Cloé du Trèfle sort un grand disque de chanson française. Sauf que la jeune femme est belge, sauf que D’une Nuit à l’Autre dépasse largement ce que l’on met derrière le terme de chanson française.
C’est vrai que Bénabar n’aura pas aidé, avec lui la chanson française aura pris une allure franchouillarde, un côté fête à neu neu, qui fait que derrière l’acception, on imagine tout de suite un type d’orchestration et d’esprit bas du plafond. Et je ne parle même pas de Zaz qui plaiderait pour que l’on interdise à jamais l’usage du kazoo. Pour Cloé du Trèfle, son pseudo pourrait nous induire en erreur.
Pour ma part, cela a été le cas pour son album Microclimat. Je m’attendais à trouver une chanteuse dans la veine d’Amélie-les Crayons (je mettais les deux noms sur le même pied d’égalité) et je découvrais une artiste nettement plus fréquentable, capable de construire une musique complexe et recherchée, intégrant électronique et folk lo-fi. C’est encore le cas, deux albums plus tard, avec ce nouveau disque. Dès l’ouverture du disque, Cloé du Trèfle, également compositrice pour des films ou le théâtre, affiche le ton avec un magnifique instrumental orchestral proche d’une musique entre Georges Delerue et Michel Legrand. Avec Cloé du Trèfle, la musique n’est pas réduit au rôle de faire-valoir pour un texte omnipotent. Mais l’auditeur n’est pas encore au bout de ses surprises.
Avec, D’une Nuit à L’autre, la Belge trouve le sujet apte à faire un album musicalement passionnant. Le disque est ce qu’on appelle un album-concept : Cloé du Trèfle nous emmène dans une longue ballade nocturne dans les rues d’une ville occidentale (Bruxelles ? Paris ?) qui regorge de destins croisés venus d’ailleurs. Il y a là un sans-papier, une prostituée, un épicier turc…Quand je dis, il y a »là » c’est vraiment le cas, la Belge racontant leur vie pour certains et captant même leur voix. Elle effectue aussi un micro-trottoir sur le fait d’avoir des enfants ou pas. D’une Nuit à L’autre questionne l’origine. Naturellement, évoquant l’immigration dans cette quête nocturne, la Belge intègre dans sa musique des éléments de musique orientale (L’épicier), la rapprochant encore plus de Claire Diterzi qu’elle évoquait déjà largement. Comme la Française, la Belge est transversale, traçant une ligne pas vraiment droite entre chanson, rock, électronique, musique orchestrale et désormais touche ethnique. Et Cloé du Trèfle est crédible dans tous les domaines (Chanchan dans un style électronica rock est aussi bon qu’un standard de Morr Music ; Même longitude mais bien plus au nord a la même crudité suave de Mansfield.Tya). Vous avez dit »ambitieux » je réponds surtout »réussi » car D’une Nuit à L’autre est tout sauf un album patchwork. Tout coule de source et d’ailleurs, la transition entre les instruments classiques de l’appel et l’orientation électronique de je pars, se fait dans la douceur. Cloé du Trèfle collectionne les prix (notamment Prix coup de coeur de l’Académie Charles Cros pour Microclimat) et elle a été invitée à faire des concerts dans le monde entier. On attend qu’elle trouve enfin le public qu’elle mérite (en nombre et en qualité).

denizor
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le 10 janv. 2017

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