Six pieds sous terre
8.1
Six pieds sous terre

Série HBO (2001)

Je préfère prévenir tout de suite, je ne suis pas en état de faire une quelconque censure de spoilers, je ne pourrai pas pleinement en parler, je ne pourrai pas dire tout ce que je veux dire, donc cette critique (ce billet disons plutôt) est garanti avec spoilers (et même des sacrés spoilers méchants, du genre qui te gâche la série, ce serait quand même dommage de succomber à la tentation, d'autant que vous pourrez pas dire que je vous aurez pas prévenu (mais après vous faites ce que vous voulez hein, je suis pas votre père)).


Six Feet Under. Six fucking Feet Under. Ah Alan Ball mon beau salaud, on peut dire que tu as pondu quelque chose qui ne laisse pas indifférent, en tout cas ça m'a bouleversé, et je sais que je suis loin d'être le seul. D'ailleurs puisque tu as forcément déjà vu la série, toi qui me lis, je te propose un petit jeu. Oh rien de bien amusant, ni même d'instructifs, mais vu que c'est le bordel dans ma tête en ce moment et que j'arrive pas à me remettre les idées en place pour décrire ce que je ressens actuellement, j'ai sélectionné 3 chansons, tirées de la série, qui te permettront de t'aiguiller suivant tes souvenirs de la série.


Si toi aussi le final t'as complètement retourné et que même encore aujourd'hui tu arrives pas à t'en remettre, joues cette vidéo et rendez vous au paragraphe correspondant.
https://www.youtube.com/watch?v=-MFSbHS9QEc (1)


Si toi aussi, tu te sens mélancolique en repensant à la série, à cette perfection qu'est la galerie de personnages peinte devant nos yeux, joues cette vidéo et rendez vous au paragraphe correspondant.
https://www.youtube.com/watch?v=tejkhFyjoGE (2)


Si toi aussi, tu penses au final que Six Feet Under c'est loin d'être un pur drama larmoyant, mais qui comporte des passages drôle et beau sans pour autant que ça nous donne envie de pleurer, joues cette vidéo et rendez vous au paragraphe correspondant.
https://www.youtube.com/watch?v=ClQcUyhoxTg (3)


Et si toi aussi tu trouves cette démarche un peu conne et que tout ce que t'as envie c'est lire la critique entière choisit la première chanson et lance toi.


(2)
La première chose qui me vient à l'esprit en repensant à toutes ces semaines passées aux côtés de la famille Fisher, c'est surtout l'incroyable alchimie entre chacun des personnages et l'incroyable profondeur laissée à chacun. J'en prends pour exemple le personnage de Claire, véritable pivot de la série, la seule pour laquelle on ne voue pas une certaine haine à un moment donné de la série (David est très énervant par moment à toujours râler pour tout, Nate et ses nombreux revirement psychologiques, Ruth et son incapacité à vivre sans son mari, Brenda et ses diverses addiction, Keith et sa froideur naturelle, Rico et son arrogance malgré son talent et sa passion pour son travail), la seule qui réussira à se sortir de la merde dans laquelle elle a été plongée, bien trop jeune, bouleversée par la mort de son père. Il y a quelque chose de dramatiquement fataliste dans sa quête d'amour, de toujours choisir les pires psychopathes et autres mecs dérangés et surtout quelque chose d'assez ironique d'observer que c'est lors de la dernière terrible saison qu'elle réussira enfin à s'épanouir à presque tous les niveaux.
J'ai aussi fais une grosse crise d'identification pour le personnage de Nate, s'imposant comme un des tout meilleurs de l'histoire de la TV (oui monsieur, et non j'ai pas peur !), de par sa dimension humaine incroyable et surtout du jalonnement de sa vie qui est loin d'être de tout repos. La force du personnage repose sur son instabilité, que ce soit physique (ses problèmes au cerveau le mèneront à la mort) ou des problèmes avec la façon dont lui aussi doit gérer la mort de son père. Quitter sa vie à Seattle, reprendre l'entreprise familiale qu'il fuyait à tout prix, jouer un rôle qui n'est pas le sien. Il y a tellement de choses à dire sur Nate, il est à la fois aimant et haïssant, tout comme aimable de ses proches et détestable par ses actions. Chaque personnage pourrait subir le même traitement de ma part, notamment David, qui restera fragile durant 4 saison avant son explosion lors de son enlèvement et ce road trip vraiment glauque et inquiétant qui le traumatisera jusqu'au dernier épisode de la série. Tellement de choses à raconter sur ces personnages, tellement de choses à dire, à expliquer, qu'il en devient trop compliquer de mettre des mots sur mes sentiments pour eux.


