No Country for Young Men

The State est une mini série qui suit le parcours de 4 (½) jeunes britanniques quittant leur pays pour rejoindre la Syrie. Inspirée d'histoires réelles, elle permet de suivre l’évolution des personnages dans un nouveau mode de société dont ils ont rêvé avant leur départ, mais qui s’avère être radicalement différent de ce qu'ils ont connu toute leur vie.

Ce choc des cultures peut s’avérer difficile, même pour des djihadistes en devenir. C'est en particulier le cas pour certaines femmes qui, malgré leur volonté de servir leur cause, se voient restreintes à un second rôle au service de leur nouveau mari moudjahid. Pour les hommes, à l'horreur de la guerre s'ajoute celle des atrocités commises sur les prisonniers de guerre.

Certains d'entre eux en viennent à questionner la justice du système et l’interprétation des paroles divines, mais l'Etat est implacable. Toute remise en question serait une trahison. Ils doivent se résigner a cette nouvelle vie jusqu’à ce que leur heure arrive, ou fuir ce rêve devenu cauchemar.

Le sujet abordé étant des plus sombres, l’intérêt principal de cette série est son aspect pédagogique. L’échantillon assez large de personnages permet de représenter une multitude de parcours et de profils (soldat martyr, femme au foyer, ex officier Baathiste, enfant soldat, esclave sexuelle, otage en tenue orange, fugitif réfugié), en abordant également les conflits ethniques et confessionnels contre les Kurdes, les Shiites et les Chrétiens. Plutôt que de diaboliser les personnes qui partent rejoindre Daesh, on essaie ici de les réhumaniser, de créer de l'empathie.

L'objectif est double. Il s'agit d'abord de sensibiliser le public au fait que nombre d'entre eux sont des victimes, des victimes qui n'ont conscience d'en être qu'une fois arrivées dans l'enfer syrien. Des victimes qu'il faudra aider à reconstruire si elles parviennent à retourner dans leur pays d'origine, alors qu'elles y seront perçues comme des traîtres.
Il s'agit également de sensibiliser les victimes potentielles. Mais là, difficile de dire si une fiction télévisée pourra paraître autrement que comme de la propagande pour une audience déjà sous l'emprise de Daesh.

D'un point de vue technique, the State est une série plutôt bien écrite, portée par de jeunes acteurs qui s'en sortent très bien (en particulier les deux acteurs principaux Ony Uhiara/Shakira et Sam Otto/Jalal qui ont les personnages les plus attachants). C'est d'ailleurs une belle prouesse de parvenir à humaniser des djihadistes en à peine plus de 3 heures. Les transitions sont parfois abruptes à cause des coupures pub, mais cela reste un défaut mineur.
En revanche, il aurait été intéressant d'avoir une introduction plus longue pour apprendre d'où viennent ces personnages et comment ils ont été radicalisés et encouragés à partir. C'est le genre d'information qui parait crucial pour lutter efficacement contre cet embrigadement, et c'est vraiment dommage de manquer une telle occasion.

Je suis sûr que certains détesteront le fait de représenter ces personnages pour ce qu'ils sont, des être humains avec des valeurs, une sensibilité pour une cause, un désir d'aventure et le sentiment de participer à un événement historique qui donne un sens à leur existence. C'est pourtant le genre de mécanique de l'esprit qui a mobilisé de nombreux jeunes gens dans l'histoire, que ce soit au siècle dernier dans la guerre d'Espagne ou le Débarquement en Normandie, ou qui plus récemment a amené des centaines d'Occidentaux à rejoindre les combattants Kurdes de Syrie contre Daesh.

Mais il est plus rassurant de représenter l'Ennemi comme un monstre sanguinaire sans visage et sans humanité, comme pour mieux se dédouaner de notre responsabilité commune dans l'émergence de Daesh et d'une génération qui a pris les armes contre notre beau pays qui leur a tant donné.