Si quelqu'un peut quantifier ma déception, ma désespérance, ma torture, c'est bien Dieu. Twin Peaks représente pour moi le mystère ultime, l'incompréhension absolue. Je sais pas par où commencer. D'abord je vais mettre au clair une chose : Twin Peaks a signé définitivement mon arrêt pour le peu d'intérêt que je portais au format série. Ce qui signifie que c'est la dernière fois que je regarde une série (exception faite à The Wire mais va falloir attendre longtemps).


Personne ne peut imaginer toute l'idéalisation que je portais pour Twin Peaks, je l'attendais comme le saint graal, comme la transcendance ultime. Au final, je me retrouve malmené, torturé épisode par épisode. J'ai été capturé, séquestré par une personne qui me fascinait : Lynch, créant dès lors un rapport nocif, néfaste, presque du BDSM mais sans aucune forme de plaisir. De mon plein gré je me suis reclus, enfermé pour vivre une expérience hallucinante, j'avais même proféré que Twin Peaks était ma série favorite alors que je n'avais encore rien vu. Au fur et à mesure des épisodes, cet enfermement empli de promesses s'est transformé en une séquestration, en un cauchemar.


Aujourd'hui je souhaite qu'une chose : oublier au plus vite ce que j'ai enduré, oublier cette série maudite de merde.


Cette "critique" sera surtout un billet d'humeur où j'aimerais exprimer succinctement toute ma colère, car je n'ai pas envie de m'y complaire et m'y noyer.


On va aller droit au but : David Lynch est un cinéaste du cerveau, du rêve et donc de l'émotion et surtout pas un cinéaste d'enquête criminelle. Il n'y a aucun mystère qui entoure la mort de Laura Palmer, tout est réalisé avec un premier degré enfantin, mais bien-sûr il y aura deux trois geek libéraux (avec une centaine de figurines pop dans leur chambre) pour nous balbutier que "si ! si ! Le triple symbole Illuminati nucléaire nous renvoie à la forme triangulaire des nibards de la statue Aphrodite qui est une jonction pour nous dire que l'amour est une arme nucléaire qu'on peut amorcer pour contrer la loge noir qui se nourrit elle de la peur pour extendre sa puissance !" allez ferme ta gu*ule enfoiré, retourne bouffer tes chips Lay's saveur barbecue.


Sans déconner jusqu'où se fout-on de notre gueule ??? Je me suis tapé 1800 minutes ! Soit 30 HEURES ! 30 HEURES de néant intersidéral, oh mais ne soyons pas de mauvaise foi ! Allez sur ces 30 heures il y a 20 minutes de fulgurance (oui la scène où le diable extériorise une seconde fois ses pulsions m'a franchement fasciné). Et il me reste encore 12 épisodes ! Mais je m'en fous ! J'ai vu les 6 premiers épisodes de la saison 3 et hors de question que je me coltine le reste parce qu'il est impossible que Lynch amortisse sa chute. Elle est inévitable, sa sénilité a anémié son idéal artistique. Mais c'est pas grave Lynch, tu nous as offert ton chef d'oeuvre Mulholland Drive, Lost Highway et le bâtard maudit Inland Empire, tu peux mourir en paix. Je te pardonne des souffrances que tu m'as fait subir, car ton empreinte fut salvatrice pour un grand nombre de personnes.


Mais revenons au cœur du problème. Avec son copain l'ahuri "Mark Frost", Lynch a vu son unité artistique souillé, car l'abruti de Frost a saccagé plus d'une dizaine d'épisode qui suivent l'épisode 7 ou 8 de la saison 2. On voit bien que Lynch a abandonné ce projet, ALORS POURQUOI LE FAIRE NAITRE D'OUTRE TOMBE ??? C'était quoi le projet Lynch ? Assouvir la pulsion de deux trois geek cajolant leur nostalgie crasse ? Mais y-avait-il un projet au moins ? Car déjà dans la première saison, on voyait que Lynch ne savait pas quelle direction prendre, s'embourbant dans de faux symboles de m*rde qui atrophient et emprisonnent la pensée du public. En fait Twin Peaks c'est Lost, c'est exactement la même chose. On nourrit le public de promesse : un mystère (débile) et un teasing de DINGUE (le nombre de fois où j'ai crié de joie pour voir enfin le diable s'exprimer, voir Frank Silva CRIER de toutes ses forces, voir une confrontation avec Cooper !), au final rien du tout. Le diable a crié en ralenti pendant quelques minutes et c'est tout, pas de course poursuite explosive et onirique. Les seules scènes oniriques sont dénuées de toute subtilité, bla bla "is it past or future ????" sans déconner ? On a compris la portée de ce lieu rouge vif, pas besoin de l'expliciter, bordel Lynch ! Pourquoi dépouiller le peu de mystère que scelle ce lieu ? Pourquoi le rendre aussi vide et laid en saison 3 ? Qu'est-ce que c'est que ce numérique dégueulasse NOM DE DIEU ??? Comment peut-on picorer dans ce plat indigent ?


