Celles dont on ne peut pas prononcer le nom (naissance de l'idolgaze)

Dieu sait que 2017 a été inondé de shoegaze. Pas tellement de jeunes têtes brûlées prêtes à donner un coup de plumeau sur les vieux meubles poussiéreux (ou bien à s'y enfermer), mais plutôt les vétérans revenus d'une glorieuse retraite pour (re)tenter une nouvelle fois leur chance dans la cour de récré - et remplir les caisses au passage aussi, mais chhhht. Se sont succédés bien sagement Jesus & Mary Chain, Slowdive, Ride... MBV eux avaient déjà lâché la purée en 2013. Rien de tout ça ne m'a convaincu ; quelles que soient les qualités intrinsèques du produit final, point de neuf à l'horizon, et ces salauds de Loop (les seuls de cette génération à s'être réinventés) n'ont toujours pas pondu le second EP de la trilogie qu'ils promettent depuis 2015. Même les p'tits gars talentueux de Kairon;IRSE, des finlandais prometteurs, ont retourné leur veste après la fraîcheur hybride de leur Ujubasajuba qui proposait un mariage intéressant de shoegaze et de post-rock, pour s'en aller en 2017 vers des contrées rock prog psyché seventies. Là, on pourrait comprendre que l'amateur curieux en quête de nouvelles sensations, en matière de glandus qui regardent leurs pompes, ne sache plus à quel sain se vouer. Sans prétendre lui apporter une panacée que je ne détiens pas, je peux tout de même lui souffler un conseil d'ami à l'oreille : comme souvent quand on cherche de l'originalité, autant tourner la tête vers le Japon.


Et là on voit tout de suite qu'on est en présence d'excentriques ; leur nom original est imprononçable puisqu'il ne s'agit que d'une suite de 9 points (heureusement on a le droit de les appeler "Dots"), et le nom d'album c'est pas mieux. Musicalement ça va, ils se tiennent plus tranquille. Enfin elles, plutôt. On a affaire ici à la manie de l'archipel à pondre des formations "idol" artificielles (on prend un groupe de filles qui savent chanter et on leur attribue à chacun une image et un personnage) et à leur faire faire des choses... curieuses. On a pu avoir droit à tout et n'importe quoi dans l'hybridation de la J-pop avec le métal, le jazz, la country, le post-hardcore, l'électro du futur, la noise, le punk et j'en passe. Aujourd'hui donc, it's shoegaze time.


Putain l'enculé, vous direz vous et c'est bien normal, il nous a appâté avec du shoegaze pour en fait essayer de nous faire encore bouffer une de ses saloperies J-pop. Oui et non. Certes, Dots fait de la J-pop. Et malgré leurs atours shoegaze, la moitié des morceaux ont des structures très reconnaissables de la pop nippone, comme des morceaux d'idol auxquels on aurait substitué l'instrumentarium original pour celui d'un MBV ou d'un Slowdive (selon le morceau). Mais Dots fait aussi réellement du shoegaze. L'autre moitié des pistes de 「 」 sont de purs tracks shoegaze (les meilleures, à mon sens), qui saisissent avec talent l'essence du genre pour noyer l'auditeur dans un magma de guitares éthéré et le faire planer entre deux dimensions ; celle de la distorsion et celle de la mélodie. On dira ce qu'on voudra des productions japonaises et de leur idiosyncrasie barrée, il est difficile de nier qu'elles sont le plus souvent expertes et maîtrisées. Ici les types derrière les machins savent parfaitement ce qu'ils font, et le travail sur le son est impeccable. Dussé-je me plaindre, moi qui apprécie pleinement le mariage des genres tel qu'il est présenté ici, je reprocherais simplement que les voix des chanteuses soient tant mises en avant dans le mix. Je sais que ça reste au fond de la musique idol et que par là même ils se devaient de mettre leurs protégées en valeur, mais j'aurais apprécié qu'on planque le chant loin derrières les guitares et qu'on me laisse savourer cette exploration propre au shoegaze, à la recherche de la candeur dissimulée dans le chaos. C'est le fan irrécupérable de Loveless qui parle.


Bon, même si après écoute vous trouvez que ça n'est point suffisamment wock'n'woll à votre goût, ne venez pas vous plaindre : sur leur "single" de l'année dernière, pour une durée de plus de 70 minutes, vous aviez 20 minutes de pop shoegaze-y entrecoupées d'interludes planants, et 50 minutes de harshnoise à la mode mur-de-bruit-infranchissable". Là au moins sur ce LP c'est garanti 100% pop !


smiley kawaii taquin




Provenant de Xsilence

TWazoo
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes 2018 en musique après la cuite fortuite où j'ai pris la fuite devant un inuit et sa truite gratuite et Les meilleurs albums de 2018

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le 16 janv. 2018

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T. Wazoo

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