13
7.4
13

Album de Blur (1999)

L’album qui vous fera réévaluer Blur en tant que groupe. Il est bien connu que Blur n’a jamais hésité à changer son univers musical en étirant ses frontières et il nous semble acquis que les grands rivaux d’Oasis étaient bien plus qu’un simple groupe de Britpop, mais c’est probablement avec 13 que ce sentiment est devenu une réalité. La vaste majorité de l’album n’a que peu de ressemblances avec le style d’écriture propre au groupe jusqu’alors et les trois moments typiquement Blur-esque contiennent tout de même des surprises : l’hymne à chanter en cœur Tender est étiré sur presque 8 minutes, le très britpop Coffee & TV voit Graham Coxon prendre les rênes au chant. Seul le titre B.L.U.R.E.M.I. ressemble à ce que produit habituellement le groupe.


A la place de ce qu’on attendait, le groupe se débarrasse pour 13 de son approche faite de structures classiques et se laisse porter par son humeur. Ce n’est pas un album dépourvu de toute mélodies ou boucles à la Blur, mais elles ne sont plus le socle des compositions comme elles le furent par le passé. Le matériau de 13 est nous rappelle davantage une jam session avec ses constructions lentes, sa croissance subtile, sa quantité astronomique de répétitions : le savoir-faire musical de Coxon et de Damon Albarn se concentre sur une idée précise pour ensuite l’emmener d’un point A à un point B plutôt que faire une chanson divisée en plusieurs sections.


Le premier adjectif qui me vient à l’esprit pour évoquer l’ambiance globale de l’album serait maussade. Comme on le rappelle souvent, l’inspiration principale derrière la majeure partie de 13 est la rupture d’Albarn et de Justine Frischmann, chanteuse du groupe Elastica, après plusieurs années communes, rupture largement commentée dans la presse à l’époque. Cette rupture combinée à d’autres problèmes, de drogue notamment, pousse la musique du groupe vers un ton las et défaitiste qui imprègnera l’album. Il serait faux de dire de 13 qu’il est un album déprimant ou dépressif, mais il faut admettre qu’il est complètement enfermé dans son monde. Il est empli de mélancolie et de désordre, à certains moments assis silencieusement dans un coin de la pièce, d’autres fois se déchainant contre tout ce qui passe. Le plus important dans 13 reste l’atmosphère globale qui nous emporte à chaque morceau comme le fait normalement un refrain entrainant. Au final c’est un peu l’album anti-Blur, détaché de tous ces moments pop que nous avait offert le groupe.


A bien y regarder, il est un peu surprenant que 13 soit l’un des meilleurs, voire peut-être le meilleur, effort produit par Blur. En effet, Blur est un groupe qui s’illustre par son irrégularité dans la qualité de ses albums, au point d’en devenir frustrant. Il s’avère que se concentrer sur l’ambiance plutôt que d’essayer de mettre en place un titre plus structuré façon pop est exactement ce dont le groupe avait besoin. Difficile de ne pas se laisser porter par des titres comme 1992 ou Battle, par la boucle aérienne de Caramel, la folie pure de Bugman, ou le rock off-beat de Trailerpark. De son côté, No Distance Left to Run est la plus déchirante des chansons du répertoire entier du groupe. Enfin, rendons à César ce qui lui appartient, Coffee & TV, bien que décalé par rapport aux titres qui l’entourent, est un tube incontestable.


Ce n’est pas un album que je recommanderais à quelqu’un qui souhaite découvrir le groupe à cause de son style particulier, mais c’est indéniablement un indispensable de leur discographie. Il ne sonne pas comme Blur, mais 13 est une étape importante dans la vie du groupe : Coxon n’en était pas encore à ses caprices de Think Tank, Albarn ne s’éparpillait pas encore sur ses divers projets parallèles qui, qu’on le veuille ou non, ont précipité la fin de Blur. 13 aurait pu être l’acte fondateur d’un Blur 2.0 avec un Think Tank qui s’inscrivait dans sa lignée mais il n’en fut malheureusement rien. L’album restera une étrangeté dans la discographie du groupe, mais une excellente étrangeté.


{S'il ne fallait garder qu'un titre}: Tender, parce que croyez-moi sur parole, c'est une des meilleures chansons que vous pourrez entendre en live.

Red_in_the_Grey
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le 16 sept. 2016

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Red in the Grey

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