Les Soprano
8.5
Les Soprano

Série HBO (1999)

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Alors enfoiré, tu fais moins le malin maintenant, hein ?


Tu croyais quoi ? que t’allais nous baiser comme ça, fastoche ? Tu sais pas à qui t’as affaire, ducon !
Quand je pense que tu voulais nous doubler ! Tu vois le résultat : tout seul comme un connard, attaché à cette chaise, les deux genoux pétés, un flingue sur la tempe ! ça te surprend ?... moi pas. T’avais aucune chance. Pas contre la famille.


C’est dommage t’sais. Si t’avais pas fait le con, tu t’en serais bien sorti. C’est pas compliqué dans le milieu : tu obéis aux ordres, tu évites de trop réfléchir, tu mets les états d’âme au placard. Tu ramènes le blé aux cap’taines. Tu respectes nos règles. Quand les gens ne payent pas, tu leur fait un peu peur en leur défonçant la gueule. Quand on nous manque de respect, tu suis les décisions du boss, tu fais pas le con de ton côté. Tu butes qui on te dit de buter. Comme je vais le faire avec toi.


T’avais de l’avenir, petit. Tu la bouclais quand il fallait, tu tapais bien, tu as décroché la came quand on t’a dit d’arrêter les conneries. Tu rapportais l’argent dans les temps, tu as même surpris une ou deux fois en ramenant plus que prévu. Le coup des camions chargés de costumes de luxe, c’était pas mal du tout. Et t’avais gazé pour l’affaire du faux casino sous l’épicerie chinetoque.


Tu vois, pour moi, c’est du gâchis tout ça. Bien parti, et là tu t’éclates la gueule par terre. Parce que t’as merdé. Ça me fait de la peine, sincèrement.


Tu veux une clope ? Non ? Ouais c’est sûr, ça donne moins envie avec la moitié des dents en moins.


Moi j’avais mis pas mal d’espoirs en toi. J’te jure, j’étais allé voir Tony avec toute la confiance du monde, je m’étais porté garant de toi : « Tu peux me croire Tony, tu me connais depuis le temps, tu me fais confiance. Ce jeune c’est un bon élément, il rapporte bien, il est fidèle. » Mon cul oui. Je peux plus me présenter devant le boss sans passer pour un con maintenant. J’suis obligé de te faire payer, tu comprends. C’est ma réputation qui est en jeu.


Pourtant tu sais comme il est bonne pâte Tony. Il fait peur comme ça, c’est bien vrai. Un putain de colosse ce type. Ces mains ! Des vrais couvercles de poubelle. D’une claque il t’arrache la tête. Je l’ai vu tabasser un jeunot une fois ; comme ça, sans raison, juste parce qu’il était de mauvaise humeur. Et puis pas un ptit : 1m90, 95 kilos au bas mot : et ben en une torgnole Tony l’a foutu à terre. Et deux coups de poing, trois coups de pieds : le jeune il pleurait sa mère, il a pas réussit à se relever tout seul. On s’y est mis à 4 pour l’emmener à l’hosto.


Mais en dehors de ça, c’est un mec super, Tony. Le premier à déconner, à raconter des blagues, à payer l’addition. Il sait prendre soin de ses hommes, ça c’est sûr. Regarde moi, y’a cinq ou six ans je me suis pris une balle dans la cuisse. Fusillade pendant une tournée. Un connard désespéré qui arrivait pas à rembourser sa dette. Il avait décidé de se buter en emportant quelques-uns d’entre nous au passage. Je te dis qu’il a pas eu le temps de retourner le flingue contre lui… Fin bref. Comme j’avais géré, et que grâce à moi y’a pas eu de blessé, Tony s’est occupé de tous les frais médicaux.


Une crème j’te dis. Et pis malin avec ça. Y’a pas à dire, s’il est boss c’est pour une bonne raison, et pas seulement à cause de son paternel. Il a fait ses preuves, et surtout il sait gérer les hommes. Ça c’est sûr : s’entourer d’hommes fidèles, récompenser ceux qui le méritent, et surtout faire des affaires avec ces connards de New-York, il sait faire. C’est le meilleur pour leur donner un os à mâcher à ces vautours ; ils croient qu’ils gagnent le bras de fer, mais c’est Tony qui les tient en laisse. Il fait semblant de donner le beurre et l’argent du beurre : en vrai il rafle les vaches et baise la laitière au passage.


Alors ouais, paraît qu’il a eu des soucis pendant un certain temps. Certains racontent qu’il a vu une psy. Paraît qu’elle est sacrément canon d’ailleurs. Genre beauté froide tu vois, la meuf que tu pourras jamais avoir parce que toi tu pues le crime et la rue. Faut le comprendre Tony : ça doit pas être facile tous les jours d’être le boss. Les hommes à surveiller, les disputes à régler, les affaires à faire tourner, les flics à éviter, les autres boss à caresser dans le sens du poil… Et puis il est pas aidé par certains. Toi déjà, et tous ceux de ton espèce, ptit connard. Et puis sa mère. La vache. Je l’ai vu deux ou trois fois en conduisant Tony. Une foutue sorcière. Heureusement qu’il a sa femme et ses gosses. Carmela. La princesse du New-Jersey celle-là. Un sacré caractère. C’est pas juste une femme-trophée comme certaines ; elle sait comment mener son mari quand il faut, et quand les deux s’engueulent ! Madonna ! toute la baraque en tremble. Quant aux gosses, des ados, comme tous les ados : tout le temps en train d’emmerder leurs parents, de changer d’avis ou de ramener leurs grandes gueules… enfin je dis ça, mais tu sais, c’est la famille. On rigole pas avec la famille chez nous.


Puis les gosses, c’est important. C’est notre futur. Enfin pas le tiens, tu m’comprends. C’est pas un job facile, ouais, on en voit de toutes les couleurs. On peut crever à tout moment, comme ça paf ! par hasard, parce que t’es pas au bon endroit au bon moment, ou parce que ta tronche revient pas à tel ou tel connard. Voir des jeunots de 20 ans, ou des mecs de 40 avec des mioches encore en couche crever comme des chiens, la gueule ouverte en pleine rue… Ça fait réfléchir. On relativise quoi. On se dit qu’il faut profiter du moment quand il est là… Quand on rentre le soir et qu’on voit les marmots qui ont de quoi manger, qui pourront aller à la fac, tout ça, on se dit que c’est pas pour rien. Faut juste espérer être assez malin pour vivre le plus longtemps possible. Eviter les emmerdes, éviter les merdes.


Parce que, bon, faut pas se voiler la face : ce milieu, t’en sors que les pieds devant. Avec un peu de chance tu crèves d’une balle perdue sans la voir venir. Sinon, c’est la prison pour 20, 30 ans… et n’espère pas en sortir frais comme une rose. Ça te brise, quand t’en crèves pas. Non, c’est une putain de toile, et toi tu pensais être l’araignée alors que t’es le moucheron déjà emballé prêt à être bouffé.


Je vais être honnête avec toi, gamin. Parce qu’après tout je t’aime bien. Je t’envie presque. Ben ouais, regarde : tu vas clamser là, ce soir, mais tu sais qui te fous le pruneau dans la tête ! Moi, qui sait comment je vais finir. Peut-être poignardé dans le dos par un ami, peut-être vendu aux flics par un membre de la famille qui veut se protéger… c’est cette incertitude qui tue à petit feu.


Me regarde pas comme ça. Tu sais bien comment ça va finir. Fallait pas merder.


On se retrouvera tous en enfer. Tu passes juste devant.


BAM BAM BAM. BAM.

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le 21 avr. 2015

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Kogepan

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