Si il y a une certaine qualité que je ne retrouve quasiment que dans les groupes de pop, c'est bien l'attachement particulier qui se fait entre le groupe et son auditeur. Alors bien sur, on peut évoquer le fait qu'il est possible de s'attacher à n'importe quel artiste jouant n'importe quel type de musique. Mais pour la pop, je trouve que le coté plus introspectif, plus émotionnel de la musique rend l'attachement plus fort.


16 Lovers Lane est l'avant-dernier album des Go-Betweens. Il est sorti en 1988, et sera pendant longtemps leur dernier avant le retour du groupe dans les années 2000, avec The Friends of Rachel Worth. Si les australiens obtinrent généralement un succès du côté des critiques durant son existence, le groupe n'a jamais été un grand pourvoyeur de tubes commerciaux. Étrangement d'ailleurs, car si quelques tubes ont réussi à percer sur certaines radios, on s'étonne en écoutant leurs albums du manque de reconnaissance de bien des compositions.
Le groupe s'illustre par le fait que deux des membres composent, et leur style diffère beaucoup. L'un, Robert Forster, fait un rock souvent tendu, anguleux, avec une voix proche de Robert Smith. L'autre, Grant McLennan, est beaucoup plus doux, plus introspectif. C'est le penchant pop du groupe. Les précédents albums du groupe oscillaient souvent entre ces deux styles, mais au fur et à mesure, McLennan prendra le dessus, y compris dans le chant.
16 Lovers Lane est donc bien un album de pop pur et dur. Dur ? Non pas vraiment en fait. La musique y est généralement douce et mélodieuse. Généralement, car le caractère dual du groupe est toujours présent. Dès l'introduction de l'album, l'excellente Love Goes On!, on comprend que les guitares (et le violon) sont biens les instruments clés du groupe. Celui-ci évite donc les synthétiseurs parfois ringards présents chez certains groupes de la décennie.


Comme nous l'indique le titre, les chansons parlent toujours de sentiments. Nous sommes dans la pop après tout. Mais, au lieu de verser dans la niaiserie idéaliste ou la simple contemplation amoureuse, les Go-Betweens possèdent une qualité qui les font ressortir du lot : leur étonnante maturité qui se conjugue avec une attachante sincérité. Leurs paroles sont douces-amères, tout comme les mélodies qui les accompagnent. Loin de se laisser aller à une oisiveté musicale qui les ferait tisser des morceaux construits sur le même moule, le groupe joue en fonction des humeurs et des sentiments que leur inspire leur violoniste Amanda Brown, alors en couple avec le chanteur McLennan.
Loin de se laisser aller à un idéalisme primaire, McLennan compose des morceaux reflétant tout autant son appréciation de la vie que des tourments que celle-ci peut contenir. Devil's Eye en est l'exemple parfait : morceau semi-acoustique d'une grande tendresse, les paroles n'oublient pas d'énoncer que malgré les nombreux troubles qui peuvent être traversés durant une vie, la présence même d'une personne peut nous aider à les surmonter. Niais, les Go-Betweens ? Oh ce serait se fier uniquement à l'enrobage des paroles. Prenez un tube comme Streets of Your Town. Riff magique, chœurs féminins, percussions entraînantes. Tout pour faire un tube d'été. Mais si vous faites attention aux paroles, vous entendrez ces vers dissonants : "Watch the butcher shine his knives/And this town is full of battered wives."
Rien n'est vraiment tout blanc chez les Go-Betweens, la noirceur se cache au coin d'une guitare jangle. Ainsi, Was There Anything I Could Do ? s'impose comme un drame urgent réveillant l'auditeur après le bucolique Clouds.


Sans révolutionner la pop, les Go-Betweens nous offrent un disque modèle pour le genre, qui arrive à éviter les écueils typiques (niaiserie, facilité, ringardise) tout en imposant sa personnalité. 16 Lovers Lane est le meilleur album du groupe et aussi le plus commercial. Néanmoins, le groupe australien possède bien d'autres perles dans sa collection, qui devraient absolument être ressorties de leur écrin.

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le 29 juil. 2015

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