Seine Saint-Denis Style

J'avais déjà beaucoup aimé le film d'Audrey Estrougo ("Suprêmes") sorti dans les salles il y a moins d'un an, et j'ai encore plus apprécié cette mini-série, également consacrée aux débuts du groupe NTM.

Les deux œuvres s'avèrent assez différentes pour ne pas faire doublon, "Le monde de demain" jouant la carte de la série chorale, ne se limitant pas au duo Joey Starr - Kool Shen. On suit notamment le parcours du DJ et animateur radio Dee Nasty, pionnier du hip hop en France, ou celui de Lady V, jeune grapheuse et danseuse - et accessoirement petite amie de Bruno Lopes.

Judicieusement découpée en épisodes portant le nom d'un lieu emblématique de cette période, la mini-série explore chaque étape de la montée en puissance du mouvement hip hop sur le sol français.

En fait, mon principal regret au bout de ces 6 épisodes bien remplis, c'est qu'il y avait matière à en proposer le double! De fait, certaines thématiques sont traitées superficiellement, tandis que certains personnages auraient mérité plus de développement, à l'image de Lady V, dont les problématiques individuelles sont survolées au cours de l'épisode final (sa place de femme au sein d'un collectif masculin, son amitié sacrifiée avec sa meilleure amie,...).

Autre léger bémol, la ressemblance physique inexistante entre Anthony Bajon et Kool Shen, alors même que Melvin Boomer s'apparente à un sosie de Joey Starr jeune (certaines expressions faciales sont hallucinantes!). Bajon est un comédien doué, c'est entendu, mais sa bonne bouille joufflue n'évoque en rien la physionomie de Bruno Lopes, contrairement à Sandor Funtek dans "Suprêmes". Et ce n'est pas la coupe mulet ni le duvet en guise de moustache qui vont sauver les apparences...

En dépit de ces quelques détails frustrants, "Le monde de demain" constitue une formidable réussite, chronique passionnante de cette épopée musicale et culturelle, dans les pas de ceux qui l'ont initiée. La reconstitution des années 80 s'avère probante, soulignée par une photo adaptée, et la mise en scène ne manque pas d'idées, à l'image de ce concert final improvisé, qui permet de rassembler l'ensemble des protagonistes au son de "That's my people".

Katell Quillévéré et Hélier Cisterne, les auteurs de la série, ont su trouver le ton juste, entre exaltation et authenticité, enthousiame juvénile et regard nostalgique, goût du détail et esprit de synthèse.

On attend maintenant que quelqu'un s'attèle à nous raconter la suite de l'histoire, avec les années "rap business" : la gloire et le fric, les triomphes et les renoncements, ainsi que les dérapages qui vont avec... Un projet moins fédérateur sans doute, mais pas moins intéressant.