(1)
Breathe me. Ou comment conclure une série magistrale par une séquence tout aussi magistrale, résumé parfait de la série elle même. Une succession de flashforward, une projection de la vie future, un montage parallèle avec Claire avançant (en voiture) vers sa nouvelle vie. Un optimisme certain pour le futur malgré les morts qui se succèdent à l'écran. Ces fameux noms que l'on ne voulait surtout pas voir s'inscrire en lettres noires après un fondu au blanc durant toute la série, s'affichent ici les uns après les autres. Malgré le bonheur que dégagent ces images, il est difficile de ne pas se retenir de pleurer ou de s'émouvoir. Parce qu'on a passé 5 saisons à leurs côtés, parce qu'on les connait autant qu'ils ne se connaissent entre eux, on fait partie de la famille Fisher et quand un membre de notre famille décède, ben c'est pas vraiment la joie. et cette putain de Sia qui nous pond une pièce en parfaite adéquation avec les images, c'est beaucoup trop pour mon petit coeur. Mais je vois surtout ce final comme rempli d'espoir, un sentiment renforcé par les ultimes plans sur Claire, d'abord âgée, au bord de la mort puis à nouveau jeune dans la voiture. Cette succession très courte en dit tellement. Déjà le fait tout simple que Claire vivra 102 ans (ce qui est déjà une victoire pour elle (et pour nous aussi) sur la vie) et qu'elle gardera toujours des traces de son passé, de sa famille avec elle (grâce à ses photos sur le mur). Et puis il y a ce retour sur ses yeux jeunes, et cet éloignement de caméra loin derrière la voiture avant un ultime fondu au blanc. L'association du regard de la Claire du futur repensant à sa vie bien remplie avec le regard de la Claire du présent, avide et inquiète sur sa vie à venir, est un coup de maître et me conforte dans mon idée que Claire est le personnage principal de la série. Allez je te sens nostalgique, moi aussi, ça c'est cadeau : https://www.youtube.com/watch?v=eNwARV9tPUw


(3)
Mais finalement SFU ce n'est pas que des larmes, c'est aussi des moments de joie et d'espoir. Et surtout bien plus une série sur la vie que sur la mort comme son titre pourrait l'indiquer. Enfin quand je dis "bien plus" je m'emporte un peu vous en conviendrez. Mais quand même on voit bien plus de vie que de mort dans cette série. Bien plus de choix de vie, bien plus une représentation de ce qu'est la vie. Alors bien sûr la mort n'est jamais très loin, en témoignent les fantômes qui reviennent visiter les membres de la famille Fisher, notamment le paternel, Nathaniel Sr, qui revient envoyer une pique de temps à autre à sa famille. C'est le grand artisan de l'humour noir de la série, je pense notamment à cette scène hallucinante ou, Nate, en rêve (enfin je crois je suis plus sûr), va jouer aux dames chinoises avec son père accompagné de la mort et de la vie. S'en suit un discours incroyable sur la relation qu'entretient justement ces deux entités, avant une scène de sexe complètement décalée entre justement la mort et la vie. Cette personnification est vraiment super intéressante, et prouve l'inventivité qu'à la série pour nous faire passer son message avec légèreté. Car au travers de cette scène complètement décalée, se cache l'étroit rapport que nous avons tous avec la mort, et qu'au final la vie, au détour des nombreuses impasses dressées, peut très bien te tourner le dos. J'ai toujours trouvé les scènes d'apparitions très bien traitées dans SFU.
Et puis il y a des beaux moments dans cette série, les plus fans d'entre vous auront reconnus la scène qui est garni de Don't Fear the Reaper, Nate chevauchant sa nouvelle moto enflammée, une décompression nécessaire. Je pense aussi à la scène dans laquelle Claire et ses amis se mettent à chanter "I Need you So Much Closer", c'est simple et beau (merci Mr_Chouette) ou encore les souvenirs de Nate que se racontent les personnages autour d'un dîner à la fin de la série ; c'est rempli d'anecdotes, ça fait sourire et on oublie (un peu) la lourdeur de l'évènement. Ils ne sont pas énormes ces réconforts, mais nombreux. Pleins de petites scènes remplies d'un humour noir bien particulier qui viennent parsemés une écriture déjà parfaite.


Là où The Wire est (et restera) une fresque sociale profonde et complète, Six Feet Under est une fresque émotionnelle impressionnante, présentant une galerie de personnages d'une profondeur incroyable, tous plus attachant (et détestables) les uns que les autres.
Un monument, un chef d'oeuvre.
J'ai passé des semaines entières à partager la vie des Fisher, leurs joies et leurs peines, une chose est plus que certaines, ils vont sacrément me manquer.

Strangelove

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