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Je l'aurais attendu un bon moment ce documentaire...


À l'origine annoncé comme un one-shot classique, le dernier projet de Peter Jackson a ensuite viré à la mini-série documentaire de 6h, pour finalement tenir sur plus de 8h de contenu, réparti en trois épisodes. Trois épisodes qui couvrent près d'un mois sans interruption, celui de janvier 1969.


Alors que le groupe traverse de nombreux tumultes internes à l'approche des années 70, Paul McCartney, convaincu par le travail du réalisateur anglais Michael Lindsay-Hogg sur The Rock and Roll Circus, un film musical conçu par Mick Jagger et qui marque notablement la dernière performance publique de Brian Jones, lui propose de tourner un documentaire sur l'enregistrement du prochain album des Beatles.


Des dizaines de caméras et micros capturent alors non-stop les faits et gestes de notre quatuor entouré de son équipe de production et de ses proches, avec pour mission de mettre au point un nouvel album qui pourra être dévoilé via un concert monumental.


Ce sont plus de 150h de rushes que Peter Jackson récupère, une quantité affolante d'images et pistes audio à passer en revue afin d'en tirer une histoire certes synthétique mais suffisamment exhaustive et généreuse, et surtout avec une approche qui se veut plus proche de la réalité.


Voyez-vous ces rushes avaient déjà servi à l'époque pour le documentaire Let it Be, du même Michael Lindsay-Hogg, sorti en 1970. Un documentaire qui couvrait en 80min la même période et qui s'achevait avec la voix-off de Lindsay-Hogg décrivant une situation visiblement très terne ou tendue, contribuant au mythe de l'effondrement interne du groupe.


Si des tensions et les egos des membres du groupes étaient effectivement là et justifiaient bien assez le besoin de se séparer, Peter Jackson a visiblement estimé que le documentaire de 1970 fermait trop volontairement les yeux sur tout le reste pour ne se concentrer que sur l'aspect "les Beatles se clashent et se séparent", ce reste qu'il nous dévoile donc sur plus de 8h, afin de réhabiliter la fin du groupe et le comportement de chacun de ses membres.


Entre la qualité du boulot réalisé tant à l'image que sur l'audio, cette plongée sans filtres dans la production d'un des albums d'un des groupes les plus iconiques et influents de l'histoire de la musique moderne est tout bonnement fabuleuse.


On y vit et ressent les personnalités de John, Paul, George et Ringo, l'état du groupe, tergiversé entre une effrayante alchimie difficile à nier et les egos/aspirations de chacun qui s'expriment plus ou moins directement au gré des sessions, le monde qui les entoure et s'agite pour accomplir des tâches autant liées à la production musicale même qu'aux convenances du groupe... c'est vraiment une extraordinaire capsule temporelle.


C'est appréciable de voir que Disney n'a pas été frileux sur ce qui a été enregistré, le quatuor fumant vraiment beaucoup à l'écran et étant occasionnellement vulgaire (dont une bonne grosse poignée de "f*ck").


Il y a quelques longueurs, le documentaire s'avérant parfois un peu trop généreux.


Cependant cette générosité pouvant paraître exagérée découle de la raison d'être même du documentaire : c'est ni plus ni moins un making-of version extra-longue, une plongée totale dans les différents lieux de répétition et d'enregistrement de l'album Let It Be, avec certes suffisamment de contextualisation pour éclairer les spectateurs les moins informés, mais qui dépend beaucoup de l'intérêt de ces derniers pour le groupe, sa musique et/ou son histoire.


Étant vraiment fasciné par cette époque, le groupe, son histoire et ses membres, c'est donc pour moi un documentaire époustouflant.


Ce qu'il met magnifiquement en exergue, c'est bien évidement le quatuor et les dynamiques qui régissent leurs sessions.


Le groupe ayant toujours été ultra populaire, beaucoup de bootlegs audio et/ou vidéo permettant aux plus passionnés de découvrir le fonctionnement du groupe dans le processus de création circulaient depuis longtemps, mais à ce niveau de qualité et d'exhaustivité ? Certainement pas. On passe plus de huit heures en compagnie des Beatles et de leur entourage, on les voit partager des souvenirs, échanger des idées, s'éclater, s'échauffer, se bourrer le pif, s'ignorer ou faire la gueule, être désintéressés...


