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London Calling (Remastered) par bisca

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Clash en madeleine de Proust : ou comment London calling apprit la révolution à une classe de seconde et la guitare à un écolier de Mulhouse.
Je me souviens un peu de ma seconde, mais je n'ai pas oublié qu'Alain avait apporté une seule cassette en classe verte et que c'était London calling. On a tous écouté London calling du matin au soir pendant cinq jours et, à la fin de la semaine, il y avait une vraie solidarité dans la classe. Tout le monde a joué le jeu lorsque les meneurs ont décidé de semer la prof principale dans la forêt pleine de neige de l'autre côté du Grand Ballon. Le lundi, elle nous attendait avec une interro surprise, histoire de nous faire regretter notre geste. Je me souviens que lorsqu'elle a voulu faire aligner les tables, Patrick s'est levé dans un silence de mort pour dire "On n'est pas des moutons." C'était sa révolution rock. Deux semaines après, j'ai acheté ma première guitare électrique, une imitation Stratocaster. Une Oakland fabriquée au Japon en fait. Tout est allé très vite, puisque je suis monté sur la scène du Bel Air même pas deux mois plus tard avec MST pendant le Festival Suicide. J'avais des Creepers noires, un imper piqué à mon père et, entre les morceaux, je mordais dans un sandwich, histoire d'afficher mon détachement. MST n'a pas survécu à ce premier concert et l'aventure a continué avec R'SATZ. Police and thieves était le seul morceau de Clash que nous pouvions à peu près jouer au début. Notre premier chanteur a remplacé les paroles par "Marx Krouchtchev Staline Krouchtchev Marx" qu'il hurlait en boucle, tandis que je m'appliquais à aligner les accords de sol et de la mineur en restant le plus longtemps possible à contretemps, malgré les défaillances de JFK à la batterie. Même si Sandinista et Combat rock nous ont un peu déstabilisés, Clash est toujours resté notre référence. Ce n'était pas facile d'être à la hauteur et je me souviens qu'après un concert à la MJC de Staffelfelden un grand punk est venu me demander si notre chanteur avait une carotte dans le cul. Personne n'aurait parlé comme ça de Joe Strummer. Ensuite, il y a eu ce concert pour l'ouverture d'un bar à deux pas de la prison. Le patron, nouveau dans le métier, ne savait comment faire pour que les verres de bière s'arrêtent de voler dans tous les sens. Lorsque la police est arrivée pour stopper tout, Philos les a accueillis avec un I faught the law et un Police on my back cahotiques dont on parle encore à Mulhouse. Il y a aussi eu ce voyage en bus jusqu'à Bobigny pour jouer à la fête des Jeunesses communistes. Il pleuvait et, sur la scène, dès que je touchais une corde, je me prenais une décharge électrique. Au retour, on a été plusieurs à être malades parce qu'on s'était gavés de choucroute pas fraîche sur le stand des Jeunesses communistes alsaciennes pendant tout le week-end. Je me souviens de ce concert au palais des Sports où Tchouli, tel Hulk se libérant de son costume trop étroit, est sorti d'une boîte en polystyrène posée sur la scène pour chanter "le futur est femme" en italien, alors que ma guitare se cassait la gueule. Il y en a eu des concerts avant ce jour de 1989 où nous avons enfin traversé les Vosges pour aller voir de nos yeux Joe Strummer, sans Clash mais en vrai, aux Nancy Jazz Pulsations. Je me souviens que le concert de La Mano Negra, en première partie, était vraiment extraordinaire et qu'ensuite Joe est arrivé sur la scène flanqué d'un guitariste aussi sexy qu'un footballeur allemand. Ce minable a réussi à me faire tourner de l'œil en couvrant avec des tonnes de solos immondes ce qui restait des rythmiques clashiennes du pauvre Joe. La traversée des Vosges a été bien triste au retour. Quelques semaines plus tard, après un concert foiré, LarsenX, mon dernier groupe, a définitivement splité.(Inrocks)
On ne va pas tourner autour du pot : voilà l'un des dix ou vingt meilleurs disques de l'histoire du rock. Mais London Calling vaut encore mieux qu'un chef-d'œuvre de panthéon : c'est un disque vivant, qui palpite encore de toutes ses tripes en l'an 2003. Après l'erreur de casting sur Give em Enough Rope (grösse pröduktion de Sandy "Blue Öyster Cult" Pearlman), le Clash est allé déterrer de sa tannière Guy Stevens, figure-culte des studios britons. Stevens, c'était le type qui avait façonné le fabuleux son des grands moments de Mott The Hoople, un des plus brillants disciples de Phil Spector. Bon, en 1980, il était légèrement carbonisé, le Stevens, participant aux sessions de London Calling en dilettante. N'empêche que le son de London Calling est une merveille d'équilibre, mélange parfait de compacité et d'espace, de puissance et de rondeur chaloupée, de percussion et de séduction. C'est ce son à la fois giflant et caressant qui cimente l'affaire, lui donne cette unité et cette cohésion fabuleuses.
L'album s'ouvre sur London Calling, la chanson, hymne racé qui sonne l'alarme : "L'âge de glace arrive Londres s'enfonce et j habite près du fleuve " Un genre de manifeste poético-prophétique dont l'inquiétude apocalyptique est toujours aussi pertinente aujourd'hui. A l'encontre de l'esprit table rase des punks, le Clash rend hommage à certains de ses pères : Vince Taylor (Brand New Cadillac), Montgomery Clift (The Right Profile), Stagger Lee (Wrong em Boyos). La conscience sociale et politique des gars se déploie, ils invoquent les mannes de la guerre d'Espagne et le fantôme de García Lorca (Spanish Bombs), alimentent l'envie de révolte contre l'état des choses imposé par l'ordre thatchérien (Clampdown), filent l'allégorie sur la société consumériste (Lost in the Supermarket) ou chroniquent les faits divers policiers (Guns of Brixton). Question texte et mélodies, c'est quasiment l'état de grâce : pas un déchet, pas la moindre chanson faiblarde à l'horizon. Le Clash met la gomme, bande à l'unisson et sans mollir, quelle que soit la configuration : rockab transfiguré (Brand New Cadillac), appel à l'émeute (Clampdown, l'un des pics orgasmiques des concerts de l'époque), reggae inspiré (Rudie Can't Fail, Revolution Rock), pop aérée au timbre mentholé de Mick Jones (Lost in the Supermarket, Train in Vain, The Card Cheat)? Londres appelle ? Vingt-trois ans plus tard, on est toujours scotché au bout du fil. (Inrocks)

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