzz et de testostérone. Fan Club ralentit le rythme et "popise" ( du verbe "Popiser", si si ça existe !) légèrement l'ensemble, tandis que Feel The Pain se veut plus sombre, plus lourde, défrichant la voie que le groupe - et le futur Post-Punk - empruntera avec une espèce de Rock froid et désenchanté.


Les Damned, en cette année 1977, propose une autre voie, un nouveau chemin entre les scandaleux Sex Pistols et les très engagés Clash ( ou même les "Popeux" Buzzcocks).
Une voie débridée, juvénile, moins sérieuse et moins outrancière. Un Rock naturel, un Rock tout chaud, sortant de l'oeuf. Quelque chose de simple, d'évident. Quelque chose de quasiment enfantin.
Un album à l'image de sa pochette où les quatre gamins de Croydon se retrouvent couverts de tarte à la crème: Un Punk festif.
Un Punk de gamin mal élevé; ce Punk d'ado attardé... Qu'il ne doit jamais cesser d'être.

Ze_Big_Nowhere
8
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le 9 mars 2018

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Ze Big Nowhere

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