Restons concentrés sur notre fameux quatuor : de nombreuses vidéos et interviews ont déjà largement montré leurs personnalités et l'évolution de ces dernières au fil des années, mais avec ce documentaire on bénéficie d'une approche encore plus intimiste, en huis clos, jamais atteinte.


On y voit nos quatre artistes sans trop d'artifices, même si il faut quand même garder à l'esprit qu'ils sont conscients de ce tournage et ce dernier ne s'attarde réellement que sur les sessions d'enregistrements comprises dans le planning de travail.
On y voit un Paul McCartney dont l'ambition le pousse à prendre la tête des sessions et devenir très envahissant, complexé par la sensation d'avoir toujours été le second de John.
On y voit un John Lennon tantôt désintéressé ou bien à la limite d'être à 100 années lumières d'où son corps se trouve, tantôt survitaminé et bon vivant.
On y voit un George Harrison qui fait souvent la gueule tant il se sent limité sous l'ombre du duo Lennon/McCartney mais qui prouve à plusieurs reprises qu'il possède autant de potentiel d'écriture que ledit duo.
On y voit un Ringo Starr fidèle à lui-même : le bon pote qui n'a aucun grief et qui, face aux dissensions frappant ses trois camarades, fait office de soutien candide et indispensable, tel un catalyseur invisible.
Autre chose que je retrouve en profusion avec énormément de joie : leur sens de l'humour. Les Beatles étaient vraiment drôles, surtout John Lennon, et ce film nous le rappelle sans s'arrêter pour mon plus grand plaisir.


Mais l'enregistrement d'un album des Beatles en 1969, c'est aussi une armée de personnalités autour du groupe et qui ont parfois leurs propres intérêts même s'ils sont fréquemment stoppés dans leurs velléités. Depuis le producteur et souvent considéré comme le 5ème Beatle George Martin au petit roadie en passant par Billy Preston, claviériste invité par hasard et unique autre artiste à être crédité sur un album des Beatles et qui amène un vrai tournant dans les sessions, Mal Evans un assistant du groupe depuis le début des 60's ou encore le fameux Michael Lindsay-Hogg, désireux de placer le fameux concert de promotion à l'étranger coûte que coûte, volonté que notre quatuor enverra valser avec cette sorte de tact britannique... nos artistes ne sont jamais seuls, et c'est sur eux que tout ce monde se repose.


On peut aussi percevoir de près ou de loin les relations personnelles des membres du groupe. Il y a tout naturellement Yoko Ono, figure de l'ombre omniprésente mais qui sait se faire discrète sauf quand la bande décide de se lâcher, mais aussi Linda McCartney (enfin non pas encore au moment des faits il me semble) qui apparaît, et plus furtivement sa fille Heather, ou encore Patty Boyd, compagne de George Harrison, et même un clin d'oeil aux enfants de Ringo lorsque la caméra s'attarde sur ce dernier en train d'afficher un dessin de l'un d'entre eux.


Le concert final sur le toit d'Apple Corp, restitué dans sa totalité et capturé via de multiples caméras, est le point évidement culminant de ce sublime voyage historique et musical, mêlant interventions au sein du studio et réactions des badauds. Le concert s'achèvera d'ailleurs sur une note incroyablement "rock n roll", que je laisserai à tout un chacun le soin de découvrir seul/seule, tant cette note est jouissive, à la fois rebelle et joviale.


Que ce soit pour la musique, le groupe, ses membres, l'époque, la contextualisation des évènements... Peter Jackson nous offre ici rien de moins qu'un des plus grand documentaires musicaux jamais vus, et grâce à son besoin pathologique d'en proposer toujours plus, The Beatles Get Back a effectivement l'immense générosité de raconter son histoire sur plus de 8h, quand tant d'autres auraient jeté l'éponge au-delà des 2 voire 3h.


J'ai très fréquemment eu des frissons ou des larmes aux yeux, tant la puissance de cette capsule me touche sur tant d'aspects.


Un immense merci à PJ et aux Beatles, je vais chérir ce documentaire.

Chernobill
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le 2 déc. 2021

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Chernobill

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