Westworld
7.6
Westworld

Série HBO (2016)

Cette semaine j'ai regardé le début de la série Westworld et c'était pas mal du tout.


Avant d'aller plus loin, cher lecteur, sache que la suite de cet article est pleine de spoilers. En fait, je ne cherche pas vraiment à faire une critique de la série, mais plutôt à discuter des thèmes abordés et surtout des questions que je me pose. Car je formule le secret espoir que cette série va devenir vraiment bien, et que je prendrai grand plaisir à la suivre.


Je te conseille donc de voir au moins le premier épisode de la série,


avant de lire les lignes qui suivent. Voilà, tu es prévenu, ne viens pas pleurer après.


SPOILER, SPOILER blablabla


(...)


Dans les années 70, le jeune Michael Crichton écrit puis réalise Westworld, carton au box office (pour l'époque). Dans un parc d'attraction futuriste, on peut vivre le temps d'un séjour la vie d'un chevalier, d'un patricien de la Rome antique ou d'un cowboy. Pour rendre l'illusion parfaite, des hôtes androïdes sont là pour divertir les visiteurs, sans les blesser bien sûr. Mais par un beau matin quelque chose se détraque et les machines se rebellent, tuant les visiteurs humains. Dans les années 90, Michael Crichton a derrière lui une belle carrière d'auteur. Il signe probablement son succès le plus important en terme d'audience en publiant Jurassic Park, adapté au cinéma par Steven Spielberg. Dans un parc d'attraction futuriste, on peut vivre le temps d'un séjour la vie d'un voyageur qui remonterait à l'époque des dinosaures... Et par un beau matin Bim ça se détraque et Hop les raptors se libèrent, tuant les visiteurs humains. Remercions Michael Crichton pour sa passion des parcs d'attraction où tout à coup un truc se met à déconner et tout se met à partir en sucette, pour notre plus grand plaisir.
Aujourd'hui Michael Crichton repose en paix, mais JJ Abrams, le champion des reboots, est allé déterrer la carcasse encore fumante de Westworld pour la produire sur le petit écran, à grand renfort de millions de dollars.


Pour quoi faire ? Qu'est-ce que le reboot d'un film de robots rebelles des années 70 peut-il avoir comme attrait pour le spectateur blasé de 2016 ?


Depuis 1973 on est quand même passé, pour le meilleur et pour le pire, par Blade Runner, AI, Wall-E, Chappie, Terminator, Galactica, Short Circuit et j'en passe. Les états d'âme des robots, on connait. Qu'est-ce que ce reboot va apporter au genre ?


C'est avec cette question à l'esprit que je me carrais dans mon canapé avec ma fille ("c'est quoi la série que tu veux me montrer ? J'espère pour toi que ça va pas être trop nul").


Le générique est bizarre, je n'accroche pas trop à la première vision, mais peut-être vais-je finir par l'apprécier sur la durée ("c'est une série sur les imprimantes 3D ?")


L'épisode commence. Les premières impressions sont bonnes. On entre doucement dans la série, au rythme lent du train à vapeur qui amène les invités dans la ville du far west où leurs hôtes sont des robots chargés de les distraire ("oh non, pas un western, tu sais pourtant bien que je n'aime pas les westerns").


