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Trevor, la nouvelle création de Rowan Atkinson, n’est pas loin d’être un nouvel avatar de l’illustre, de l’immortel Mr. Bean : on retrouve chez lui un grand nombre des grimaces, des postures physiques qui ont fait le succès de ce dernier, avec une injection – pertinente, efficace – d’une dose de réalisme. Trevor est divorcé, et souffre de ne pas voir assez sa fille, même s’il est clairement le premier responsable (irresponsable ?) de la situation désastreuse dans laquelle il se trouve. Car Trevor a beaucoup de mal à trouver et surtout à garder un emploi, du fait de son comportement obsessionnel, voire largement délirant. Au début de Seul contre l’Abeille (mauvaise traduction, française, la co-star de la mini-série étant un bourdon !), il vient d’être embauché par une société de gardiennage pour s’occuper de la maison d’un richissime couple qui part en vacances, et c’est la chance pour lui de pouvoir retrouver une certaine normalité.


Si ce (relatif) réalisme du personnage éloigne Atkinson de l’abstraction qui était l’une des qualités de son style, comme une sorte de version « so british » et largement hystérique du Monsieur Hulot de Tati, il rajoute incontestablement un impact émotionnel plus grand à la série de catastrophes qui vont se déclencher par la faute de Trevor, obsédé par l’intrusion d’un bourdon dans la maison dont il a la responsabilité. Car, emporté par une folie incontrôlable, à force de vouloir se débarrasser, puis exterminer l’animal, Trevor va, dans un crescendo très bien mené, se lancer dans un chemin de destruction de plus en plus extrême. Et de plus en plus hilarant.


Le gros « plus » de cette drôle de minisérie (9 épisodes de 10 minutes, doit 1h30 de ce qui est en réalité un film découpé en tranches), ce qui la fait fonctionner, c’est la qualité de sa construction, de son rythme et de sa mise en scène. Seul face à l’abeille est le résultat d’un travail de trois ans de la part d’Atkinson et de ses complices Will Davies au scénario et David Kerr à la réalisation, et l’on sent, devant chaque péripétie du combat de l’homme contre l’insecte, le soin qui a été apporté à la conception des décors et des situations : même si l’exagération typique de Mr. Bean reste de mise, tout ce à quoi nous assistons reste « vraisemblable », crédible : on rira donc beaucoup devant Seul face à l’Abeille, mais on ne pourra pas s’empêcher d’être également horrifié par les mauvaises décisions prises par Trevor, et par leurs conséquences fatales. Ce mélange de drôlerie et de gêne, si typique de l’humour anglais, distingue comme souvent ce type de comédies d’Outre-Manche de leurs équivalents états-uniens ou, pire encore, français : dans ses meilleurs moments, Atkinson n’est pas si loin ici du génie absolu d’un Peter Sellers, et du modèle qu’est The Party de Blake Edwards.

Il reste à souligner, sans spoiler, l’habileté scénaristique du dernier épisode qui, en dix minutes montre en main, retourne sans coup férir la situation de son héros, et nous laisse donc passablement satisfaits devant cet objet léger, mais finalement plus singulier qu’on ne l’imagine au milieu du panorama contrasté de la comédie populaire contemporaine.


[Critique écrite en 2022]

Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2022/06/30/the-brian-jonestown-massacre-fire-doesnt-grow-on-trees-retour-a-la-grande-forme/

EricDebarnot
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le 3 juil. 2022

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Eric BBYoda

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