Voilà donc l’album caché, longtemps introuvable, recalé par les studios, refusé par la production de 1984 le film. En même temps, faut être complètement con pour confier une BO de film de SF, à un groupe New-wave tel qu’Eurythmics quand même ! Je dis ça, mais j’ai rien dit.  On ne pouvait s’attendre à quelque chose de propre sur soit, bien sage, sans anicroches, et peu d’effets. Eux, ils sont déjà post. Moderne. Ils savent qu’ils n’ont rien à inventer. Que le livre est culte. Que les vraies stars du film, se sont Richard Burton et John Hurt. Et pire, ils savent que ce ne sera pas le film du siècle. Ils n’ont rien à perdre. Et quand on n’a rien à perdre, on fait n’importe quoi, c’est connu. Des fois ça marche.


  Priorité aux machines. Échantillonnage, sonorités space, et boîte à rythmes, qui tapent sur le sol. Et la voix « gospel » d’Annie Lennox, qui murmure plus qu’elle ne chante. Ça fait disco fait pour l’écoute, avec plein de petits trucs qui ne trompent pas. Et c’est d’une étonnante beauté, comme quoi, il suffit d’aimer ce qu’on fait, et de rester simple. Et le mixage, j’adore. Mixage d’expert. On entend tout un monde, alors qu’il n’y a que peu de choses exposées. Arrangement digne d’une huitre perlière ! Ça commence bien. Soit le reste est génial, soit l’album est complètement nul.


La suite c’est un film. SEX CRIME. En pleine poire. SEX SEX SEX SEX SEX     CRIME. Un begaiement. Une alliteration.  KrKrKrKrKr...   Krime. Crime. J’ai toujours trouvé ce morceau génial. SEX. Et crime. L’alpha et l’oméga. Le début et la fin. Et comme dans chaque bonne phrase répétitive, répétition (c’est à l’infini). Ça remue grave.


Je me suis toujours demandé sur quel album il se trouvait. Et bien c’était sur une BO. Morceau doux, dur, lourd. En multi canal. La basse t’écrase de tout son poids. L’un des meilleurs morceaux du duo. Les synthés se démultiplient. SEX. Ils se sont lâchés, carrément. Sur aucun autre album du groupe, je n’ai senti une telle audace, une telle liberté, d’expression et d’exécution. Et les percussions continuent à me taper dans les reins. Doucement. Et Annie est partout dans le spectre…sonore. SEXX X  SEXX SEX. Hey Yeahhh ! Morceau fait uniquement For The Love Of Big Brother. Une ballade. Tranquille. Au rythme syncopé, avec le tempo parfait, celui sur lequel la voix d’Annie Lennox fait des merveilles. On a envie d'aimer avec un morceau pareil. Avec les chœurs qui font :
Yeah ! Yeah ! Ça balance pas mal pour une BO de film de genre. C’est le bon. Un son nickel. Un son de ouf. La maison de prod avait mis les moyens, merci à eux. Ça s’entend.


Winston Diary. Interlude. 1mn22s. Quel est ce son si futuriste, qui plane dans les airs ? Un bourdon qui vole en compagnie d’une navette intergalactique? Elle ronronne avec le phrasé d’une orgue à taille humaine. Qui parle l’humain. Qui s’efface soudain...qui tourne court.


Greetings From A Dead Man. Si c’est pas un morceau d’Euryhmics ça ! Un rythme tribal. Des percussions mécaniques. Et Annie au-dessus. Echo et re-recording, travail d'usine. Marque déposé. Annie fait des jeux de langue, ou de langage. Pa Pa Pa. Une sorte de skat new-wave ou je ne sais quoi. PPPP P P.


   Julia. Plein chant. Synthétiseur et voix céleste. Voilà le cantique robotique. Séquence évasion. Qu’elle voix quand même ! La (les) voix s’accordent. Le morceau se développe, grossit, grandit, comme une cellule, elle se développe. Aussi facile à écouter qu’il a dût être compliqué à réaliser ce morceau. Séquence évasion. Pur moment d’émotion. Julia. Le clavecin électronique résiste au vent qui balaie le passage. Et ça s’allonge. Guitare acoustique( ?) Le morceau  à n’en plus finir, qui s’étire. Et comme il est beau, on s’en fout qu’il soit long. Interminablement…mais comme c’est bon…Julia.


Et ça repart.


PLUSGOOD. DOUBLEPLUSGOOD.


 PLUSGOOD.


DOUBLEPLUSGOOD.  PLUSGOOD. Power pop. Ça bouge comme en boîte de nuit, hors du temps. Avec une voix qui sort d’un haut-parleur, qui lui-même sort du plafond. Elle dit : 


« Votre attention s’il vous plaît. Attention. Attention.»


Annonce ( ?) Menace ( ?) Un haut parleur omniprésent, comme l’œil de Caïn, le signe du pouvoir concentrationnaire, où les murs qui ont des oreilles. Le signe du pouvoir partout, omniprésent dans le film. Et Lennox se contente des chœurs. Elle fait : [PLUSGOOD   DOUBLEPLUSGOOD     PLUSGOOD  DOUBLEPLUSGOOD] multiplié par x. PLUSGOOD. DOUBLEPLUSGOOD. Entraînant comme pour se fondre dans la danse. Wow ! Et elle se fait dévorer par un robot qui la déglutit :


     dddd double plus good    DDD  


 Et le haut parleur qui s’énerve : «YOUR ATTENTION PLEASE! » Comme à un feu rouge. YOUR ATTENTION.  Please. LOL. 1984, est un film « concentrationnaire », sa BO version Eurythmics est jouissive en diable.


Ministry Of Love, c’est un frisson dans mon dos. Chant ethnique, pygmée (?) oriental (?) Un mantra sorti du fond des âges ? Il émerge d’un magma sonore, et se fait de la place entre les boîtes à rythme natives, et le morceau ressemble comme une chien à du Kate Bush version Hounds Of Love, (sorti en 1985). Osé et droit dans ses bottes le morceau. Entraînant comme dans une marche en avant vers une direction, le groove puissant.


Room 101. Et on croyait que le morceau final serait un cliché. Truc auquel nous a habitué le groupe. Le cliché Eurythmics. Voix contre beat. Il est cliché, c’est vrai. Redite. Mais qui finit sur un…


  On leur a demandé une BO, rien de plus. En bons artisans post « modernes », ils ont fait une BO qui ressemble comme un chien à un album d’Eurythmics et pour cause, c’est un album d’Eurythmics ! Ils ont du mal comprendre ? Non. Eurythmics, sachant que dépasser Orwell c’était impossible. Sachant qu’on les avait embauchés pour faire de la musique d’ambiance. Sachant que c’était perdu d’avance, ont décidés de se lâcher. Malgré les contraintes, le cahier de charges, et tout ça, ils livrent leur meilleur album (Sweet Dreams étant à part). Comme quoi, les contraintes, ça peut avoir du bon. Et le fait que les producteurs fassent la gueulent n’y changera rien. L’album est devenu culte. Le film lui, on l’a oublié.


Nous sommes en 1984. Et en 1984, une BO de film d’anticipation ne peut-être que post, pop, et new-wave. Partant du film, citant le livre, ils les ont transformés en boucle synthétique. Un album dans la mouvance, fait home-studio, à deux mains. Ils ont « tout » fait à deux ? Mince. Bravo !

Angie_Eklespri
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le 26 févr. 2018

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