Becoming
7.1
Becoming

Album de Abigail Williams (2012)

Après le black metalcore surprenant, le black sympho décrié par les trve et le black metal "conventionnel" boudé en grande partie par les fans originels, les Américains d’Abigail Williams changent à nouveau de registre pour leur troisième album. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce troisième effort, intitulé Becoming, écrase pas mal de productions BM sorties durant les années 2000.


Le pourtant très bon In the Absence of Light sorti deux ans plus tôt marquait un nouveau tournant plus rentre-dedans, sans ce chichi que les fans du genre pointaient du doigt à savoir une fausse identité (pas vraiment argumenté) et surtout cet ajout aussi harmonieux que décrié de claviers omniprésents et fortement mis en avant. Le deuxième album du groupe proposait donc un black metal plus sec, "pur" et naturel, aux titres nettement plus longs (certains allant jusqu’à 8 minutes) et aux sonorités en revanche plus classiques.


Pour Becoming, le vent a de nouveau tourné. Le patron Ken Sorceron, plus motivé que jamais, et son comparse restant Ian Jekelis recrutent un nouveau bassiste (absent de ITAOL), le dénommé Griffin Wotawa, ainsi que le retour de l’un de leurs premiers batteurs, Zach Gibson, qui était parti s’amuser chez The Black Dahlia Murder. Il remplace alors Ken Bedene parti s’aventurer chez les Belges d’Aborted (qui rappelons-le contenait Sorceron jusqu’à récemment).


Pour continuer dans les détails de production, le magnifique artwork rouge vif rappelant des vitraux religieux est signé par notre Metastazis national, lui qui avait déjà fait un travail similaire avec le Ritual de The Black Dahlia Murder et qui s’est déjà occupé des pochettes de groupes du genre tels que Morbid Angel, Alcest, Secrets Of The Moon ou encore Peste Noire.
Becoming fut quant à lui enregistré par Sorceron himself dans son propre studio, et, en dépit de ses six pistes, dure pourtant près d’une heure, quasiment l’intégralité des titres durant environ 10 grosses minutes (excepté pour deux morceaux). Ainsi, à défaut d’être pleinement original, le concept l’est en tout cas pour le groupe. Et si la quantité n’est plus de mise, la qualité rattrape la donne, Abigail Williams dévoilant une totale facette alors inexplorée.


Violent, progressif, atmosphérique, mélodieux et épique, le nouveau style du groupe ne peut laisser de marbre. Soigneusement mixé par Michael Keene (The Faceless), l’album nous guide vers un univers crépusculaire enivrant, plus posé que rentre-dedans, apaisant même, tout en ne négligeant pas la qualité du riffing et des nouvelles ambiances bien inspirées. Ainsi, malgré leurs durées évidentes (qui pourraient en rebuter certains de par leurs longueurs), les six pistes de Becoming s’avèrent fabuleuses, cohérentes et structurées à la perfection pour ne pas voir le temps passer et raccourcir dans nos esprits des morceaux de 8 à 17 minutes. Le groupe assemble des ambiances, des atmosphères, des parties homogènes et les soude avec une efficacité certaine pour que chaque titre soit aussi indépendant qu’intimement lié au style de l’album.


Commençant avec le puissant single "Ascension Sickness" pour se terminer avec l’incroyable "Beyond the Veil", la galette surprend, nous fait ouvrir une oreille pour nous aspirer dans son univers et ne plus nous lâcher. Nous faisons donc face à une facette plus personnelle du groupe, ce dernier délaissant les facilités du clavier pour s’adonner à des ambiances moins surfaites ou simplement plus naturelles, l’instrument à touches étant ici remplacé par des mélodieuses pincées de guitare qui ajoutent une certaine connexion aux riffs enchanteurs à la fois bourrins et mélodiques. Les ambiances sont par conséquent touchantes, quasi-célestes, nous empreignant de leur touche glauque et éplorée (comme sur "Ascension Sickness", l’excellent "Infinite Fields of Mind" ou encore le court interlude "Three Days of Darkness", d’une durée de 2 minutes, le titre le plus court de l’album).


Il suffit de quelques lâchés, d’une fine mélodie jouée calmement à la guitare acoustique ou d’un petit peu d’effets (violons, claviers, arrangements discrets) pour que chaque morceau soit une pièce maitresse de l’album. Et avec un certain étonnement, le chant n’est ici plus vraiment la principale priorité ni ce que l’on retiendra le plus ; Sorceron a composé un album solide, mélancolique, presque dépressif, il veut nous le présenter sous sa forme la plus évidente. Les parties chants sont donc très rares dans les morceaux (mais demeurent tout de même excellentes, à peine étouffées et plus naturelles), n’intervenant parfois qu’au bout de quelques minutes, laissant les intros nous dévaster de leur puissance. Certains riffs étant plus mémorables que d’autres ("Radiance", "Beyond the Veil"), on pourrait s’adonner à une préférence de titres, certes, mais c’est dans son ensemble que Becoming tire tout son impact.


Quant au titre final, c’est tout bonnement LE morceau de l’album, le point final d’une longue aventure, le meilleur morceau jamais composé par la formation et sans aucun doute un titre ancré dans le genre. Sans exagération aucune, "Beyond the Veil" est un chef-d’œuvre de composition. Harmonieux, enivrant, entêtant, glaçant et merveilleux. Fort en émotions, en puissance structurée à la perfection et en mélodies, le (très) long morceau est absolument incroyable, tant et si bien qu’on se le réécouterait en boucle. Commençant sûrement pour s’accélérer par la suite (le chant n’intervient ici qu’au bout de 4 minutes) avec une palette de riffs BM ultra-rapides en allers-retours bien suivis par un blast infatigable, baissant à nouveau le tempo, rajoutant des parties moins virulentes et des violons larmoyant, le titre change de registre soudainement arrivés à sa moitié lorsqu’il nous sert une toute autre tournure, plus mélo, s’enchainant alors avec une fluidité inouïe vers un apothéose bouleversant. La parfaite représentation de l’album.


Becoming est un monstrueux revers de manche, une claque de gant infligée par Abigail Williams qui prouve aujourd’hui qu’il est un groupe à suivre de très près et ce, malgré ce qu’on a pu leur reprocher auparavant. Car si on peut encore leur reprocher aujourd’hui de ne pas savoir tenir en place au niveau de leur style, force est d’admettre que ce troisième album est la pierre angulaire de leur mini-discographie, Becoming étant tout simplement l’une des meilleures sorties black metal de ces dernières années.

Créée

le 8 nov. 2020

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