Au sein et en dehors d'un tribunal de Californie, ce documentaire va suivre le déroulement d'un procès intenté au civil pour la première fois à travers les yeux de son jury de citoyens désignés au hasard. Et plus particulièrement par le regard de l'un d'entre eux, Ronald, un sympathique installateur de panneaux solaires de 29 ans.

Sauf que TOUT EST FAUX ! L'affaire traitée, les autres membres du jury, le juge... Tous les intervenants de "Jury Duty" sont des acteurs d'un procès fictif diablement bien scénarisé en amont, où Ronald, victime inconsciente, est réellement persuadé d'accomplir son devoir de juré dans un cadre de plus en plus farfelu.

Sur ce concept redoutable imaginé par Lee Eisenberg et Gene Stupnitsky (des producteurs/scénaristes de "The Office" US), "Jury Duty" est un objet télévisuel assez unique, situé quelque part entre les frontières de la sitcom, la caméra cachée, la télé-réalité ou voire même un véritable "Truman Show" en enfermant une personne ordinaire dans une réalité alternative (pendant une bonne semaine !) à la ressemblance clairement assumée avec un épisode grandeur nature d'un "The Office" en mode judiciaire.

Car oui, si vous adorez la version US culte de ce modèle de mockumentary ayant établi la comédie de bureau comme un sous-genre à part entière de la sitcom américaine (nous, on est des fans de la première heure), vous allez forcément adorer "Jury Duty" qui en reprend complètement l'esprit, ses personnages décalés et ses situations à l'humour absurde dans un contexte de réalité du quotidien ne s'y prêtant a priori pas.

Et, en y confrontant une personne aussi ordinaire, authentique et compréhensive que Ronald (un modèle de brave type, on imagine que le profil du "candidat" a dû être longuement étudié), "Jury Duty" transcende même son modèle pour en créer un nouveau par son intégration du réel à la fiction et une confusion entre ces deux mondes qui, en plus d'une écriture scénaristique trouvant toujours le moyen de mettre en avant l'humanité de ses personnages au-delà des rires, va réussir le tour de force de faire également grandir Ronald dans ses interactions ou face à des rebondissements s'amusant à jouer toujours plus loin avec les frontières du loufoque.

Grâce notamment à l'acteur James Marsden ("X-Men", "Sonic") dans une version tout aussi hilarante qu'odieuse de lui-même, un introverti adepte du transhumanisme, une vieille dame à l'attention plus que fluctuante ou encore un immigré sud-coréen accro aux jeux aux règles incompréhensibles, les composantes de ce jury hétéroclite (sans parler des autres membres du tribunal) vont constamment parvenir à entremêler nos rires, un sincère attachement à eux et notre attention à essayer de scruter les réactions de Ronald devant leurs divagations personnelles au sein de cette mécanique de procès qui réussit, elle aussi, à jouer tout autant sur la rationalité de la procédure que sur les espaces de liberté humoristiques laissés à ses intervenants.

Bien sûr, on pourra parfois se demander si tout cela n'est pas trop beau pour être vrai mais, au vu du (génial) dernier épisode dévoilant enfin l'intégralité du subterfuge à Ronald, on ne demandera qu'à y croire tant l'ampleur des coulisses de la manœuvre qui nous y est révélée et la sincérité chaleureuse qui s'y est construite entre tous les protagonistes (et, bien entendu, à l'égard du "piégé") sur la durée ne paraissent aucunement feintes.

Quant aux questions morales qu'un tel procédé peut entraîner dans son sillage (un homme rendu captif d'une fiction à son insu sur une telle période), on préférera ici les mettre de côté devant la qualité du résultat. Et puis, après tout, Ronald a eu la chance de vivre une expérience qui s'apparente à un séjour à l'intérieur d'un énorme épisode de "The Office" US, dans un rôle similaire à celui du personnage de John Krasinski de surcroît... Qui ne voudrait pas intégrer avec un tel visage cette version bien plus amusante et humaine de notre triste réalité ? Nous, on paierait pour ça.

Bref, "Jury Duty" est une réussite totale, un objet sériel comique tout bonnement unique en son genre et très justement récompensé par trois nominations à la prochaine cérémonie des Emmy Awards (dont une dans la catégorie "Meilleure Comédie" et une autre pour James Marsden en tant que second rôle, ce bougre la mérite amplement !).

Courez assister à ce procès qui ne ressemble à aucun autre !

RedArrow
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le 28 août 2023

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