SSSS.Dynazenon
7.2
SSSS.Dynazenon

Anime (mangas) Tokyo MX (2021)

Les âmes balafrées ont la brillance des astres

SSSS.Gridman avait été pensé comme une entité indépendante. SSSS.Dynazenon en revanche a conscience d’être le héraut d’une annonce bien à la mode depuis quelque temps : l’avènement d’un –verse. Nous avons eu le Marvel-verse, le DC-verse, le Shyamalan-verse, le Conjuring-verse… Nous aurons visiblement le SSSS.verse (?), ou Gridman-verse (??). Annonce à ne pas prendre très au sérieux, pas plus que cette introduction, car même si une sorte de sequel a été annoncé à la diffusion du dernier épisode de Dynazenon (en miroir du dernier épisode de Gridman qui avait fait la même chose), en l’occurrence un « Gridman x Dynazenon », il y a fort à parier que le studio Trigger ne compte pas multiplier les sequels et spin-offs, c’est pas le genre – ils sont d’ailleurs si prompt à l’auto-citation et l’auto-référence qu’on se doute que l’héritage Gridmanien fera de toute manière des caméos réguliers dans les œuvres ultérieures du studio.


Cette intro rébarbative pour essayer de répondre vite à une question que les néophytes peuvent se poser en toute légitimité : peut-on regarder Dyna sans être passé par Grid ? Une question que je me suis moi-même posé à l’abord du visionnage de Dyna, n’ayant pas vu Grid au préalable. Finalement j’ai fait le choix de regarder l’intégrale de Gridman une fois arrivé au 3ème épisode de Dynazenon. Il n’est pas nécessaire à proprement parler de regarder le premier avant le second, car même si le second se passe clairement dans le futur du premier les deux univers se recoupent de manière assez superficielle au point de vue de l’intrigue (modulo 2 personnages). Cependant, je pense que voir Gridman avant est préférable, car Dynazenon se plait à faire de nombreux subtils clins d’œil et coups de coude à son aîné, dans la répétition de certains plans, décors, ressorts narratifs, ou au contraire dans la subversion d’éléments présents dans Grid qu’on s’attendrait à voir répliqués dans Dyna, etc. Les investigateurs les plus hardcore se plairont même à élaborer des théories en piochant dans le lore de Grid pour résoudre les nombreux mystères de Dyna.


Je disais que Gridman était construit en circuit fermé ; même si le mystère était bel et bien présent, tous les éléments nécessaires à l’éclaircissement de ses points obscurs se situaient au sein même de la série, souvent via des détails anodins au premier regard. Dynazenon lui, se plait à ne pas tout dire et assume que certains de ses points de scénario ne trouveront pas leur explication dans les 12 épisodes qui le composent. Libre à nous de puiser dans le terreau fertile de Gridman pour conjecturer, ou bien de spéculer d’un sequel croisé répondra un jour à tout… Mais on comprend très vite, au visionnage de Dyna, que ce dernier n’accorde pas du tout la même importance à la sacro-sainte intrigue ; en fin de compte il préfère se consacrer à l’étude de ses personnages, qu’il tâche de développer en parallèle. Est-ce à dire que Grid se fichait de ses personnages ? Non bien sûr, mais à l’exception d’Akane, les autres n’étaient que des pages blanches sur lesquelles on avait griffonné une vague personnalité. Des pages blanches sans passé (et pour cause, spoilers), qui prenaient corps uniquement grâce à leurs interactions réalistes. Akane était le centre névralgique autour duquel s’élaborait tout le reste. Alors que dans Dynazenon, chaque personnage – on le comprend assez vite – est un Akane en puissance. Là aussi, c’est par le groupe et la mission qui les unit qu’ils parviendront à sortir de leur isolement social et/ou affectif ; mais chacun porte avec lui son histoire, son « trauma », quelque chose qui le hante et qu’il faudra dépasser ou sublimer au cours de la série. Dynazenon a la conscience d’être le maillon d’un tout plus large que lui, ce qui lui confère certaines libertés et le dégage de la nécessité de « traiter » tout ce qu’il pose sur la table.