-Dis Kevin qu'as-tu pensé de l'apparition du hibou ?


-Oh je n'ai rien compris, mais y a plein de symboles qui nous permettent de guider vers une réponse.


NON ! Ces symboles mènent vers la mort de la pensée mais surtout la mort des personnages (pourvu encore qu'ils soient vivants) ! Parce que l'être humain ne peut-être résumé à un p*tain de symbole ! Sauf que les personnages de Twin Peaks n'ont jamais vécu, car ils n'ont aucune profondeur d'âme, ils sont enfermés dans une boite matricielle, dans un théorème de géométrie et ce lieu rouge vif ne le transcende jamais (comme j'espèrais vainement). Ces personnages ne cessent de répéter les mêmes gestes désespérés, ils n'émanent aucune question existentielle, c'est toujours la même chose "oh James que va-t-on faire ?","Oh Donna je sais pas, je dois prendre ma moto et prendre de l'air", l'épisode suivant c'est la même routine. Ce ne sont pas des hommes qui pensent, mais des choses inertes que Lynch ne parvient pas à animer dans l'au-delà. Alors que reste-il dans cette inaptitude à trouver sa vérité ? L'humour. Ahahahhah qu'est-ce qu'on se marre ! Lucy et Andy sont trop mignons avec plein de situations rocambolesques ! Mais quelle tristesse nom de Dieu ! Je ne suis pas contre l'humour, je le juge même nécessaire dans une œuvre pleine de tension ! Je n'ai pas été réticent dans MD ou Lost Highway, parfois même l'humour peut s'incorporer dans des situations dramatiques ! Et là vous êtes assurés d'avoir des fulgurances par milliers : Kitano l'a prouvé à multiple reprises. Mais dans Twin Peaks l'humour est un cache misère, pire encore ! Une manifestation d'un défaitisme ! Lynch ne sait pas quoi faire de ce bébé avorté, et c'est sur cette base fébrile qu'en 2017 Lynch voudra créer des fulgurances. Tel le maboul de Frankenstein, il tentera de reconstituer chimiquement les molécules qu'il restait du bébé pour exaucer le fantasme des gens : apparition de la saison 3. Soit 25 ans après l'aurevoir précipité et (in)compréhensible de la saison 2. Quand j'ai traversé l'enfer que fut cette saison 2, j'étais perdu entre la désillusion et un infime espoir d'être transcendé. Je m'étais mis dans les meilleures conditions : la nuit, lumière éteinte. J'ai vu le premier épisode, j'ai compris que Lynch est rentré dans un doute hyperbolique, sauf que cette fois il n'en sortira jamais. À priori ce parti pris d'être au antipode des deux premières en terme de décor, d'interaction, d'ambiance, d'esthétisme était trop intriguant pour ne pas être fasciné. Eh non. C'est bel et bien un échec. Est-ce normal de regarder 6 épisodes et voir rien de concrètement nouveau depuis 1991 ? 6 épisodes où nous regardons un Cooper abruti. Oui on a compris le parallèle Lynch, mais pourquoi en faire du remplissage ? Toute la saison a deux de tension, et cela a beau être justifié et cohérent, à aucun moment c'est pertinent. Mais pour cela, il faut regarder sa patte artistique qui s'est salement détériorée depuis Inland Empire (déjà que ce dernier pouvait faire débat) ! Oh seigneur que c'est laid ... j'ai réellement subi tout ça pour voir des draps rouges numériques avec un arbre et un cerveau numérique balbutier ? Plan long désincarné à l'esthétisation moderne type le nanar Black Mirror, les moments oniriques ont perdu de leur caractéristique lynchéenne. Ils ont perdu leur volupté et cela se ressent jusqu'aux chants Shoegaze en chaque fin d'épisode, mais quelle tristesse Lynch, cela me donne envie de me pendre. Le pauvre il essaye de s'accrocher à ce qu'il peut. Les acteurs sont quasiment tous morts, mais il s'obstine à faire jouer les plus téméraires ... mon Dieu. Je ne veux plus y repenser, ce fut un supplice incommensurable.

Ivan-T-K-M
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le 12 juin 2022

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