Je bâillonne ma fille et puis je tombe tranquillou dans le 1er panneau de la série. Le brave Teddy qui arrive gaillardement par le train a tout du gentil visiteur humain venu s'encanailler dans l'ouest américain de ses ancêtres. Il va voir la jolie Dolores qui espérait son retour. Ah bon, il est déjà venu Teddy ? Les robots se souviennent des visiteurs ? Je pensais que leurs souvenirs étaient purgés à la fin de chaque cycle. Dolores et Teddy vont faire un tour à cheval et le soir venu rentrent à la ferme de la fille. Et là c'est le drame. Une bande de desperados a attaqué la ferme de Dolores, violé son bétail et tué ses parents. N'écoutant que son courage, notre brave Teddy vient à bout des fâcheux. Happy end ? Ben non, les parents de Dolores sont morts quand même, mais surtout un nouveau venu fait son entrée après ce premier carnage. Tout de noir vêtu, Ed Harris descend à son tour Teddy qui ne parvient pas à le toucher même à bout portant, et va violer (ou pas ?) Dolores dans la grange. Conclusion, je me suis fait avoir, Teddy n'est pas un humain mais un androïde et dans cette série Ed Harris ne semble pas jouer un type très sympa. En fait, il dit que ça fait trente ans qu'il vient dans le parc et il connaît TOUT... ou presque. C'est l'équivalent du joueur de MMO qui a fait toutes les quêtes cent fois, qui connaît par coeur toutes les répliques des PNJ, toutes les situations. Et maintenant, il cherche le niveau caché, le cow level, le graal des gamers. A ce stade, on se dit que le soleil a tapé un peu trop fort sur le chapeau du vieux Ed et qu'il va être difficile à gérer. Le prototype du touriste déglingo. Mais il se trouve que le bougre dégote un peu plus tard dans le pilote de la série une espèce d'inscription (une carte ?) sous le scalp d'un hôte qu'il a proprement découpé avec un joli couteau (pas un bowie, plutôt une dague, mais je n'arrive pas à déterminer le fabriquant, quelqu'un a une idée ?). On sent qu'on aura plaisir à suivre l'histoire du vieux flingueur, pour peu qu'il arrête de violer/tuer tout ce qui se trouve sur son chemin. Le détail sympa est qu'Ed Harris reprend en grande partie le dress code de Yul Brynner dans les 7 mercenaires et dans le Westworld de 1973. Sauf qu'à l'origine Yul Brynner jouait un androïde qui se rebellait. Et Ed Harris joue un être humain, on est d'accord.


Attends une seconde...est-ce qu'on est vraiment d'accord ? Je me suis fait avoir pour Teddy, je vais pas me faire avoir à chaque fois quand même, si ? Ben si, justement. A partir du moment où l'on postule que la technologie permet de créer des androïdes qui se prennent pour des humains et qu'on ne peut distinguer à l'écran des humains, il est normal qu'on se fasse avoir. Régulièrement. A chaque fois, même. C'est l'un des ressorts les plus efficaces de ce type de série. Blade Runner et plus récemment le reboot de Galactica ont très bien utilisé cette ficelle en leur temps.
Sur cette base, on peut même se demander si tous les personnages de la série ne sont pas en définitive des robots. TOUS. Est-ce qu'on sait vraiment ce qu'il se passe en dehors du parc et de ses coulisses ? Si les robots sont suffisamment sophistiqués pour se faire passer pour des humains, pourquoi ne pourraient-ils pas réparer d'autres robots, voire les améliorer ? On sait qu'il y a eu un problème il y a une trentaine d'années, mais on ignore encore son ampleur. Et si c'était tout simplement la fin de l'humanité ? Faute d'ordre contraire, les robots continuent à remplir leur mission, faire fonctionner le parc. Il y a également une image qui m'intrigue. Lorsqu'une équipe d'intervention descend au niveau 83 voir ce qu'il se passe, elle aboutit dans un vaste endroit plongé dans l'obscurité, avec de grands escalators et une sphère sur laquelle on peut lire Delos, nom de la compagnie qui gérait le Westworld de 1973. Tout pour moi évoque la fin d'un monde ancien et le parc bâtit sur les ruines de ce monde aujourd'hui disparu.
On garde le meilleur pour la fin ? Les mouches. Elles sont partout. Alors bien sûr, c'est un moyen visuel efficace et simple pour montrer que les androïdes sont désactivés, avec des mouches qui gambadent sur leurs yeux ouverts sans les déranger le moins du monde. C'est aussi le moyen parfait pour montrer la contradiction entre le discours de Dolores "je ne ferais pas de mal à une mouche" et ses actes lorsqu'elle claque une mouche en souriant dans la fameuse séquence de son réveil. Mais c'est aussi une mouche qui se pose sur le visage du shériff alors qu'il se met à dérailler, un de ses yeux terrifiés suivant le parcours de l'insecte sur sa joue. Et si les mouches étaient également des robots ? Une autre faction, distincte de celle des hôtes du parc. Pourquoi pas l'expression de la singularité dans la série, ou alors les envoyées du prince des mensonges ?


