Ne pas avoir lu le matériel source peut être gage, si ce n'est d'objectivité, au moins d'une facilité pour déterminer les qualités propres d'un produit dérivé ou d'une adaptation. Je n'ai pas lu Umbrella Academy pour le moment, et propose donc mon humble avis, vierge de cette influence.
[Saison 1]
Umbrella Academy narre les retrouvailles de sept sœurs et frères adoptifs lors des funérailles de leur ni cher, ni tendre père. L'Umbrella Academy, ce sont eux, sept enfants nés à la même date, chacun avec des super-pouvoirs tels que communiquer avec les morts, lancer super bien des couteaux (mais, genre, vraiment super bien), se téléporter etc. Enfin, lorsque que je dis "chacun", je parle en réalité de six de nos sept protagonistes, puisque la septième ne montre aucun potentiel super-héroïque et est donc exclue de l'académie. La première saison tourne essentiellement autour de ces retrouvailles, des plaies qui s'ouvrent de nouveaux suite aux abus et à la négligence de leur père adoptif qui n'avait pour seul but d'en faire des êtres capables de sauver le monde, au détriment de leur enfance, leur construction émotionnelle et identitaire.
C'est ce qui fait que plus qu'à un autre produit avec une équipe de super-héros, Umbrella Academy me fait étonnamment penser à une autre production Netflix: Haunting Of Hill House. Si le format n'est pas aussi focalisé sur l'étude de chaque personnage (on n'a pas un épisode par personnage pour comprendre la même trame) il y a un amour du mélodrame, des discussions à cœur fermé qui provoque des malentendus, des mots qui blessent dit sans penser à mal, des incompréhensions...et tout tourne autour de la relation au père. Se plonger dans la série Umbrella Academy, c'est accepter qu'une bonne partie de la première saison soit focalisée sur les disputes, les réconciliations et la recherche de soi, bien plus que sur le scénario de fin du Monde.
Car il y a un fil rouge qui tend tout cela: Five a vu le futur suite à un téléport malencontreux dans le temps et revient avec de mauvaises nouvelles: dans sept jours, c'est jeu de rôle Fallout grandeur nature. Il y a donc double enjeu: trouver la source de l'apocalypse et rabibocher les frangines et frangins avant que tout ne disparaisse.
Aussi convenu que cette seconde face d'Umbrella Academy soit, elle reste portée par des acteurs globalement convaincants et bien dirigés (Five, Vanya, Hazel et Cha-Cha etc...), des personnages intéressants niveau concept et régulièrement très bien réalisé à l'écran, et une production technique de grande qualité pour 80% de cette première saison: des décors et costumes superbes, une photographie propre, des effets spéciaux en retenu mais qui mettent le budget où il faut, comme la modélisation de Pogo pas loin des derniers films Planet Of The Apes.
Et puis dans les derniers 20% de cette première saison, ce côté super-héroïque prend le pas sur le reste, avec des situations qui escaladent en terme de fusillades invraisemblable et de CGI façon cinématique de l'ère PlayStation 3. On est mal. Si le climax de la saison est plutôt mérité scénaristiquement, préparé plutôt méticuleusement, la réalisation de ce dernier est catastrophique; entre les ennemis qui tirent partout sauf sur les héros, diminuant radicalement la tension qu'ils devaient instiguer, Klaus en comic-relief permanent alors qu'un événement traumatique de moitié de saison aurait du lui faire redouter le bruit des armes, et ces putains de modèles 3D en mousse mais sérieux, il y a plus de budget à ce point bordel de merde?!
[Saison 2]
Avec un final pareil, dont l'émotion est sabordé par sa grandiloquence jamais en rapport avec les moyens techniques, je partais légèrement anxieux pour la seconde saison. Et malheureusement, c'est allé de mal en pis.
La prémisse de la seconde saison est forcément redondante: l'Apocalypse a suivi la Umbrella Academy dans sa tentative de fuite temporelle. Five doit de nouveau rassembler ses sœurs et frères pour y mettre fin.
Pour contrebalancer cette redite, la seconde saison, se déroulant dans les années 1960 est une sorte d'épisode à rallonge de "what if?". On y voit nos personnages évoluer dans une Amérique passée, fondamentalement raciste, homophobe (mais genre encore plus que maintenant, si cela est possible), chacun à sa manière tentant de vivre sans les autres membres de la Umbrella Academy. Certains se sont mariés, sont devenus activistes, baby-sitter ou encore gorille dans un club à la mode et se confronte à une époque bien différente de la leur.
Et si cet aspect apporte un caractère "poisson hors de l'eau" aux personnages qui doivent chacun s'accommoder de la situation, la série n'en profite jamais complètement, et confirme largement le tournant "comique" book de la dernière ligne droite de la première saison en utilisant principalement des machinations internes de son univers. qui auraient tout aussi bien pu exister dans le présent que cette période des 60's revendicatrices.
Il y a plus d'éléments de "lore", de surprises liées aux super-pouvoirs, à leurs origines et à leur évolution. Le tout est moins introspectif, la plupart des personnages est utilisée pour des situations humoristiques, rarement à bon escient m'est avis. Et si la production a l'air d'avoir un peu plus de sous pour transposer sans trop de casse le caractère cartoon que semble avoir le matériel de base, cela se fait souvent au prix des personnages qui perdent en épaisseur.
Je peux difficilement cacher que j'apprécie la première saison plus terre à terre et intimiste, en particulier quand on la contraste avec la seconde plus conventionnelle dans le domaine du comic-book, à savoir orientée vers une logique interne et des guerres de "lore". Je ne serai cependant pas contre une troisième saison qui mêlerait plus habilement les deux aspects de cette bande de personnages que je ne peux m'empêcher de bien aimer malgré tout.