Peaky Blinders
7.9
Peaky Blinders

Série BBC One, BBC Two (2013)

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"You either die a hero, or you live long enough to see yourself become the villain"

Quelle est la série la plus surcotée de l’histoire de la télévision ? Intéressante question à laquelle il serait difficile à quiconque de répondre. Le cas de Peaky Blinders me vient à l’esprit. Entourée d’une aura qui suscite une anticipation et altère nécessairement la réception de l’œuvre, il peut paraître difficile de juger objectivement la série pour ce qu’elle est. Comme Game of Thrones en son temps et Breaking Bad avant cela, critiquer une telle œuvre c’est également critiquer phénomène de la culture populaire.


Entrons dès à présent dans le vif du sujet.


Après une première saison au démarrage aussi lent qu’il est possible de l’être, la deuxième adoptait un rythme qui entretenait l’intérêt du spectateur. A partir de la troisième saison néanmoins, le visionnage s’est accompagné d’un ennui de plus en plus irritant et l’impression qui domine est un sentiment d’inachevé.


Tout d’abord, les arcs narratifs ne sont jamais vraiment résolus ; ils sont en suspens d’une saison à l’autre quand ils ne sont pas tout simplement abandonnés. La narration est truffée de retournements de situation qui s’apparentent plus à des deus ex machina qu’à une résolution logique du scénario.
Par ailleurs, les évènements d’actualité utilisés ne sont que des prétextes pour les scénaristes car ils ne sont que vaguement développés (le stress post-traumatique des soldats revenant de la guerre 14-18 par exemple). Les anachronismes parsemés çà et là soulignent également le peu de souci porté à la cohérence historique.
Le choix d’avoir si peu d’épisodes pour chaque saison implique de condenser les enjeux et les personnages, avec le recours nécessaire à des ellipses plus ou moins heureuses. De ce fait, l’exploration psychologique des personnages devient au fil des saisons quasi absente. Passé la troisième saison, il n’y a plus d’ambition de développer un parcours psychologique aux personnages. Les évènements qui leur arrivent ne leur laissent plus de trace. D’ailleurs, il n’y a pas le temps d’explorer les sous-intrigues des personnages secondaires. Leurs désaccords sont réglés lors des « family meetings ». Finalement, trop de personnages, trop peu de personnalité.


On en vient donc à évoquer l’unique personnage qui, au fond, intéresse les créateurs de la série : Thomas Shelby. C’est lui qui porte l’histoire et l’attrait de Peaky Blinders. Il irradie de charisme dans toute la série : aucun homme (ou presque) ne parvient à le stopper, aucune femme ne résiste à son charme et toutes veulent coucher avec lui. Si l’on prend un peu (mais pas tellement) de recul, Thomas Shelby n’est qu’un psychopathe, au sens psychiatrique du terme. Il ne voit les autres que comme des moyens et a une très faible capacité d’empathie. Il va jusqu’à utiliser un ancien camarade de l’armée pour lui faire porter le chapeau d’un assassinat en lui faisant croire qu’il vient le sauver. Il a certes beaucoup de « succès » social, comme le démontre son ascension au cours de la série, mais rapidement, on cesse de ressentir la moindre empathie pour cet individu calculateur et machiavélique. Peut-être suscite-il encore de la fascination chez certains. Cependant, l’exploration d’un personnage de sa trempe à déjà été faite avec bien plus de brio dans The Godfather : part II. L’archétype du gangster à la conscience morale qui protège sa famille remonte à cette période. Et depuis, cette image a été battue en brèche par Sergio Leone dans Once upon a time in America » (1984), puis par Martin Scorsese dans ses films des années 90 : Goodfellas et Casino et enfin par la série The Sopranos (une évolution retracée en détails ici)
En l’absence d’empathie pour ces personnages de carton, le visionnage perd son intérêt devant la succession quasi mécanique de la séquence « Thomas a un plan / fusillade / Thomas gère les conséquences », répétée ad nauseam.


Que retiennent finalement les spectateurs de la série ? De beaux costumes et de belles coiffures dont nous ne rediscuterons pas l’incongruité historique, des tubs punk-rock entraînants lorsqu’ils marchent au ralenti en sortant de la brume - un gimmick de plus -, des personnages aux accents caricaturaux interprétés sans nuance, et une vision idéalisée de la vie de gangster dans les années 20… en somme les couleurs clinquantes qui recouvrent une coquille vide.

Quentin_Pilette
5
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le 25 déc. 2021

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