Mais est-ce que tout ça est vraiment si important, au regard de ce qui rend la série immédiatement fascinante ? C’est-à-dire ce qui se ressent dans l’instant d’un cadrage précis, d’un plan qui dure juste un peu plus longtemps que ce qu’on croirait, un cut incisif, le dénuement de la BO en dehors des combats… Une justesse qui rappelle, je le disais déjà pour Gridman, le Hideaki Anno de Evangelion ; et qui se montre encore plus patiente et humaine dans Dynazenon. Ainsi on ressent dans notre corps et par nos sens les troubles et les enjeux des personnages avant de les comprendre ; ils sont sensibles et cinégéniques avant d’être analysables et prêts à être disposés sur un joli tableau narratif. On doit cette justesse bien sûr à la direction et supervision d’Akira Amemiya (la botte secrète de Trigger qui s’émancipe de plus en plus de l’ombre imposante d’Imaishi) à celle de l’écriture de Keiichi Hasegawa, qui sculpte des dialogues toujours plus minimalistes – réductionnistes oserais-je même dire, et il suffit bien souvent de quelques mots délivrés dans un souffle monotone (les doubleurs.ses sont une fois de plus effarants de finesse) pour dire beaucoup tout en dessinant les contours d’un non-dit plus imposant encore. Le poids silencieux qui est notre lot à tous.


Pour quelqu’un qui se décrit volontiers comme inexpérimenté et ignare des règles de réalisation, Amemiya confirme l’impressionnante subtilité de ses choix et son éclectisme. Car à l’instar de son grand frère, Dyna entrecoupe ses études humaines de scènes de pure bastonnade 3D (toujours aussi fluides), et le côté Toys ‘R’ Us est encore renforcé par le design dino en plastique du mécha. Toujours aussi impressionnant de constater que toute cette richesse provient d’un fantasme de (re)donner vie à des jouets d’enfance. Sauf que là où Gridman tirait son mythe de la série live action japonaise originale, Dynazenon commence à poser les bases d’un mythe auto-suffisant (tout en basant beaucoup d'éléments sur la série originelle). Mais ça, on en reparlera quand la suite sortira – si elle sort.


Bien évidemment, Dynazenon n’offre pas le même sentiment de satisfaction que Gridman une fois la conclusion atteinte. Même si les personnages arrivent au bout de leur arc, beaucoup de choses restent en suspens, on ressort songeur. C’est ce qui m’empêche de le placer tout à fait à la même hauteur que son grand frère. Mais c’est sans doute approprié, car en fin de compte Dynazenon est une œuvre plus « horizontale » que son aîné, plus riche aussi sans doute, et qui appelle à être complétée d’ici quelques années. Moins haute, mais plus étendue : on ne saurait mesurer les deux selon les mêmes coordonnées. Il faudrait trouver un nouveau barème. Amemiya esquisse ici ce qui ressemble à une tentative passionnante de sortir du paradigme de la Foreuse de la Gainax, posé il y a 14 ans de cela par un certain Gurenn Lagann. De quoi imaginer un futur moins linéaire que prévu pour le studio Trigger.


PS: l’épisode 10 de Dynazenon fait écho au merveilleux épisode 9 de Gridman – même animateur, même piège illusoire et onirique. Les deux faces d’une des plus belles pièces de l’animation japonaise de ces dernières années.

TWazoo
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Animation Japonaise Décroissante - Séries [Top + Journal de bord]

Créée

le 2 juil. 2021

Critique lue 593 fois

5 j'aime

1 commentaire

T. Wazoo

Écrit par

Critique lue 593 fois

5
1

D'autres avis sur SSSS.Dynazenon

SSSS.Dynazenon
AntoineRA
4

Critique de SSSS.Dynazenon par AntoineRA

Suite de SSSS.Gridman, c'est vite dit. On appellera ça plutôt SSSS-verse puisqu'il faut attendre la fin du 6ème épisode pour voir un lien, et vu comme il est exploité, on s'arrêtera à un simple...

le 25 mai 2022

3

SSSS.Dynazenon
otyugh
4

Critique de SSSS.Dynazenon par otyugh

Je crois qu'il faut kiffer les meca pour apprécier. Parce que les combats étaient interminablement chiants, et les parties sans combat semblaient avoir un sens au début, mais finalement rien.

le 18 juin 2021

Du même critique

One-Punch Man
TWazoo
4

"Well that was lame... I kinda had my hopes up too."

Cette citation n'est pas de moi, c'est Saitama lui-même, principal protagoniste et « héros » de One-Punch Man, qui la prononce après un énième gros vilain dûment tabassé d'un seul coup...

le 5 janv. 2016

67 j'aime

38

Jackson C. Frank
TWazoo
9

Milk & Honey

"Le plus connu des musiciens folk sixties dont personne n'aie jamais entendu parler." Ainsi s'exprime très justement un journaliste dans un article dédié à la mémoire de Jackson C. Frank, mort en...

le 16 oct. 2013

66 j'aime

4

Murmuüre
TWazoo
9

Murmures du 3ème type

On pourrait être tenté, à l'approche de la musique de Murmuüre, de ne parler que de Black Metal. On pourrait amener, à la simple écoute des guitares poisseuses et saturées ou bien des - rares -...

le 30 sept. 2014

54 j'aime

5