Mad Men
7.7
Mad Men

Série AMC (2007)

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Madison Avenue ton univers impitoyable ! Un monde où Don Draper, créatif en chef, règne au plus haut de sa tour d’ivoire, costard impeccable, gomina plaquée, clope visée au bec et jamais dernier pour lever le coude, l’agence de publicité Sterling-Cooper est son territoire et libre à lui de déambuler et imposer sa classe. Ça s’agite autour, une fourmilière de tapotements et de cliquetis de machine à écrire, de sonneries de téléphone et de papotage, la boite tourne comme une horlogerie et la hiérarchie se doit d’être respectée, la secrétaire Peggy Olson apparait comme un rouage quelconque pour finalement bousculer l’ordre établi, celle de la femme s’imposant dans un domaine et un contexte très masculin. La trame gravite essentiellement autour de ces deux entités, le charisme indéboulonnable et la consciencieuse ambition.


"Mad Men" est une série américaine développée en 2007 par Matthew Weiner, qui a comme fait d’arme d’avoir scénarisé plusieurs épisodes des "Soprano", et c’est pas rien, puisque si il y a bien une qualité à mettre en lumière et que l’on constate très vite c’est cette écriture, autant pour les efforts quant au respect pointilleux du contexte politico-culturel des années 60 aux États-Unis que pour les dialogues et la singularité des personnages principaux. La série nous immerge complètement dans ces bureaux, nous invitant à suivre cette bande de loups à l’affut du moindre client ou contrat à dénicher, surtout que la concurrence ne manque pas à Manhattan, un véritable terrain de chasse où tout est permis, du bagou de Roger Sterling au dynamisme de Pete Campbell en passant par la présence matriarcale de la plantureuse Joan Harris, l’agence est fructueuse.
Le milieu de la pub je le connais un peu pour y avoir bossé quelque temps, je sais à quel point les relations créatif-client sont tendues, et j’ai tout à fait retrouvé ça dans la série, et ça m’a plutôt amusé, le fait de vendre son cul au demandeur, de donner de son temps et de son âme pour qu’au final il nous refile son propre point de vue minable, nous demandant de répondre à ses exigences complètement hors sujet, et c’est intéressant car de nos jours la publicité est essentiellement axée sur le besoin premier du consommateur, le capital produit, le terme créatif en devient presque obsolète, et le fait que "Mad Men" se déroule dans cette décennie des années 60 où les idées originales tentaient de perdurer reste symptomatique d’un long trajet semé d’embuches et de réévaluations.


Bien sûr tout ne reste pas confiné entre les quatre murs de Sterling-Cooper, car la vie de Don Draper est un facteur tout aussi primordial, entre un passé trouble et secret qu’il tente d’échapper et une vie de famille qui bat de l’aile malgré toutes ces apparences idéalisées, Betty est comme l’incarnation de Grace de Monaco, prisonnière de sa condition de "femme de" ne pouvant s'émanciper, d’accompagner sa fille vers l’âge adulte, tout en devant faire face aux infidélités permanentes de son mari, tout cela est sujet aux bouleversements et répercutions quant à la psychologie de Don. Et s’en est de même pour les autres personnages principaux de la série, comme les ambiguïtés entre Peggy et Pete, les conquêtes de Roger ou la relation à distance de Joan avec son mari parti au Vietnam.
Le contexte des années 60 aux États-Unis reste un vrai vivier historique, les assassinats des frères Kennedy et Martin Luther King, les émeutes raciales, le conflit vietnamien, Apollo 11, etc, et tout est exploité à bon escient pour servir le scénario, comme par exemple le racisme en entreprise avec l’apparition des premières secrétaires noires, les faits engendrent des facteurs complémentaires qui deviennent de vrais points d’encrage en matière d’enjeux scénaristiques et ça c’est vraiment plaisant quand on s’intéresse à l’histoire socio-culturelle américaine de l’époque. De plus chaque petit détail a son importance dans la corrélation des événements et de son sujet, Matthew Weiner a vraiment crée un univers impeccable et sans défaut, un travail titanesque en terme de reconstitution, surtout sur sept saisons de 13 épisodes (de 45 à 50 minutes) chacune.


Niveau casting on ne pouvait espérer mieux, Jon Hamm est le charisme incarné dans le rôle de Don Draper, sorte de figure bogardienne iconique à la carrure imposante, classe et charmeuse, il rayonne dès sa toute première apparition à l’écran et donne à lui seul l’aura au concept retro, Elisabeth Moss m’a également beaucoup impressionné dans son personnage de Peggy Olson, c’est LA femme forte et puissante de l’agence avec Joan (Christina Hendricks, image glamour, sexy et dominatrice), son interprétation est juste fantastique, tout en nuances, entre sensibilité et profondeur. Je pourrais aussi citer John Slattery (Roger Sterling, également réalisateur de quelques épisodes) avec notamment une scène de trip à l’acide mémorable, January Jones (Betty Draper) en mère torturée, Vincent Kartheiser (Pete Campbell) au cabotinage carrément jouissif, ou encore l’actrice canadienne Jessica Paré qui interprète la seconde épouse de Don et dont le déhanché sur "Zou Bisou Bisou" marque salacement les esprits.
À noter aussi un excellente bande son reflétant l’ambiance des sixties, entre les Stones, les Beach Boys, les Beatles (dont le morceau "Tomorrow never knows" utilisé lors de la saison 5 a été acheté pour la coquette somme de 250.000$ à Sony/ATV), et autres Jimi Hendrix Experience, un vrai plaisir pour les oreilles des amateurs de cette fantastique période musicale.


Je pourrais en parler encore pendant des heures et il y a bien d’autres choses à mettre en évidence mais si vous n’avez pas vu la série je vous laisse le bonheur de la surprise, "Mad Men" c’est une drogue, ça a été pour moi une pure addiction comme j’en ai rarement connu (avec "The Sopranos" et "Twin Peaks"), j’ai passé des nuits blanches à bouffer les épisodes comme des Skittles, à suivre les évolutions des personnages et m’immerger totalement dans cette histoire passionnante de quête permanente du pouvoir et de ses ambivalences cruelles et émotionnelles.

JimBo_Lebowski
9
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le 7 févr. 2015

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JimBo Lebowski

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