En définitive, en jouant toujours sur le doute humain/robot, la série nous amène à nous poser la question de l'humanité. Qu'est-ce qu'être humain ? Est-ce que nous pouvons être un modèle d'humanité pour les robots ? Quand on voit le couple de visiteurs qui se fait prendre en photo avec les cadavres des robots bandits qu'ils viennent d'abattre, on peut se poser la question. Leur joie stupide nous renvoie à notre propre image de spectateur en quête de divertissement devant une série télé et ce n'est pas très glorieux, pour eux comme pour nous.


Terminons par ma séquence préférée, celle du réveil de Dolores.


Plan 1, vue du dessus, visage de Dolores. Elle est dans son lit, se réveille, ouvre les yeux.


Plan 2, vue du rez de chaussée, sur le côté. Dolores descend l'escalier depuis l'étage, puis se dirige vers l'extérieur.


Plan 3, vue depuis l'extérieur de la maison, sur le côté. Dolores sort sur la terrasse, échange quelques mots avec son père assis sur le perron puis sort du champ.


Plan 4, vue depuis l'extérieur de la maison, face personnage. Dolores regarde le paysage.


Terriblement simple, terriblement efficace. Pour les androïdes comme Dolores, c'est le même cycle qui recommence, encore et encore. Normalement, seules les interactions avec les visiteurs font évoluer les androïdes sur le réseau des différentes histoires tissées dans le parc, comme des trains qui changeraient de voie selon l'aiguillage choisi. Donc la séquence du réveil devrait être la même à chaque cycle, tant que la programmation ne change pas. Mais depuis la fameuse mise à jour de Ford qui introduit les rêveries (j'adore le terme), les robots accèdent progressivement à leurs souvenirs, et des changements interviennent dans les différents plans de la séquence du réveil de Dolores. Je suis curieux de savoir combien de fois cette séquence a été tournée...

Clear
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste 2016, l'année des séries balèzes !

Créée

le 7 oct. 2016

Critique lue 670 fois

5 j'aime

Clear

Écrit par

Critique lue 670 fois

5

D'autres avis sur Westworld

Westworld
Hagstrom
5

Wastworld, un joli gâchis

Après nous avoir offert une première saison intrigante en proposant un univers complexe et original, la saison 2 de Westworld s'enfonce lamentablement dans le wtf à embranchements multiples. Une...

le 22 juil. 2018

84 j'aime

8

Westworld
Vincent-Ruozzi
8

Theme park world

En 2014, HBO annonçait en grande pompe que Jonathan Nolan allait être en charge de l’adaptation de l’œuvre culte de l’écrivain Isaac Asimov, Fondation. Coécrivant la plupart des films réalisés par...

le 20 déc. 2016

77 j'aime

9

Westworld
Quentin_Pilette
4

L'imposture Westworld

La diffusion de la deuxième saison de Westworld vient de s’achever il y a quelques semaines et je dois avouer que ce visionnage s’est révélé pour moi une expérience éreintante que je vais tenter...

le 14 juil. 2018

57 j'aime

17

Du même critique

Constantine
Clear
10

C'est John Constantine, pauvre con !

La première fois que je l'ai vu, je me suis dit que ça allait être un nanard de plus, aussitôt vu, aussitôt oublié. La seule chose que j'ai oubliée, c'est le nombre de fois où j'ai vu ce film. 10...

le 12 mars 2011

42 j'aime

Suicide Squad
Clear
5

Y a une nouvelle grève des scénaristes à Hollywood ou bien ?

Je me suis posé cette question une bonne partie du film. De toute façon il n'y avait pas grand chose d'autre à faire. J'avais fini mon paquet de pop corn depuis longtemps et des hordes de...

le 2 août 2016

31 j'aime

5

The IT Crowd
Clear
10

A voir d'urgence, devrait être remboursé par la sécu

J'ai rarement autant ri que devant cette série. Un coup de blues, un moment de cafard ? Mattez un épisode d'IT crowd et tout ira mieux. Certifié garantie label satisfait ou remboursé... Certains...

le 12 mars 2011

30 j'aime

2