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Sur le papier, The Haunting of Hill House a tout du projet ambitieux, fait pour de bonnes raisons par un gars visiblement concerné par son sujet. Mike Flanagan, puisque c'est son nom, officie à la fois comme créateur, scénariste, réalisateur, producteur et monteur du projet, méritant par ce seul fait que l'on s'intéresse à sa série, et assurant déjà une continuité visuelle et thématique à l'ensemble. Derrière ce boulot de titan, soutenu par une production de grande qualité alternant décors grandioses, maquillages au poil et technique soignée, se cache donc "une série originale Netflix" qui avait tout pour cartonner. Si The Haunting of Hill House a effectivement reçu un retour critique et public assez unanime, on emmétra pourtant des réserves sur cette prétendue aura de grandiose qui plane autour de la série.


La principale d'entre elle sera de proposer dès le départ des personnages bien trop caricaturaux, ce qui ne semble pourtant pas déranger grand monde. Là où un archétype de personnage préétabli ou une sur-caractérisation convient à un film du genre s'étalant sur un peu plus de 90 minutes de temps (et encore), la chose s'avère tout de suite plus dérangeante pour un vaste programme de plus de 10 heures, surtout quand il cherche à traiter de sujets aussi ambitieux que sont ceux du deuil et de la peur de la mort . La série part pourtant sur de bonnes bases, à savoir réinterpréter le genre de l'épouvante-horreur afin d'en tirer un drame plus intimiste sous fond de tragédie familiale. Une idée plus que louable en soit, malheureusement plombée par ces personnages-types qui laissent de surcroit trop transparaitre la construction ultra répétitive des 5 premiers épisodes, puisque ceux-ci se concentrent respectivement et exclusivement sur la psyché d'un personnage à la fois, à savoir chaque enfant de la famille Crain. L'occasion d'alterner entre les différentes phases de leur vie, de leur enfance à Hill House - cette drôle de maison probablement hantée - à leur vie d'adultes contrariés par les traumatismes passés. En soit, ce va-et-vient entre les époques ne pose pas plus de problème que ça, le tout étant assez fluide et entretenant un mystère suffisamment aguicheur pour qu'on reste coller à son écran. Le réel problème, c'est que les enfants Crain ressemblent à n'importe quel autre personnage à la con de n'importe quelle autre séries à la con : Steven, l'écrivain sceptique, Shirley la constante, Theo l'asociale, Luke le toxicomane au grand cœur et Nell la douceur incarnée. Une fois ces caractérisations assimilées, la série donne vraiment l'impression d'alterner entre drame pauvre et dialogues poussifs, le tout saupoudré de psychologie de comptoir. Et ce ne sont pas les quelques scènes de flippe arrivant avec leur gros sabots qui nous font oublié la banalité de l'ensemble. Si les acteurs se veulent plutôt justes, ils peinent à faire oublier le côté lisse de l'ensemble, peu aidés par leur physique de mannequin, et en particulier pour le personnage de Luke, qui restera probablement l'héroïnomane le plus propre de sa génération. Un défaut qui n'en est pas réellement un et qu'on ne pourra pas non plus imputé aux interprètes enfants, tous impeccables.


Si la série déçoit par ses personnages sans grande saveur et son rythme répétitif qui étirent inutilement le récit. Les choses s'améliorent heureusement à partir d'un sixième épisode qui aura beaucoup fait parler de lui, puisque composé de plusieurs plans séquences forts réussis censés marquer les retrouvailles d'une famille Crain meurtrie. Un épisode symptomatique de la réussite technique de la série, puisque The Haunting of Hill House se veut toujours constant dans son enrobage, aussi superbement réalisé qu'éclairé, et bénéficiant d'un montage toujours raccord qui souligne l'aspect multi-fonction de Mike Flanagan. Les scènes d'épouvante et les quelques jumpscares, si on a déjà souligné leur effet de "comme un cheveu sur la soupe", n'en restent pas moins toujours palpitants et impressionnent par leur millimétrage.


The Haunting of Hill House est également très fort quand il s'agit d'intégrer des twists malins à l'intrigue. Des twists qui ont le mérite de ne jamais prendre le spectateur pour un idiot et qui impressionnent de par leur côté méta capable de foutre en quelques secondes un gros vertige des familles. Une impression que l'on retrouvera à plusieurs reprises lors des derniers épisodes du show, franchement émouvants, au point d'en tirer une larme et ce malgré les reproches précédemment cités.


La création de Mike Flanagan n'est probablement pas le diamant noir que beaucoup semblent y voir, du moins scénaristiquement. Elle n'en reste pas moins bourrée de bonnes idées : entre la clinique présentation de la thanatopraxie, l'aspect névrotique de la peur ou les surprises liés à l'espace-temps diégétique, il y a de quoi se servir. L'horreur gothique inhérent au projet sait également se faire discrète, assurant un côté épuré à l'ensemble et ne pouvant que rendre quelques scènes mémorables (l'apparition du Tall Man), voir franchement traumatisante pour le rythme cardiaque (ne jamais prendre la voiture avec Theo et Shirley) . Derrière ces qualités évidentes et l'envergure du projet, The Haunting of Hill House n'en reste pas moins décevant, car si sa volonté de revisiter le genre de l'horreur en le saupoudrant de drame avait tout de la bonne idée, l'exécution se révèle branlante, la faute en grande partie à un scénario sur lequel on s'est longuement attardé : médiocre quand il s'agit de créer des personnages consistants et tombant dans une construction franchement ennuyante à ses débuts, il sait plus tard se faire surprenant, émouvant voir carrément troublant dans son dernier tiers. Une déception donc, mais dont on essaiera de ne retenir que le bon, tout en gardant un œil sur Mike Flanagan, qui on l'espère saura se sortir de son carcan hollywoodien pour nous sortir prochainement un projet encore plus ambitieux, mais surtout un peu plus jusque-au-boutiste et un peu mois lisse.


NOTE : Dans l'éventualité de futurs saisons, cette critique et la note qui l'accompagne ne se basent que sur la première d'entre elles.

Bukowski-Bags
6
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le 1 mai 2020

Critique lue 300 fois

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