Avec la Révolte, troisième opus de la saga Hunger Games, Panem prend un tournant décisif pour ce qui est de la révolution contre le Capitole. Mais comme par mitose, le livre s’est divisé en deux parties, permettant à la première d’être très souvent creuse et donc meublée d’incohérences. Néanmoins, il y a un point sur lequel cet opus n’est pas pire que le premier : la musique. James Newton Howard reprend du service, avec cette fois un travail beaucoup plus riche et abouti.


On retrouve la qualité d’orchestration du premier volet, avec toujours ces variations très fréquentes et cette prédominance des cordes (violons, violoncelle mais aussi guitare sèche et viole de gambe caractéristiques). Elles deviennent de véritables caméléons tant leurs rôles se diversifient plus encore, se révélant beaucoup plus intenses dans leur ensemble (déchirant dans « White Rose », dramatique, fataliste, mécanique dans les séquences d’action, ...).


On remarquera l’apport renforcé des bois (cor anglais dans « Snow’s Speech », haut-bois et flûte traversière dans « District Ruins », apportant une douceur parfois trompeuse) et des cuivres (cor mélancolique, trombones et trompettes, ...), qui restent toujours en retrait par rapport aux violons, à l’image d’ « Air Raid Drill ».


Les voix sont aussi joliment exploitées, que ce soit avec une soprano assez mélancolique et lointaine à la « Lily’s Theme », lors de l’apparition du titre exprimant la solitude ressentie par Katniss, ou avec les chœurs, représentant l’union des rebelles, en particulier lors de la reprise du thème de la Révolte dans « Hanging Tree ».


Bon, malheureusement, quelques symptômes de la pianite aigüe se font ressentir dans « They’re Back », mais bon, à Hollywood, ça relève du miracle de ne pas en trouver ...


Mais la véritable différence de qualité se remarque sur un simple point : le développement mélodique. Sur ce plan, la Bo du 1er opus et celle-ci sont des quasi-antithèses. Enfin de belles phrases sont développées, enchaînées avec fluidité, que ce soit dans un tempo plutôt lent ou dans l’action, mais cette fois sans tomber dans la longueur. Les arguments se développent, enrichis par des procédés remarquables jusqu’alors peu présent en raison des mélodies rares, mais sont à présent beaucoup plus évidents et abondants (emprunts, chromatismes, nombreux demi-tons pour une plus grande sensibilité, arpèges, ...), et attirent davantage l’attention. Les sonorités graves jouent également un rôle beaucoup plus important, puisqu'elles donnent très souvent cet effet fataliste et dramatique commun à beaucoup de morceaux de JNH (contrebasse évoluant lentement et régulièrement rappelant « Eye for An Eye » du Dark Knight).


Les conséquences sont donc multiples : les instruments ont cette fois vraiment une histoire à raconter (le développement orchestral de « The Hanging Tree » est magnifique, « Air Red Drill » plus encore), et donne beaucoup plus d’ampleur à l’ensemble, ce qui est bienvenu puisque l’intensité doit croitre elle aussi pour marquer le changement de ton.


Au niveau thématique, on assiste cette fois à une véritable exploitation des motifs. Celui du district 12 avec sa viole de gambe provenait du 1, mais seul l’instrument constituait le thème. Ici, il est enrichi d’une mélodie assez élégiaque, ayant pour but de dramatiser la tragédie du bombardement que le district a subi grâce au timbre très fragile et sensible de l’instrument. Le thème de Katniss est restitué ponctuellement, tout comme celui des Jeux, lors de la première apparition de César et Peeta à Capitol TV.


Le thème de l’Unité est le principal de cette Bo, faisant preuve d’un développement complet, qui plus est au sein même du film, étant un chant d’union entre les différents districts menant des actes révolutionnaires, pour le plus souvent suicidaires. D’abord chanté par Katniss (Jennifer Lawrence), puis relayé par chœurs et cuivres, ils contrastent avec les mêmes chœurs et cuivres utilisés différemment pour glorifier le système communiste du Capitole. Ici, l’image renvoyée est celle de pureté et d'héroïsme, par la revendication d’une cause noble : la libertééééé !! (concrètement, c'est ça). Il est très joliment développé tout au long du film, que ce soit à la clarinette, aux violons, ... De nombreux autres thèmes secondaires sont disséminés dans la Bo, en général dans un registre assez mélancolique (thème d'ouverture, ...).


Les musiques d’actions sont beaucoup plus structurées (percussions plus posées, notamment), tendant vers l’Alexandre Desplat pour ce qui est des musiques d’action, avec la valorisation de chaque temps forts et des cordes en ostinato. Même « Jamming the Capitol », pourtant composée dans le même esprit que dans le premier opus (rythmique très dynamique inarrêtable), voit ses sonorités électroniques beaucoup mieux exploitées (grésillements, percussions mécaniques, espèces de signaux pétillants choisis sur le thème de la communication), accompagnées par des violons hachés et de trompettes en sourdines.


Davantage présente dans le film, la musique est donc beaucoup plus influente et intense (intense sans tomber dans l'exagération, hein ^^) : le chant des rebelles est celui qui unifie les districts, la soprano accompagnant la visite de Katniss de son district 12, les ostinatos militaires aux tambours accompagnant l’exécution publique des condamnés ou l’attaque des avions de chasse (illustrant la radicalisation des méthodes de Snow), ... « Victory » intensifie à elle-seule la dernière scène (avec un crescendo typique des cliffhanger de bande annonce ou de fin des premières parties), en reprenant un thème modal assez traditionnel (je crois qu’on l’entend à un moment dans le 1er film) de par les chants et victorieux de par les cuivres.


Par conséquent, la Bo de cet opus est beaucoup plus riche et dynamique au sens mélodique (ce n’est pas une question de rapidité : une musique lente peut évoluer très rapidement, tout dépend de la richesse des arguments qui y sont développés), donnant beaucoup d’ampleur et de consistance, tout en reprenant ce qui caractérisait le matériau d’origine. Beaucoup plus aboutie, elle est un précieux allié du film, car certaines scènes sont carrément en dessous du niveau de la musique, (ce qui peut parfois nuire à l’alchimie au final : quand la scène est bancale, même si la musique est géniale, la scène fera clichée ^^ les ruines du district 12, par exemple). Elle est captivante, les arguments sont nombreux, et elle arrive à se détacher du film pour exister, là où la première lassait par sa longueur. Si JNH continue sur sa lancée, avec ce que promet le dernier épisode, la Bo sera surement encore meilleure =)

Soundtrax
7
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le 10 mai 2015

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