La déception au visionnage de la première saison de The Handmaid's tale est d'autant plus grande que la série avait tout pour devenir un véritable évènement - esthétique et politique. D'abord par son propos puissant sur la restriction de liberté, sur la place de la femme et des rôles humains en général dans une société, mais surtout peut-être en relevant avec finesse qu'une forme de régression peut fonder tout totalitarisme. Sur ce dernier point, l'oeuvre écrite de Margaret Atwood, toujours d'actualité plus de trente ans après, est un subtil clin d’œil au fondamentalisme religieux qui frappe l'occident.


Cette idée d'évolution sociétale sur fond de catastrophe écologique prenant de plus en plus la forme d'un monde atroce et autoritaire semblait idoine pour parler de notre contemporanéité. Ajouté à cela, un parti pris esthétique glaçant, à la lumière hivernale et aux touches de couleurs matérialisées par les tenues (quelle belle idée que ce déplacement métaphorique de la couleur du vêtement comme couleur de peau et donc identification sociale), et nous tenions une série remplie de belles promesses.


Ceci étant posé, nous ne pouvons que déplorer le fait que la série de Bruce Miller passe quasiment à côté de tout ce qu'elle entreprend au départ, en préférant succomber aux grandes facilités scénaristiques sérielles de ces dernières années. Si la direction artistique est soignée, rappelant ici et là dans certains plans d'intérieur de véritables tableaux de maitres, la narration est des plus chaotique.
Usant de procédés narratifs ultra-remâchés et de situations plus que prévisibles, l'intrigue est en plus de cela interrompue par d' incessants et insupportables flashbacks (quand pourra t-on sérieusement en finir avec les flashbacks ?) pour faire découvrir le passé des personnages. Il semble évident que la mise en place de la société totalitaire devait être racontée, de même que la destin en fuite des personnages, mais si les scénaristes tenaient tant à traiter cette aspect du roman, pourquoi n'y ont t-ils pas consacré toute la première saison ? Cela nous aurait évité quantité d'épisodes inutiles, composés uniquement de flashbacks, et oubliant totalement l'avancée de l’intrigue. On reste pantois d'apprendre que le créateur de la série explique (dans une interview - La 7ème obsession, n°20) qu'il était fondamental de "d'abord explorer ce qu'était la vie des personnages auparavant". Explorer d'abord, c'est précisément ce qu'il ne fait pas, puisqu'il fait tout en même temps.


Ainsi, plutôt que de déployer ses enjeux dramatiques sur le long terme, la série semble faire du surplace, au point qu'au cours des dix épisodes, il ne passe absolument rien qui ne vienne bousculer la mise en place du départ.
La série ne prend jamais de risque et veut contenter tout le monde, à l'exemple grotesque de l'épisode 9 et de la scène sur le pont qui ne va jamais au bout de qu'elle promettait. Tout en empruntant ici et là des codes réussis des séries récentes, elle perd autant en originalité qu'en puissance dramatique. La voix off est bien là, mais en moins édifiante que pour Mr Robot. La musique utilisée comme oxymore est bien sûr au rendez-vous, merci Peaky Blinders ( et à ce propos, le final frôle le mauvais goût lorsqu'il ose jouer Feeling Good de Nina Simone après un refus de lapidation). Quant aux scènes de grandes réunions punitives animées par la diabolique Tante, elles rappellent étrangement celles d'Hunger Games (qui tout comme Black Mirror, avait, soit dit en passant, trouvé moyen de mettre la question des médias au cœur de la dystopie). Enfin, vous aurez même droit à vos moments de souvenirs joyeux où les rayons du soleil viennent inonder l'écran. C'est cadeau.


La finalité de cette saison 1 est une série consensuelle, rabotant la vision engagée de départ pour n'en offrir qu'un pâle condensé. Une série politique, vraiment ?


A.A

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le 24 déc. 2017

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Annita Antourd

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